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Première épître de Pierre 2 / 21b-25 (1)
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texte : Première épître de Pierre, 2 / 21b-25 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Ézéchiel 34 / 1-2. 10-16 ; Évangile selon Jean, 10 / 11-16. 27-30
chants : 616 et 622 (Arc-en-ciel)
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« Christ vous a laissé un exemple. » Voilà une phrase bien ambiguë, une spiritualité bien problématique ! Quel est donc cet exemple à suivre ? En quoi le Christ est-il pour nous un exemple ? Comment pouvons-nous, comment pourrions-nous, être des christs à notre tour, comme Jésus le fut ? Dit comme ça, cela peut choquer nos oreilles protestantes, mais pas forcément celles d’autres chrétiens, d’autres traditions ecclésiastiques… Est-ce bien d’une telle exemplarité qu’il est question ? Le petit extrait de la première lettre de Pierre, qui nous est proposé aujourd’hui par la liste des Églises d’Alsace, va nous aider à répondre à cette question, qui n’est rien d’autre, après tout, que celle de notre foi chrétienne : qu’est-ce que c’est qu’être chrétien dans la vie de tous les jours et au milieu des gens qui nous entourent ?
Le premier élément de réponse, et qui est justement au centre de notre foi, c’est que « Christ a souffert pour [nous] ». Il ne s’agit donc pas de suivre l’exemple d’une divinité toute-puissante, jugeant et décidant selon ses propres critères de tout et du reste de la vie des gens. Ce serait pourtant là un exemple facile à suivre, facile parce que correspondant bien à nos envies d’utiliser les gens et de nous construire un monde et un environnement qui nous convienne. Pour le dire autrement, nous ne sommes pas appelés à devenir des petits Jupiter, Wotan ou autres… Ce que la Bible nous révèle de la divinité de Jésus n’est pas exemplaire, pas imitable. Pour le dire comme les théologiens protestants du XXème siècle, Dieu est « le tout autre », il est « radicalement autre » que nous. Là où l’exemple de Jésus va jouer pour nous, c’est bien, et seulement, en tant qu’il a souffert pour nous. Mais faudra-t-il donc souffrir comme lui pour d’autres ? Le but de la foi chrétienne est-il la souffrance pour le salut des autres ? La suite va nous le dire…
Et elle va nous dire que non. Car de qui d’autre que de Jésus pourrait-on dire qu’il « n’a pas commis de péché » ? Les psaumes déjà, dans l’Ancien Testament, nous disaient qu’ « aucun vivant n’est juste devant [l’Éternel] » (Ps. 143 / 2). Alors qui ? Pas moi, en tout cas… Jésus a donc occupé une place unique dans l’histoire du salut des humains. Mais si lui a vécu en-dehors du péché, en pleine communion avec le Père, nous autres qui vivons naturellement dans le péché, nous avons pourtant été rétablis dans la communion du Père avec ses enfants, et par Jésus justement ! Alors, nous écrit Pierre, la première chose que nous puissions faire pour le suivre, c’est que, dans notre bouche à nous comme dans celle de Jésus, « il ne [soit] pas trouvé de fraude » … Comme Jésus le dit aussi dans le Sermon sur la montagne : « Que votre parole soit oui, oui ; non, non ; ce qu’on y ajoute vient du Malin. » (Matt. 5 / 37) Si les chrétiens pouvaient retrouver cette réputation d’intégrité morale, de refus du mensonge et du « faux témoignage » (Ex. 20 / 16), ce serait déjà un témoignage extraordinaire rendu à Jésus-Christ dans la société ! Ah, si nous cessions de raconter du mal ! Vous connaissez cette histoire qu’on prête à Socrate, à qui un disciple venait raconter des choses sur une de ses connaissances. Le sage a interrompu son interlocuteur en lui demandant : « Ce que tu veux me dire, est-ce vrai ? Est-ce bon ? Est-ce utile ? Sinon je ne veux pas l’entendre. »
Ce que Pierre nous montre ensuite de Jésus n’est qu’une autre manière de redire la même chose : « lui qui, insulté, ne rendait pas l’insulte ; souffrant, ne faisait pas de menaces… » C’est donc bien toujours un Jésus souffrant qui nous est montré, mais ce n’est pas sa souffrance qui nous est montrée, mais plutôt sa réaction face à la souffrance. Et ce n’est donc pas sa souffrance qu’il faudrait imiter – quelle horreur ! – mais sa réaction, bien sûr. Comme lui, s’abstenir de paroles mauvaises, c’est-à-dire s’abstenir de faire du mal en retour. L’apôtre Paul l’écrira aussi : « bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas, […] ne rendez à personne le mal pour le mal. » (Rom. 12 / 14. 17a) Or les occasions sont nombreuses, non pas parce que nous sommes méchants, mais parce que, bien souvent, nous avons mal, pour une cause ou pour une autre, par la faute de notre corps ou de notre psychisme, par oppression sociale ou injustice économique, par querelle familiale ou rivalité politique, etc. Dans l’exhortation de l’un ou l’autre apôtre, il n’est pas question de relativiser ni, encore moins, de justifier le mal qu’on nous fait ou la souffrance que nous subissons. Mais de ne pas augmenter le mal et la souffrance, serait-ce sur nous-mêmes. La parole, l’attitude de Jésus, sont pacifiantes, que ce soit pour celui qui en est acteur, ou pour celui qui en est bénéficiaire.
À ce moment-là de notre réflexion se pose la question du pourquoi du comment, et c’est justement là que le texte y répond : le Christ « s’en remettait à celui qui juge justement. » Cette petite précision n’est pas anodine, dite comme ça en passant. Car on pourrait penser, et c’est souvent ce que nous faisons, que tout ce qui nous est demandé ici suppose un effort de notre volonté. Or cet effort n’est possible que lorsque nous sommes en forme ! Quand on ne nous fait rien de grave, il est facile de pardonner. Quand on n’a pas mal, il est facile de ne pas maudire tous ceux qui vous entourent. Or le Christ nous donne comme exemple sa propre manière de réagir justement pas dans ces cas-là, mais quand le pardon nous semble impossible, quand on a trop mal pour se soucier de qui que ce soit d’autre que de soi-même. C’est-à-dire quand on n’est plus capable de volonté bonne, quand on n’est plus capable de faire des efforts.
Comprenez bien alors : ce n’est pas notre volonté qui est sollicitée, car elle est infirme ; ce ne sont pas nos impossibles efforts. C’est notre confiance. « S’en remettre » à celui qui sait et qui peut toutes choses, mais dont nous ne connaissons pas les projets, sinon qu’ils sont bons pour nous. Ce n’est donc pas sur preuve que nous devons faire confiance – ce ne serait d’ailleurs pas de la confiance, dans ce cas-là ! La confiance, comme l’amour, se passe de preuves, puisque… elle fait confiance ! C’est la définition-même de la foi, autre mot de la même famille. La foi, comme on dit, ce n’est pas « croire que », c’est « croire en » … La foi, ce n’est pas croire telle ou telle chose sur Dieu, sur Jésus, sur le salut. La foi, c’est croire Jésus, c’est faire confiance à Dieu. C’est bien plus difficile – intellectuellement. Mais c’est bien plus facile à faire, comme dit Jésus : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est facile, et mon fardeau léger. » (Matt. 11 / 28-30) Se reposer sur Jésus, comme lui s’est reposé sur le Père. « Confie à Dieu ta route », comme nous avons chanté tout à l’heure…
Pour celui ou celle qui veut réfléchir avant de faire confiance – c’est là un luxe de bien-portant ! – il y a encore un hic : « s’en remettre à celui qui juge justement », c’est s’exposer à son jugement. Or nous savons bien ce que nous méritons à l’aune de la justice de Dieu et de ses commandements. Si Dieu est un juge, alors nous sommes d’ores et déjà condamnés, puisque, comme nous le confessions autrefois avec la prière de Calvin : « nous transgressons tous les jours et de plusieurs manières tes saints commandements, attirant sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort. » Il faut donc que l’apôtre Pierre nous reprécise bien les choses : nous sommes « morts à nos péchés » parce que Jésus « a porté nos péchés en son corps sur le bois. » Là encore il est inimitable par qui que ce soit, et d’ailleurs il n’y a aucune raison de chercher à l’imiter en cela, il n’y en a pas besoin. Il a souffert « le sacrifice unique et parfait, offert une fois pour toutes sur la croix. » (ancienne liturgie ERF, cf. Heb. 9) Sa « meurtrissure vous a guéris. »
Il y a donc une œuvre propre du Christ, qui est celle de notre salut, et qui a été accomplie par sa mort. Si vous cherchez plus d’explications là-dessus, vous pourrez bien dire des tas de choses, et aucun de nous ne dira comme son voisin. Ça n’a pas d’importance. Ça n’a pas même d’intérêt. Ce qui importe, c’est que ce salut, cette réconciliation, a été accomplie. « C’est fait ! » (Apoc. 21 / 6) Le jugement a été remis à l’avocat de la défense, et le procureur a été expulsé du tribunal : voici comment Dieu juge ! Et voici pourquoi nous pouvons lui faire confiance, même quand nous avons mal, même quand nous ne comprenons pas, même quand nous avons le sentiment que le monde entier cherche à nous détruire. Au-delà de ce que nous ressentons ou comprenons, au-delà de l’objectivité de ce qui advient aux uns et aux autres, nous avons été libérés une fois pour toutes de la mort. Il nous est donc désormais loisible de « vivre pour la justice », comme l’écrit Pierre, c’est-à-dire pour voir s’accomplir en nous et par nous ce qui est conforme à « la volonté de Dieu : ce qui est bon, agréable et parfait. » (Rom. 12 / 2) Christ était libre de la mort, il a pourtant dû la traverser. Et nous, nous en avons été libérés par lui. Ce que Pierre – avec tout le Nouveau Testament – nous propose aujourd’hui, c’est donc de vivre comme des ressuscités que nous sommes, à l’image du Christ qui est ressuscité.
Notre texte reprend une image qui parcourt toute la Bible, et qui est le thème traditionnel de ce deuxième dimanche après Pâques, celle du berger et de ses brebis. Jésus est donc bien « le bon berger », ou « le vrai pasteur », traduisez comme vous voulez. Et nous, nous ne sommes plus « des brebis errantes », même si le diable nous en souffle encore souvent l’illusion. Ce n’est pas parce que nous aurions trouvé seules le chemin pour rentrer au bercail, mais c’est parce que le vrai pasteur est venu nous chercher. C’est donc bien à lui seul que nous pouvons faire confiance. Ne vous attachez pas aux autres bergers, qu’ils soient politiques ou religieux, pas même à votre serviteur. Attachez-vous à Christ, « le gardien de vos âmes ». Et dans cette certitude que vous ne risquez plus rien, vraiment, eh bien vous pouvez tout, même l’impensable, même l’impossible ! Il vous est désormais loisible de pardonner aux impardonnables, de prier pour ceux qui vous persécutent, de fermer la bouche fasse à l’insulte et à toute sorte d’agressions, etc. Pas avec vos propres forces. Mais « sur les traces » de celui qui « a souffert pour vous ». Laissez-vous porter simplement par ce mouvement qu’il a initié, laissez-vous porter par le Saint Esprit de Dieu : c’est lui qui le fera. Remettez votre vie entre les mains du Père qui vous aime, remettez-vous-en à lui à chaque instant, en toute occasion. Vous y êtes appelés, c’est là que vous trouverez votre bonheur ici-bas. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 10 avril 2016