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Première épître de Jean 5 / 1-5
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texte : Première épître de Jean, 5 / 1-5 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Genèse, 1 / 1-4a. 26-31a ; 2 / 1-4 ; Évangile selon Jean, 15 / 1-8
chants : 41-11 et 41-07 (Alléluia)
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Avec la première lettre de Jean, vous savez, on croit toujours que l’auteur passe son temps à se répéter, alors qu’en fait il nous emmène chaque fois un peu ailleurs… L’extrait que les Alsaciens nous proposent ce matin pourrait être utilisé sans problème pour un baptême : il y est question d’être « né de Dieu », du commandement d’amour, et de la foi, bien sûr ! Il prend bien sa place après les premières lectures qui montrent l’être humain selon Dieu portant du fruit selon la volonté de Dieu. Bref, voilà beaucoup de choses avec lesquelles nous ne sommes pas forcément à l’aise. Qui d’entre nous en effet « domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre » ? Qui d’entre nous peut constater dans sa propre vie l’accomplissement de ceci : « demandez tout ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé » ? Serait-ce alors que nous sommes des sarments coupés du cep ? Serait-ce que nous ne sommes pas enfants de Dieu ? Mais vous savez que si nous comprenons ainsi ces versets, si nous entendons non pas la bonne nouvelle de notre salut, mais une parole de condamnation, c’est que nous écoutons le diable et non pas l’Esprit du Dieu de Jésus-Christ ! Faisons donc taire le diable, et écoutons notre Dieu…
La question de départ de notre extrait de l’épître est celle-ci : croyez-vous « que Jésus est le Christ » ? L’auteur de la lettre a déjà dit bien d’autres choses sur Jésus. Mais ici, c’est une définition minimale, en quelque sorte. Est « christ » celui qui a été oint par Dieu ; c’était le roi, ou le grand-prêtre, ou d’autres gens chargés d’un ministère, comme on dirait aujourd’hui. Et même sans huile, c’est un peu ce qui va arriver aux Conseillers presbytéraux dans quinze jours ! À une époque où il n’y avait plus de roi sacré depuis 600 ans, où le grand-prêtre était nommé par les Romains, le titre avait pris de l’ampleur : le Christ était « celui qui doit venir », comme se le demandait le Baptiste à propos de Jésus, depuis sa prison (Luc 7 / 29). Mais nous pouvons nous poser la question différemment, sans faire de l’histoire ni de la haute théologie. Nous pouvons nous demander simplement si nous croyons en Jésus, c’est-à-dire si nous lui faisons confiance pour la foi et pour la vie.
Si la réponse est non, eh bien nous ne sommes pas concernés par la Bible chrétienne ni par ce qu’elle contient : si nous ne faisons pas confiance à Jésus, pourquoi lire ce que les croyants ont écrit sur lui ?! Ceux qui se contentent de croire en Dieu selon leurs propres représentations, selon leur propre imagination, ne sont donc pas chrétiens, puisqu’ils ne se réfèrent pas à celui que nous, nous reconnaissons comme Christ : Jésus de Nazareth, mort et ressuscité. Depuis qu’il y a de l’humain en ce monde, celui-ci croit en l’existence du divin, c’est-à-dire d’un niveau de réalité qui lui échappe, et qui correspond en gros à notre peur de la mort et à notre refus d’une existence éphémère. Dans cette religiosité quasi universelle, rien de chrétien. Et au nom de ce divin-là, on peut aussi bien se retirer du monde sans contact avec les autres, que les massacrer ou les exploiter, ou tout ce qu’on peut imaginer de plus horrible… ou d’ailleurs de plus aimable. Dirons-nous des meilleures personnes qu’elles sont « chrétiennes sans le savoir » ? Ça n’aurait pas de sens.
Car chrétien, c’est faire confiance à Jésus Christ. Et, bonne nouvelle selon Jean, c’est donc « être né de Dieu ». L’évangéliste disait la même chose avec d’autres mots, avec l’image des sarments, tout comme il avait montré précédemment Jésus tenter de le faire comprendre à Nicodème (Jean 3). La confiance que nous faisons à Jésus est la manifestation de notre « nouvelle naissance », la manifestation de ce que nous sommes « nés de Dieu », « enfants de Dieu ». C’est bien dans cette confiance-là que nous pouvons nous adresser à Dieu en lui disant « Abba – Père », comme l’écrivait aussi Paul (Rom. 8 / 15), ou encore lui adresser sincèrement la prière apprise de Jésus lui-même (Matt. 6 / 9), comme nous le faisons très souvent seuls ou ensemble. Nous sonnons même les cloches à ce moment-là ! Nous adressant à lui comme ses enfants, c’est donc avec amour et non pas comme un dû que nous lui demandons ce qui nous tient à cœur pour notre monde et pour nous. La prière est l’expression de notre amour pour « notre Père qui [est] aux cieux ».
Nous nous retrouvons alors devant cette évidence logique : si être chrétien, c’est être « enfant de Dieu », alors nous le sommes tous, et donc – oui, donc – nous sommes frères et sœurs. Je sais très bien, jusque chez moi, que tous les frères et sœurs ne se portent pas forcément un amour débordant. Mais ils sont de la même famille, et s’il n’y a pas toujours l’amour, il y a toujours le regret qu’il n’y soit pas, comme si nous savions au fond de nous que, là, l’amour ne devrait pas faire défaut. C’est bien ce qu’exprime Jean, et s’il a besoin de le redire, c’est aussi parce que nous avons besoin de le réentendre ! Reconnaître Dieu comme notre Père, c’est reconnaître les autres chrétiens comme nos frères et sœurs. Aimer le Père qui nous a engendrés, c’est aimer les autres qui sont nés de lui, eux aussi. Sans cette « nouvelle naissance », ils seraient certes encore pécheurs, mais nous aussi ! Mais alors, c’est quoi, « aimer les enfants de Dieu », si nos propres sentiments y résistent souvent ?
Jean nous dit que c’est « aimer Dieu et pratiquer ses commandements ». Il rajoute que ces deux choses sont synonymes puisque, comme il l’avait écrit juste avant, « personne n’a jamais vu Dieu » (1 Jean 4 / 12). Le commandement n’est donc pas ce que nous devons faire pour aimer Dieu, comme on le pense en judaïsme et parfois dans d’autres traditions chrétiennes. Mais le commandement est ce que nous faisons parce que nous aimons Dieu. « Comment cela se peut-il ? » – C’était la question de Nicodème ! … (Jean 3 / 9) – Eh bien c’est possible non par nos propres efforts, mais parce que Jésus est le Christ, comme nous l’avons entendu au début. Et à cause de cela, le commandement n’est plus une obligation de respecter les deux Tables de la Loi, ni même leur résumé en deux commandements d’amour. Mais c’est ce que Jean appelle « un commandement nouveau » (1 Jean 2 / 8) : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13 / 34). C’est Jésus qui parle ici, bien sûr. C’est son amour à lui qui est premier, qui nous a transformés, et dans lequel nous pouvons nous aimer à notre tour. C’est l’amour de Jésus qui agit en nous – voilà en quoi c’est un commandement nouveau. « Croire que Jésus est le Christ », c’est croire son amour pour nous, le don de sa vie pour nous dans sa mort et sa résurrection.
Voilà bien pourquoi « ses commandements ne sont pas pénibles », comme l’écrit Jean. C’est lui qui les accomplit en nous ! Cela ne se fait pas par magie, comme le croient ceux qui nous critiquent. Car alors, sur les uns la magie opérerait, sur d’autres non, et cela dépendrait de quoi ? De l’arbitraire divin, comme chez les païens ? De nos efforts, comme nous savons que ça ne marche pas ? De quoi donc ? Non, cela ne se fait pas par magie, mais par l’Esprit saint, c’est-à-dire aussi par la parole. C’est la parole de Dieu qui nous a été adressée et qui nous est toujours à nouveau adressée, et que nous pouvons reconnaître dans la prédication et dans le sacrement. Mais c’est aussi la parole de notre foi, non seulement la prière et le culte personnel ou communautaire, mais la réponse d’amour à l’amour premier de Dieu. Car la relation avec Dieu, si elle est initiée par lui, le Père, elle n’est pas à sens unique. Relation de parole, c’est un dialogue, tout comme la filialité ou la parentalité – dites-le selon que vous êtes enfant ou parent…
Et c’est bien dans la foi que notre amour fraternel est possible, parce que dans la foi nous sommes victorieux du monde. Et « le monde », ce n’est pas les autres, comme le poète le disait de l’enfer (Jean-Paul Sartre, Huis-clos) ! « Le monde », c’est moi lorsque je ne suis pas en Christ. « Le monde », c’est tout ce qui m’oppose à Dieu, aux autres et à moi-même. « Le monde », c’est la négation de ma dignité d’enfant de Dieu ; et si j’y suis nié, alors je le dénie aussi aux autres… La bonne nouvelle, c’est que « tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde ». L’Esprit de Dieu en moi triomphe de moi. Vous le connaissez peut-être, il y a dans notre recueil un cantique évangélique qui prie ainsi l’ « Esprit du Dieu vivant » : « sonde-moi, courbe-moi, brise-moi, façonne-moi… » (All. 35-17) Tous les enfants le vivent, tous les adultes aussi : pour grandir, il y a besoin que des choses se cassent. On peut le craindre avant, on peut le regretter ensuite (ce qui ne sert à rien), mais c’est ainsi. Les insectes et les serpents eux-mêmes le vivent : il y a des mues, des transformations, qui sont indispensables.
La foi est-elle donc un combat ? Non, nous dit Jean, la foi est une victoire, elle est la fin victorieuse du combat ! Et cette foi, c’est la nôtre, c’est la foi en Christ, la foi au Christ mort et ressuscité. C’est la foi en sa victoire qui est notre victoire. Comme l’écrivait Saint Paul : « si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés » (1 Cor. 15 / 17). Mais Christ est ressuscité, il a vaincu le péché et la mort, à notre place. Et si cette résurrection est une victoire pour nous, et pas seulement pour Christ, c’est parce qu’il est le Fils de Dieu, et pas seulement un homme. Sinon, il aurait dû racheter sa propre vie. Or, lui sans péché, c’est la nôtre qu’il a rachetée ! Lui qui est le Christ, il n’est donc pas seulement notre « champion », ni celui de Dieu. Il est plus que ça. Il est lui-même « né de Dieu », avant nous, pour nous, par amour pour nous. Ainsi, l’auteur de l’épître nous a amenés, à partir de notre regard positif sur Jésus, à admettre qu’il est Fils de Dieu, et qu’en lui réside notre foi qui est notre victoire !
Or, dans la foi, certains de cette victoire, notre souci n’est plus pour nous, mais pour les autres, et d’abord les uns pour les autres. C’est bien parce que Jésus, mort et ressuscité, est le Fils de Dieu, que nous autres sommes ses frères et ses sœurs, et que nous pouvons nous aimer du même amour dont nous-mêmes avons été aimés et sommes encore aimés sans aucune considération de nos efforts ni de nos fautes. Humainement, c’est-à-dire selon « le monde », beaucoup de choses s’y opposent, c’est vrai. Mais de tout ceci, nous n’avons plus rien à faire, n’est-ce pas ?! Dans la foi non pas les uns dans les autres, non pas en « l’Homme » ou en nous-mêmes, mais dans la foi au Christ vivant, « nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Rom. 8 / 37). Et c’est aussi de ce qui nous oppose les uns aux autres que la foi est victorieuse. C’est bien pour la vie de tous les jours, la vie ensemble, que la foi, notre foi au Christ, est victorieuse. C’est aussi la mort de nos relations qui a été vaincue par lui, le Fils de Dieu, « premier-né d’un grand nombre de frères » (Rom. 8 / 29). Que cette fraternité nous porte les uns et les autres, les uns vers les autres. En Christ. Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 17 avril 2016