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Évangile selon Luc 8 / 11-15
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texte : Évangile selon Luc, 8 / 11-15 (trad. : Louis Segond)
autres lectures : Psaumes 8 et 23
chants : 431 et 420 (Arc-en-ciel)
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Plusieurs images de Dieu nous sont proposées aujourd’hui. L’image du berger du Psaume 23, image royale s’il en est, mais qu’aujourd’hui nous interprétons de manière plus romantique ; or cette image est aussi celle d’un Dieu nourricier, un Dieu qui invite au repas de la surabondance, et c’est aussi ce que nous dira la célébration de la sainte cène tout à l’heure. Il y a aussi l’image du Dieu créateur, dans le Psaume 8 du début de ce culte ; cette image souligne là encore comme une surabondance paradoxale, celle de notre propre création par rapport à l’immensité de l’univers : « Qu’est-ce qu’un homme, un fils d’humain ? Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu… » Il y a l’image du Père, qui se manifeste dans le baptême, adoptant un de ces humains si frêles, un être incapable de lui répondre sérieusement et qui le restera toute sa vie, humain velléitaire et pécheur, et pourtant enfant chéri. C’est lui que nous prions souvent avec les mots que Jésus a appris à ses disciples qui le lui demandaient (Luc 11 / 1 et s.). Et puis il y a ce Dieu qui sème sa Parole un peu n’importe où, n’importe comment. C’est plutôt sur cette image que nous nous arrêterons…
Je ne vous ai pas relu cette parabole racontée par Jésus, mais même si vous ne la connaissiez pas, elle se laisse deviner sous l’explication qu’il en donne à ses disciples. Un paysan sème ses grains sur toutes sortes de terrains… ce qu’aucun vrai paysan ne ferait, bien sûr. Là encore, il est question de surabondance, de gaspillage même : Dieu est le contraire d’un avare ! En fait, c’est un grand optimiste, toute la Bible le montre. Aucune raison, aucune résistance, aucune insulte, aucun rejet, ne parviennent à briser cet optimisme. Ce n’est pas de l’humanisme : Dieu ne se fait aucune illusion sur l’être humain. C’est de l’amour, un amour presque aveugle, enfantin, non calculateur, mais aussi jaloux, et pourtant tout aussi prompt à redonner sa confiance, quand bien même tous les accusateurs du monde lui diraient qu’il se laisse berner (cf. Job 1-2).
Et donc, il sème. Des brebis ? Des étoiles ? Des enfants ? Il sème sa parole. Cette parole qui appelle les brebis, qui donne sens à l’univers muet, qui adopte des enfants. Parole d’amour pour les humains. Dieu a-t-il d’autres paroles que celle-ci ? Nous ne savons pas. Ça ne nous regarde pas. Ce qui nous concerne, c’est la parole qu’il nous adresse à nous, une parole qui nourrit et réjouit abondamment le corps et le cœur des humains qui l’entendent (cf. Ps. 104 / 15). Mais alors, pourquoi tout le monde ne l’entend-il pas, ne la reçoit-il pas ? Dieu ferait donc un tri au départ ? L’enseignement de Jésus sur le semeur nous dit que non. D’autres textes bibliques répondent un peu différemment, mais c’est peut-être qu’ils ne voient que la constatation amère que la parole de Dieu n’a pas été reçue par certains…
C’est bien aussi ce que constate Jésus ici. Tout comme il y a des brebis égarées (Luc 15 / 4-6), tout comme il y a des gens qui ne contemplent jamais les étoiles ou bien qui les regardent sans s’émerveiller de la création de Dieu, il y a aussi des terrains qui empêchent la semence de germer. « La semence, c’est la parole de Dieu. » La même parole qui a été prononcée sur Chloé il y a quelques minutes, et sur la plupart d’entre nous un jour, et sur tous ceux qui diront un jour ou l’autre, comme un ministre africain dans le Nouveau Testament : « qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » (Actes 8 / 36) La devinette de Jésus parlait ainsi du bord du chemin, des rochers, des ronces et de la bonne terre. Nous, nous aimerions bien n’entendre que la dernière phrase, n’est-ce pas : Jésus sème la parole de Dieu sur la bonne terre, et nous, nous qui l’avons donc entendue, nous « portons du fruit ». Et c’est bien. Fin de l’histoire.
Eh non ! Avec ses différents terrains, je ne sais pas si Jésus parle de gens différents. Mais je suis sûr en tout cas qu’il parle de moi à différents moments, ou encore dans différents terrains de ma propre vie. Alors, j’imagine que c’est pareil pour vous, n’est-ce pas ? Il y a dans ma vie des endroits goudronnés, bétonnés, sur lesquels, à vues humaines, rien ne poussera jamais. Pour ces terrains-là j’ai bien des oreilles, mais rien ne passe. Ce sont des endroits, des domaines, des aspects – dites-le comme vous voulez – qui semblent bel et bien condamnés, mais comme s’ils s’étaient condamnés eux-mêmes. Et puis, me souffle le diable, « à mon âge, on ne change plus… » Je ne vais évidemment pas vous faire la liste de ces terrains-là de ma propre existence, ni de la vôtre. Mais je vous invite à en faire l’inventaire de temps en temps, chacun pour lui-même. Vous savez, moi qui suis un gars de la ville, j’ai toujours été frappé de voir comment de frêles herbes étaient capables de fendre le bitume pour pousser quand même ! Alors, pour ces terrains-là dans votre vie, comme pour les suivants, ne renoncez pas encore !
Les terrains rocheux sont particuliers. C’est qu’il y a toujours un peu de terre au milieu des rochers ! Alors ça pousse… Repartirez-vous de ce culte avec la joie au cœur ? Je n’en sais rien, je l’espère, j’espère surtout que ce sera alors parce que vous aurez entendu une parole venant de Dieu, et non pas à cause du misérable prédicateur de cette paroisse… C’est seulement la parole de Dieu qui réjouit vraiment. Oui, il est bon d’entendre, et surtout de réaliser, qu’on est enfant de Dieu, aimé de Dieu, qu’il a donné son Fils pour nous, qu’il nous accueille sans condition. Cela fait chaud, cela fait du bien, cela fait même parfois pleurer. Et puis, comme tout enfant qui grandit, il y a des choses fondamentales qu’on oublie. Ou bien on se dit que ce n’est pas grave, juste un détour, on reviendra… Et puis on ne revient pas. L’épreuve était là, et on a perdu. On s’est perdu…
Les ronces sont-elles un meilleur terrain pour semer ? Vous aurez compris que Dieu sème sur tous les terrains ! Mais qu’est-ce que ça devient ? Là ce n’est plus un terrain adolescent, mais bien un terrain adulte : on se « laisse étouffer par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie. » Ainsi, que la vie donne du souci ou du plaisir – et ce n’est certes pas la même chose – on sera toujours trop occupé à devoir la gagner pour mettre en œuvre cette relation avec Dieu qu’on regarde alors toujours comme « un plus ». Un plus intéressant, oui, mais pas indispensable, ou bien pas maintenant. Et à force de vouloir ou de devoir se gagner, la vie se perd, tout comme l’amour, tout comme l’espérance, tout comme la foi. Il ne restera que moi seul, face à la tombe que j’aurai patiemment creusée en voulant ou en croyant bâtir des palais pour moi ou pour mes proches.
Mais, chers amis, il y a aussi de la bonne terre sur laquelle sème le semeur ! Il ne sème pas que sur des terrains qui ne donneront rien, il n’est pas masochiste ! Mais il sème aussi sur ces terrains-là. Sur tous les terrains, je vous l’ai dit. Pourquoi nous parle-t-il des terrains improductifs ? Pour nous faire honte ? Non. Je vous le disais tout à l’heure, Dieu est un incroyable optimiste. S’il ne veut pas que nous oubliions ces terrains-là, c’est peut-être parce qu’on y peut quelque chose, après tout ! Mais en attendant, il est quand même bien de se concentrer sur la bonne terre. Où est-elle donc ? Là je suis bien embêté… Si je trouve trop facilement où elle est dans ma vie, je vais être tellement fier de moi que ça va y faire pousser des ronces, ça va y jeter des cailloux, ça risque même de tout goudronner… Mauvaise idée ! Et si je ne la cherche pas, par soi-disant humilité, alors certainement rien n’y poussera non plus, en tout cas ça ne me servira à rien…
Je suis alors bien obligé de changer encore un peu de point de vue sur la parabole… et sur moi, bien sûr. Et si la bonne terre ne m’était pas plus naturelle que les autres terrains ? Et si ce qui qualifiait la bonne terre, ce n’était pas le terrain, mais le fait que la parole de Dieu s’y enracine, germe et porte fruit ? Dans ma vie, il doit donc y avoir de la bonne terre, puisque Jésus en parle, qu’il y a semé la parole de Dieu, et que ça marche ! Il me faut alors ouvrir les yeux, prendre la Bible comme lunettes, et chercher dans ma vie cette bonne terre, chercher à voir ce que la parole de Dieu, qui a peut-être été seulement murmurée un jour, a pu faire pousser de beau. La promesse de notre texte, c’est – comme Jésus le dit lui-même ailleurs – que « celui qui cherche trouve » (Luc 11 / 10). Après, la bonne terre s’entretient. Il faut régulièrement enlever les cailloux, déraciner les ronces, empêcher le promoteur du coin de bétonner dessus, etc. Mais pour ça, on peut aussi s’y mettre à plusieurs. Ça sert à ça, une famille chrétienne. Ça sert à ça, l’Église.
Alors, si j’ai bien compris le nécessaire changement de regard et ce que Jésus me montre de la bonne terre, le même raisonnement peut s’appliquer ailleurs. Si je peux enlever les cailloux de la bonne terre, je peux donc aussi dépierrer un autre terrain. Si je peux empêcher les ronces de s’y mettre, je peux aussi les déraciner ailleurs. Etc. Parce que la promesse de Jésus est aussi là : c’est qu’il sème sur tous les terrains ! Aucun terrain de mon existence n’a été abandonné par Dieu. Sur aucun aspect de ma vie Dieu ne s’est fait une raison. Il n’y a pas d’âge ou de santé, pas de condition sociale, pas de niveau de richesse ou de pauvreté. Rien ne lui est caché, et Jésus nous dit qu’il a semé partout. Le projet de Dieu est donc que la bonne terre gagne du terrain, si je puis dire ! C’est vrai des différentes gens : l’Évangile de l’amour de Dieu en Jésus-Christ est fait pour tous, et pas seulement pour moi et mes copains ! De même, cet Évangile qui sauve et rend heureux est fait pour toute ma vie, et pas seulement pour un tiroir « religieux » ou « spirituel » dans ma vie. « Tout l’Évangile à tout l’homme », déclarait la communauté missionnaire dont nous faisons partie, il y a quelques années. C’est ça, le projet de Dieu, pour Chloé, pour vous, pour moi : que toute sa parole atteigne tous les terrains de son existence, de notre existence à tous.
Il n’y a pas de destin, pas de déterminisme. Dieu sème partout et sur tous. Cherchez d’abord la bonne terre, « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes choses vous seront données en plus », disait aussi Jésus (Matt. 6 / 33) Quand vous serez rassurés sur la bonne terre, quand vous serez assurés en elle, vous trouverez là les forces pour travailler les autres terrains et, non pas faire pousser, mais laisser pousser ce qui a été semé : non pas les étoiles, non pas des brebis, mais vous-mêmes, la plénitude de vie pour vous. C’est cadeau, ça vient du Dieu de Jésus-Christ. Profitez-en ! Amen.
Saint-Dié (baptême) – David Mitrani – 29 mai 2016