Épître aux Colossiens 4 / 2-6

 

texte :  Épître aux Colossiens, 4 / 2-6   (trad. : Bible à la colombe)

premières lectures :  Exode, 32 / 7-14 ; première épître à Timothée, 2 / 1-10 ; Évangile selon Jean, 16 / 22b-28

chants :  22-04 et 41-03  (Alléluia)

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Des prières, il y en a, dans ces textes bibliques, et fort différentes ! Oh, il aurait pu y en avoir bien d’autres, plus connues encore : celle d’Abraham avant la destruction de Sodome où habitait son neveu (Gen. 18 / 17-33), par exemple, ou bien d’autres extraits de Saint Paul ou il écrit : « priez sans cesse ! » (1 Thess. 5 / 17) … Dans le récit évangélique, Jésus lui-même parle de la prière à d’autres endroits, et prie lui-même le Père… Il nous donne même le « Notre Père » (Matth. 6 / 5-15) sans préciser quelle traduction française sera la meilleure ! Bref, la Bible nous dit que, la prière, ça marche ! Il arrive que Dieu change d’avis, il arrive que Dieu change la réalité, et ce, que la science sache l’expliquer ou pas. Et la Bible nous encourage donc à prier, à prier Dieu – pas n’importe qui ou n’importe quoi. Et à le prier dans le nom de Jésus, en nous tenant en communion avec Jésus, dans sa présence – ailleurs, elle nous dit de laisser l’Esprit prier en nous, mais c’est dire autrement la même chose.

 

Dans la lettre adressée aux chrétiens de Colosses, Paul, après avoir décrit les rapports qui doivent régir les relations entre chrétiens dans le couple, la famille et la société, insiste sur la prière, comme il le fait ailleurs. Mais il y a ici deux particularités que je voudrais souligner. La première est très directement intéressée, c’est le « priez également pour nous » qu’il demande aux fidèles de cette Église. Je sais bien que vous le faites, de prier pour vos ministres ! Mais avec l’Apôtre, je voudrais vous redire combien c’est nécessaire. Votre pasteur, tout comme ses collègues voisins, a besoin que vous priiez le Père pour lui ! Oui, j’en ai besoin, à cause de mes faiblesses, à cause de mes incapacités, à cause de mes infidélités aussi, à cause de mon orgueil, et à cause de tas d’autres vanités qui encombrent mon existence et nuisent à mon ministère. Et j’en ai besoin parce que mon ministère n’est pas de faire des choses, mais de dire une parole qui n’est pas mienne. Comment pourrais-je le faire si vous ne demandez pas au Père d’une part de me faire connaître cette parole, et d’autre part de m’apprendre à ne pas la trahir en prétendant la transmettre ?

 

Il est bien dommage que nous n’ayons pas de temps de prière partagée en dehors du culte. Car le culte n’est pas très propice à la prière : le culte luthéro-réformé consiste en prédication et sacrement, il devrait y avoir d’autres temps, d’autres lieux, pour la prière. Autrefois c’était en famille. Mais ça, c’était avant… Le petit groupe qui se réunit une heure par mois à Saint-Dié ne compte que quatre personnes, moi compris, quand nous y sommes tous ! Tant pis. Dommage, vraiment… Mais ceci ne nous empêche pas de le faire chacun de notre côté, n’est-ce pas ?! D’ailleurs, cette prière ne devrait pas oublier les autres ministres de l’Église, je veux dire les conseillers presbytéraux, les prédicateurs, les catéchètes… La liste n’est pas limitative, mais ceux-ci ont aussi clairement besoin de votre prière ; leurs missions, comme celle du pasteur, concernent directement la vie de l’Église en tant que telle et non comme si elle était une simple association.

 

Une association se donne des chefs. Une Église, non. L’Église a déjà un chef : Jésus-Christ, et cela suffit. L’Église n’est pas une association, ni une démocratie. Elle est le corps du Christ. C’est de lui qu’elle reçoit sa vie et sa raison d’être : témoigner de lui. C’est de lui qu’elle reçoit ce et ceux qui lui sont nécessaires pour cela. « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans la moisson », disait Jésus (Matth. 9 / 38). Car avant de prier pour eux, encore faut-il qu’ils existent ! Cinq pasteurs et un aumônier hospitalier pour les trois départements et demi de notre Consistoire… Encore avons-nous la chance que tous ces postes soient pourvus, même s’ils ne l’ont pas toujours été : mais c’est peut-être parce que vous l’avez demandé à Dieu… Non ? Notre Église manque de pasteurs, elle manque encore plus d’évangélistes, et localement elle manque aussi de conseillers presbytéraux. Lorsque nous prions, il faut faire confiance, Dieu exaucera. C’est pourquoi Paul écrit qu’il faut veiller à cette prière « avec actions de grâces ». Demandez et dites déjà merci si vous avez demandé dans le nom de Jésus, pour lui et pas pour vous, c’est là que la prière est exaucée.

 

Rappelez-vous bien – comme Paul lorsqu’il avait prié pour lui-même, pour son propre ministère tellement fondamental pour l’Église chrétienne ; le Seigneur lui avait dit : « ma grâce te suffit, ma puissance s’accomplit dans la faiblesse… » (2 Cor. 12 / 9) Rappelez-vous donc : vos pasteurs, vos conseillers, etc., sont faibles et ont besoin que vous demandiez à Dieu de les fortifier et de se servir d’eux. Ne vous fiez jamais aux apparences, ni pour ça ni pour n’importe quoi d’autre d’ailleurs. Priez pour que les ministres ne soient pas des potiches posées là, mais des porte-parole de Dieu, des porteurs non pas d’un discours religieux, mais de sa parole à lui, afin que des gens l’entendent, la reçoivent, se mettent à en vivre ou continuent de le faire. « Je suis dans les chaînes », écrivait Paul, et personne ne sait ce dont il s’agissait : était-il prisonnier à ce moment-là (mais alors comment aurait-il pu prêcher à l’extérieur ?) ou bien ces chaînes sont-elles ce qui l’empêche d’accomplir comme il devrait sa mission, chaînes intérieures alors ? Priez donc que vos ministres soient libérés de leurs chaînes, quelles qu’elles soient !

 

Parce que l’important, bien sûr, n’est pas le pasteur, mais les gens. Et c’est la seconde particularité du texte d’aujourd’hui par rapport à d’autres qui sont aussi sur la prière. L’important, c’est « dehors », comme écrit Paul. Il l’avait déjà laissé entendre dans les versets qui précèdent notre extrait, en évoquant le couple, la famille et la société. Comment ! N’aurait-il pas pu se limiter à parler de l’Église, c’est-à-dire du culte et de la prière ? Ou alors, qu’il s’engage dans la société, comme tant de pasteurs l’ont fait tout au long du XXe siècle… Mais non : c’était de la manière d’être des chrétiens dans la société qu’il parlait, pas de la manière d’être de la société en tant que telle. Lui ne prétendait pas sauver la planète, destinée à disparaître, mais les gens, appelés à la vie en Christ. Du coup, l’attitude des chrétiens est importante, elle fait témoignage – ou pas ! Le monde ne nous regarde pas prier, peu lui chaut que nous le fassions ou pas, ou comme ci ou comme ça… Mais il nous voit vivre, et cela fait sens à ses yeux. D’où le conseil clairement exprimé ici par Paul : « Conduisez-vous avec sagesse envers ceux du dehors. »

 

Et vous savez bien que, pour la Bible et les temps anciens, la « sagesse » signifie un comportement, la recherche du bon comportement, du comportement adéquat, juste. En bonne logique, ce pour quoi on prie pour le pasteur et les conseillers est la même chose pour laquelle on prie pour les chrétiens dans le monde. La mission est la même : porter la parole de Dieu, en mots et en gestes. Être des prophètes, non pas à coup de slogans – on n’est plus en mai 68, même si certains essayent de le rejouer… Être des prophètes humbles au milieu des autres gens, dire et faire ce dont Dieu a besoin pour toucher aussi ces cœurs-là… Il faut donc bien que, les uns et les autres, nous priions le Père qu’il vous donne cette capacité, ce discernement, parfois ce courage, de vivre et de parler en chrétiens et à bon escient là où Dieu vous place. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour ça, parce qu’il n’y a pas de conditions pour ça, il n’y faut que la « grâce », comme dit Paul. Il faut donc la demander.

 

Mais peut-être ne savez-vous pas ce dont vous avez besoin ? Ou peut-être demandez-vous avec insistance quelque chose que Dieu ne vous donnera pas, comme Paul en avait fait l’expérience ? Laissez donc Dieu décider ce dont vous avez besoin, mais demandez-lui qu’il le fasse et qu’il vous le donne, pour que vous puissiez vous en servir ! Laissez-le vous donner, vous remplir de sa grâce, afin d’être de bons témoins du Christ non pas à votre manière, qui est aussi infirme que la mienne, mais à sa manière à lui, celle que lui a choisie pour vous. Paul parle de sel, j’ai d’autres références culinaires : laissez Dieu pimenter votre parole et vos comportements, laissez-le pimenter votre témoignage ! Le sel conserve, le piment assainit : les deux images ne sont pas si éloignées que ça ! Priez donc que Dieu assainisse vos paroles et vos gestes, qu’il vous rende vous aussi porteur d’une parole audible et gracieuse pour les gens qui vous entourent.

 

Car ce sont eux qui sont son souci. Vous et moi, ce n’est plus la peine : en Christ, nous tenons notre salut, en lui nous avons la vie. Le souci de notre Dieu, c’est de devenir aussi le Dieu des autres. C’est le cri de ceux qui ont mal qu’il entend et auquel il vient répondre par la croix de son Fils. Nous, si nous sommes encore de ce monde, c’est pour y être témoins d’un autre monde, d’un autre règne, celui de Dieu. Qu’ainsi notre salut cesse de nous importer, afin que nous considérions celui des autres. Nous avons pris l’habitude de considérer que c’était leur problème, leur liberté : nous entendons et en voyons le triste résultat tous les jours à nos portes aussi bien qu’au bout du monde… Non, c’est notre problème, c’est notre prière, c’est notre témoignage. Alors, comme vous priez pour le pasteur et son ministère, que nous priions aussi pour les chrétiens de cette Église, c’est-à-dire vous et ceux qui ne sont pas venus ce matin. Et le mieux, c’est quand même que chacun prie non pas pour lui-même, mais pour d’autres.

 

Faites des listes ! Si vous voulez les noms des pasteurs de la région, je vous les donnerai. Priez pour Pierre-André Schaechtelin à Saint-Dizier, pour Geoffroy Perrin-Willm à Nancy, pour Isabelle Geiger à l’hôpital de Nancy, pour Hugues Girardey à Lunéville et au Buisson ardent, pour Valérie dans le reste des Vosges et pour son mari ici-même. Mais priez aussi pour vos conseillères presbytérales, dont beaucoup sont ailleurs ce matin : Annick, Christiane, Éliane, Françoise, Ghislaine, Lisette… Et puis, priez pour les autres paroissiens, ceux que vous connaissez, ceux qui viennent et ceux qui ne viennent pas ou plus, mais qui peuvent aussi témoigner de leur foi là où ils vivent. Ne priez pas dans la généralité, comme nous faisons au culte, mais priez nommément pour eux, pour Untel ou Unetelle, pas forcément tous à chaque fois… Ayez du souci pour chacun, afin de confier chacun à Dieu non seulement pour sa santé ou ses affaires, comme vous le faites déjà, mais bien pour son témoignage, pour sa vie chrétienne au milieu des gens qui ne le sont pas ou qui ont oublié ce que c’était.

 

« Persévérez dans la prière, veillez-y avec actions de grâces. » « Conduisez-vous avec sagesse envers ceux du dehors. » Dieu vous y aidera, puisque c’est lui qui vous le demande. Comme l’a dit, paraît-il, Saint Augustin : « Dieu donne ce qu’il ordonne, et il ordonne ce qu’il donne. » Alors oui, priez-le d’accomplir en vous et dans les autres sa volonté, car vous savez qu’elle est bonne, vous qui avez « goûté combien le Seigneur est bon » (1 Pi. 2 / 3). Ne vous retenez pas ! Amen.

 

Senones  –  David Mitrani  –  6 mai 2018

 

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