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Reconnaissance de ministère des Conseils presbytéraux
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Lectures : Exode 4 / 1-12 ; Actes des Apôtres 15 / 1-4 + 13-14 + 19 ; Évangile selon Jean 14 / 21-28
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Étant curieux de nature, avant de venir vous rencontrer, je me suis intéressé à Saint Dié, non pas la ville mais le personnage qui lui a donné son nom. J’ai ainsi pu constater que St Dié a laissé une légende riche en péripétie et si je ne vous ferais pas l’injure de tout vous raconter, j’en retiendrai tout de même quelques éléments significatifs.
D’abord, un nom : Dié, ou plutôt Déodat ou Dieudonné, termes qui désignent habituellement un enfant abandonné. Un homme seul donc, presqu’inconnu puisqu’on le surnommait « bonhomme ». On dit qu’il vivait en ermite dans les montagnes vosgiennes.
Ensuite, l’hagiographie prétend qu’à l’instar d’un Moïse, il lui advint de pouvoir faire surgir des sources d’eau grâce à son bâton. Or, l’eau est liée à la vie. Rappelons que les découvreurs de sources avaient souvent des pouvoirs thaumaturgiques en relation avec la libération, il semble d’ailleurs qu’on ait retrouvé nombre d’ex voto remerciant St Dié d’avoir sauvé des petits enfants de la mort ou des prisonniers d’une exécution.
Enfin, on prétend que St Dié aurait fondé un ban, c’est à dire une paroisse, une Église locale, dont vous êtes peut-être les illustres descendants. Il aurait même fini évêque de Nevers, mais ma documentation précise que ce point est controversé, comme si le reste ne l’était pas.
La symbolique est évidente : Déodat, enfant abandonné, homme solitaire reçoit de Dieu la vocation de libérer les humains du pouvoir de la mort pour en faire une communauté vivante et croyante au service du Seigneur. Ne serait-ce pas là la mission de tout chrétien digne de ce nom ?
Il est bon parfois de se souvenir d’où l’on vient. Les saints antiques ont souvent eu cette fonction d’être objet de mémoire, et de rappeler comment l’Église s’est construite face au paganisme et à l’obscurantisme. Leur culte naïf était censé redonner aux chrétiens du Moyen-Âge le souci de l’évangélisation, rappelant à l’occasion que le christianisme n’était pas tombé du ciel mais que Dieu avait donné au monde une multitude de serviteurs pour annoncer sa Parole. Ce qui est curieux, c’est que l’Église a utilisé des légendes fort discutables pour combattre d’autres légendes tout aussi bizarres, employant sans vergogne des superstitions pour éradiquer d’autres superstitions. Ainsi, la geste de Saint Dié s’inspire tout autant de Moïse que du mythe d’Hercule dont le culte est attesté par les savants dans la région.
En ce sens, on a souvent eu l’impression que l’Église a fait du neuf avec du vieux, ce qui est un peu contraire à la Parole du Christ.
Cette thématique est pourtant au cœur de nos Églises. Comment renouveler nos fonctionnements, comment redynamiser nos activités, comment revitaliser nos communautés, comment relancer l’évangélisation ? Cela fait beaucoup de comment et un peu trop de « re ». Il m’est arrivé de participer à des cultes dans les milieux évangéliques : on y voit des jeunes qui animent les chants avec forces guitare électrique, batterie, et autre instruments modernes, ce qui donne un air nouveau et dynamique, et en même temps, les plus âgés sont vêtus à l’ancienne, les femmes en jupes longues, parfois un fichu sur la tête, les hommes en costume cravate. Quant au message pastoral, il n’a rien de révolutionnaire. La modernité de l’Église ne serait-elle qu’apparente ? En tout cas, nos communautés sont souvent coincées entre la volonté de changer et le désir de rester fidèle à la tradition. Et il est parfois bien difficile de décider, comme il est parfois difficile d’accepter les décisions de nos Synodes quand elles donnent l’impression de se corrompre avec les évolutions de la société.
Ce n’est pas nouveau. En son temps, l’Église naissante de Jérusalem a été confrontée à une décision de taille. Nos braves Paul et Barnabas ne se doutaient pas qu’en annonçant l’Évangile aux païens, ils allaient susciter une vive polémique. En effet, que des gens se convertissent à Jésus-Christ, tant mieux, mais fallait-il aussi qu’ils deviennent juifs, avec tout ce que cela comporte de contraintes rituelles ? En son temps, l’affaire fut donc portée devant les autorités religieuses de Jérusalem, les apôtres et les « presbuteroi » dans le texte grec, c’est-à-dire les conseillers presbytéraux. Or ces fameux conseillers presbytéraux vont prendre une décision redoutable et redoutée : ils vont autoriser les païens à devenir chrétiens sans passer par la case juive, or ce sont des juifs qui ont fait ce choix, lequel a probablement sauvé l’Église. J’imagine quand même qu’une telle option a dû faire quelques remous parmi les tenants de la tradition judaïque. Nos ancêtres dans la foi ont pourtant osé ce bouleversement. Et à cette occasion, nous trouvons dans la suite du récit l’un de mes versets préférés : en effet, à l’attention de la communauté d’Antioche, les presbytres de Jérusalem envoient une courte lettre commençant par l’extraordinaire formule : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé que… ». Quelle foi, quelle assurance d’affirmer que le Saint-Esprit est bien présent, et en même temps, quelle humilité de reconnaître que la décision ne vient pas que de lui mais aussi de la subjectivité humaine.
C’est là le lot de toute communauté chrétienne, et en son sein, de tout conseil décisionnel : il agit conjointement avec la personnalité de chacun et avec le Saint-Esprit. Et c’est bien ainsi que l’entendait le Christ, notre Seigneur, lui qui rappelle que le Saint-Esprit ne fait pas tout mais qu’il permet de se souvenir et donc de construire à partir de cela. Souvent dans nos Églises protestantes, on a oublié le Saint-Esprit. Sans doute par pudeur ou par prudence, pour ne pas se croire investi de prérogatives propres à nous faire passer pour des illuminés. Mais si l’Esprit Saint ne confère pas nécessairement de pouvoir miraculeux, il n’empêche qu’il nous rappelle sans cesse que le Christ faisait toute chose nouvelle. Ainsi, l’Église est-elle appelée à se souvenir des paroles du passé pour annoncer un message nouveau, pertinent pour la société. Comme le disait Karl Barth, il faudrait tenir la Bible d’une main, et le journal de l’autre. Or ce n’est pas évident. Ce n’est pas évident de puiser dans le passé pour ouvrir l’avenir, ce n’est pas évident de décider, car décider, c’est risquer, et risquer la communauté entière. Ce n’est pas évident de se sentir guider par le Saint-Esprit tout en respectant les sensibilités de chacun. Ce n’est pas évident d’être un conseiller, au sens plein du terme.
Moïse l’a vécu en son temps, lui qui hésitait à conseiller son peuple à quitter l’Égypte pour l’inconnu. D’autant dit-il qu’il n’était pas doué pour les grands discours. Mais peut-on discuter avec le Seigneur, peut-on lui marchander ses services. « Qui t’as donné une bouche ? » dit Dieu. C’est vrai. Qui nous a donné nos intelligences, nos moyens, nos convictions et nos espérances, si ce n’est Dieu lui-même ? Et au delà de nos hésitations ou de nos timidités, notre Dieu nous invite à la confiance. N’est-ce pas lui qui veille sur son Église, et qui, au-delà de nos décisions, lui garanti un avenir ? Nous sommes des « saint Dié », nous sommes donnés par le Seigneur pour faire vivre l’Église, nous avons à la main le bâton qui fait jaillir les sources d’eaux vives. Cela ne vient pas de nous, mais de Dieu seul. Faisons lui confiance et n’ayons pas peur de nos choix. S’il y a lieu Dieu pourvoira à nos déficiences. Amen.
Saint-Dié (reconnaissance de ministère des Conseils) – Fabrice Pichard – 1er mai 2016