Première épître de Pierre 2 / 21b-25 (2)

 

texte :  Première épître de Pierre 2 / 21b-25

premières lectures :  Ézéchiel 34 / 1-16 ; Évangile selon Jean 10 / 11-16. 27-30

chants :  34-11 et 41-28

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« Le bon berger », « le vrai berger » … C’est qu’il y en a beaucoup de mauvais, beaucoup de faux. Comment Jésus a-t-il donc été le vrai berger ? L’apôtre Pierre nous en livre aujourd’hui une interprétation. Le fondement tout d’abord, qui est le même pour tout le Nouveau Testament et pour la foi chrétienne quelle qu’en soit la confession particulière : « Christ a souffert pour vous ». Ce fondement est incontournable. Nos théologies diverses peuvent bien en donner des compréhensions différentes, mais aucune ne peut se passer de ce fondement unique – et bien sûr c’est avec ma propre théologie que je vais en parler ! – c’est que le Seigneur que nous suivons et servons n’est pas un mythe ni une divinité païenne, c’est quelqu’un qui a souffert et qui est mort, et en lui Dieu était pleinement présent. Ceci est suffisamment scandaleux pour les Juifs et les Musulmans pour que nous sachions que c’est bien là qu’est le fondement de notre foi, et ce qui nous différencie de leurs croyances à eux.

 

L’apôtre Pierre va insister un peu lourdement : Jésus était innocent devant Dieu (lui seul), pourtant il a été insulté, il a souffert, il a été crucifié, meurtri. Car s’il a souffert, ce n’est pas pour le plaisir sadique de quiconque au ciel ou sur la terre, sinon de ses accusateurs assassins. S’il a souffert, c’est « pour vous », écrit Pierre, c’est à cause de « nos péchés » afin que nous en soyons libérés, « guéris ». C’était le seul moyen. Ne me demandez pas pourquoi : toute théologie qui pense comprendre l’ineffable ne ferait que dire des bêtises bien humaines et non des vérités célestes ! Notre propre tradition ecclésiastique n’en est pas exempte. Mais même sans oser dire, je puis faire confiance au témoignage apostolique, au Nouveau Testament. « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru », disait Jésus à Thomas (Jean 20 / 29). C’est aussi de la vision de notre intelligence qu’il parlait, et nous devons bien constater qu’elle est infirme à comprendre Dieu. Elle ne peut que l’adorer et lui rendre grâces.

 

Et dans cette action de grâces, nous reconnaissons en Jésus « le vrai berger », selon ce qu’il exprimait dans l’évangile de Jean. Ne disait-il pas que « le vrai berger [est celui qui] donne sa vie pour ses brebis » ? D’aucuns remarqueraient qu’alors les brebis sont peut-être sauves, mais laissées seules. Ce serait sans tenir compte de la résurrection, c’est-à-dire que cette mort est une victoire définitive sur le péché et sur la mort elle-même. Dans le même évangile un peu plus loin, Jésus annoncera « un autre défenseur », le Saint-Esprit (Jean 14 / 16.26 ; 15 / 26). Ce que Pierre nous écrit aujourd’hui, c’est que la mort bienfaisante pour nous du Christ nous appelle à le suivre, non pas de manière éthérée ou gnostique, mais à le suivre concrètement, à suivre son exemple, sachant que grâce à sa mort, la mort n’a plus d’effet sur nous. Ainsi nous ne risquons plus rien, nous sommes dans la main du Père. Nous pouvons donc suivre Jésus sur la route sur laquelle il a marché, là où il nous précède.

 

Jésus n’a donc « pas commis de péché, et dans la bouche de qui il ne s’est pas trouvé de fraude ; lui qui, insulté, ne rendait pas l’insulte ; souffrant, ne faisait pas de menaces, mais s’en remettait à Celui qui juge justement ; lui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice… » Voilà l’exemple à suivre, avec l’aide de l’Esprit saint que nous avons reçu selon sa promesse, chacun et tous ensemble. Car dans la foi, nous y sommes aidés, et aidés à le vivre ensemble, ce qui devrait être bien plus facile que chacun à l’égard des gens qui ne partagent pas notre foi et ne savent donc pas le chemin du Christ. Si nous n’arrivons pas à le vivre entre nous qui suivons Jésus, nous qui nous savons aimés et sauvés, guéris, à cause de lui, et restaurés dans la communion avec Dieu – quand bien même notre impossibilité de communier ensemble avec lui ne nous permet pas pour le moment de le vivre concrètement – oui, si nous n’arrivons pas à vivre comme mem­bres les uns des autres, comment y arriverions-nous avec ceux qui pensent encore que leur vie dépend de leur propre puissance ?

 

Si nous prétendons suivre Christ, alors point de fraude dans nos bouches, point d’insultes ; ne rendons pas aux autres le mal qu’ils nous ont fait, ne les menaçons de rien, mais comptons sur le juste Juge. Ce que Pierre nous demande, c’est de « vivre pour la justice », c’est-à-dire d’obéir à la volonté de Dieu, qui est justement que nous suivions Jésus et non pas nos propres élans ou réactions, nos propres sentiments ou ressentiments. Sommes-nous ardents à rendre les coups ? Si nous sommes cohérents avec notre foi, avec celui dont nous prétendons qu’il est notre Seigneur, alors il faut désormais nous en abstenir. Quitte à souffrir ? La réponse est oui ! Suivre Christ sur ce chemin-là. Ne pas chercher à souffrir, bien sûr : ça n’aurait pas de sens, Christ ne l’a pas cherché, il l’a subi de la part de ses adversaires.

 

C’est bien de cette manière que se comprennent les Dix commandements, les Dix paroles données par Dieu à son peuple (Ex. 20 / 1-17), et que Jésus avait résumées par le double commandement d’amour (Marc 12 / 30-31). Si ce sont des commandements, ceux qui les observent se retrouvent dans la situation du « jeune homme riche » : j’ai fait tout ce qu’il fallait, et il me manque encore l’essentiel, où est -il ? (Marc 10 / 17-22) Mais si je sais que le chemin a été non seulement tracé, mais suivi par le vrai berger, alors je n’ai plus qu’à le suivre lui, comme Jésus y invitait justement cet homme… qui n’a pas suivi… Le vrai berger est « le gardien de nos âmes », écrivait Pierre. Nous ne risquons donc plus rien. L’existence nous épuiserait-elle, le confinement ruinerait-il notre moral, les « sacrifices » ou le service ne serait-il pas payé de retour, que nous importe ?! C’est le chemin de Jésus… « Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est facile, et mon fardeau léger. » (Matth. 11 / 29-30)

 

À la suite du bon berger, seulement là, nous pouvons entendre cette autre parole de Jean : « l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde, et voici la victoire qui triomphe du monde : notre foi. » (1 Jean 5 / 3-4) C’est à ce triomphe que nous sommes appelés : non pas sur les autres, mais sur « le monde », sur ce qui se met entre Dieu et nous, et qui nous est si naturel, à nous comme aux autres. En Christ, cette nature est morte : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici : elles sont devenues nouvelles. » (2 Cor. 5 / 17) C’est de vous et moi qu’il s’agit, lorsque nous suivons le Christ. Amen.

 

(Saint-Dié) en confinement  –  David Mitrani  –  26 avril 2020

 

 

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