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Première épître de Jean 1 / 5 – 2 / 6
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texte : Première épître de Jean, 1 / 5 – 2 / 6 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Michée, 7 / 18-20 ; Évangile selon Luc, 15 / 1-7 ; première épître à Timothée, 1 / 12-17
chants : 43-06 et 43-10 (Alléluia)
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« Voici le message que nous avons entendu de lui et que nous vous annonçons : Dieu est lumière, il n’y a pas en lui de ténèbres. » Bien sûr, il n’y a pas dans cette phrase d’innovation théologique majeure ! Dès les tout premiers versets de la Bible, nous trouvons l’affirmation que par sa Parole Dieu crée non pas lumière et ténèbres, mais la lumière, afin qu’elle dissipe les ténèbres et les limite à leur zone propre. Dieu et la lumière sont liés, de par la Parole créatrice de Dieu. Cette lumière n’a pas à voir avec les astres, créés seulement le 4ème jour, elle a à voir, vraiment, avec la Parole. Les Juifs considèrent que cette lumière du premier jour, c’est la Torah ! Que l’on ait une interprétation juive ou bien chrétienne, voyant dans cette lumière la manifestation du Fils unique dans le monde, la lumière signifie donc la Parole de Dieu.
Alors, bien sûr, si Dieu et la lumière sont liés par sa Parole, où sommes-nous donc, nous qui recevons cette Parole pour en vivre et pour en témoigner ? La même Parole, qui est Jésus-Christ, nous lie à Dieu, et donc à la lumière. Vous savez, cette interprétation juste a entraîné bien des erreurs dans l’histoire de l’Église, et ce dès le début. Certains « enfants de lumière » – comme Paul appelle les chrétiens dans sa lettre aux Thessaloniciens, le plus vieil écrit du Nouveau Testament (1 Thess. 5 / 5) – certains chrétiens donc ont considéré qu’ils étaient des « purs », des « parfaits ». Ce furent bien sûr les Cathares au XIIIe siècle, mais beaucoup d’autres bien avant eux, et beaucoup d’autres bien après : le mennonitisme des débuts n’en fut pas exempt, ni certains mouvements évangéliques encore aujourd’hui. Et c’est là que Saint Jean nous dit des choses fort utiles pour notre foi et notre vie…
La question de la lumière et celle du péché sont en effet liées, comme il le développe. Mais ce n’est pas seulement sur le mode « avant – après », comme sur les publicités des coiffeurs d’après-guerre ou celles pour des régimes amaigrissants. Il n’y a pas « avant, j’étais pécheur » et « après, je suis parfait » ! Oh, on aimerait bien, n’est-ce pas ?! Ce serait génial, si tout ce qui en nous s’oppose à Dieu et aux autres, si tout ce qui en nous nous fait marcher ailleurs que là où nous le désirons, si tout cela qui est diabolique disparaissait d’un coup parce que nous sommes devenus chrétiens. Mais ça ne marche pas. On peut en avoir l’illusion, mais alors nous devenons insupportables pour les autres, remplaçant simplement un péché par un plus grand. C’est bien ainsi qu’ont fini tous les groupes de « purs » : des sectes…
Mais on ne peut pas non plus se contenter de l’inverse : « je suis chrétien, mais pécheur, je n’y peux rien, c’est comme ça, on ne change pas à mon âge, ce n’est pas ma faute, etc. » Comme l’écrivait Jean : « nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché. » Ce qui signifie bien deux choses. La première, c’est que le fait d’être « illuminés » – on va le dire comme ça – concerne notre relation les uns avec les autres, et pas seulement notre relation avec le Seigneur. Comme Jésus, en bon rabbin, le déclarera, le commandement de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain sont liés, sont sur le même plan, et l’un renvoie à l’autre. Comme Jean dans notre épître le dira d’ailleurs lui-même un peu plus loin, « si quelqu’un dit : “j’aime Dieu” et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur » (1 Jean 4 / 20). Je ne peux pas me réfugier dans une spiritualité éthérée, comme les premiers moines au désert qui s’isolaient du monde sur une colonne ! La lumière m’oblige à l’égard des autres.
Et deuxièmement, la mort de Jésus a un effet sur ma vie : parler de purification implique que j’en ai besoin, et la suite du texte de Jean montre bien que ce besoin n’est pas seulement initial, comme si ensuite c’était fait définitivement, mais qu’il est malheureusement durable. En quelque sorte, il s’agit d’un médicament afin que le péché, qui est toujours là, ne me rende plus malade, c’est-à-dire n’altère plus ma relation avec Dieu, les autres et moi-même… Il est donc important de nous reconnaître pécheurs, les uns et les autres, même si pour chacun ce péché structurel ne se manifestera peut-être pas de la même manière que pour son voisin. Ce que l’épître nous dit, c’est que la purification est liée à la confession des péchés. En fait, c’est comme pour le pardon entre nous, et c’est peut-être d’ailleurs lié : pour être pardonné, il faut demander pardon, sinon le pardon, même s’il est donné, ne nous atteint pas. C’est une nécessité à l’égard de nous-mêmes : nous ne pouvons recevoir qu’en tendant les mains – et évidemment sans exiger, d’autant que ça nous est offert !
Du coup, pour bien comprendre et recevoir le début du passage, c’est à travers la confession de nos péchés que nous pouvons recevoir la lumière et donc la communion avec Dieu et les uns avec les autres. Luther ne se trompait guère en faisant presque de cette confession un sacrement, sauf qu’elle n’est pas un rite ni médiatisée par un signe physique comme l’eau du baptême ou le pain et le vin de la cène. Ainsi, c’est en se reconnaissant humblement et réellement pécheur que nous sommes faits participants à la lumière du premier jour, à la vie du Christ mort et ressuscité. Ne pas le faire, c’est se condamner soi-même aux ténèbres dans lesquelles le péché nous a enfermés, c’est refuser la lumière, c’est refuser le Christ. On peut bien alors confesser de bouche que Christ est le Seigneur et le Sauveur, si l’on ne confesse pas aussi avoir besoin de ce salut et se placer sous cette seigneurie, cela ne sert à rien pour nous-mêmes, et c’est un contre-témoignage devant les autres.
Seigneur et Sauveur. Je viens de vous parler du salut. Mais Jean continue effectivement avec la seigneurie. Se placer dans la lumière de Dieu, c’est « sanctifier son Nom », comme on le dit ailleurs, c’est le reconnaître comme Dieu et Seigneur, et donc se reconnaître comme son serviteur ou sa servante, son obligé ; c’est « garder ses commandements ». Sur les commandements, on pourrait dire beaucoup de choses. Mais je vais tâcher de rester dans la logique de la première épître de Jean… Je dirai simplement deux choses. La première, c’est que le commandement dont il est question, dans la suite de la lettre comme dans l’évangile de Jean, c’est « aimons-nous les uns les autres » (1 Jean 3 / 11 etc.). La seconde, c’est que le commandement dans notre extrait de la lettre, c’est de « confesser nos péchés ». Saint Jean nous éclaire donc – c’est bien le cas de le dire : il nous offre la lumière divine sur nos comportements chrétiens – en faisant ce parallèle : la confession de nos péchés et l’amour mutuel ont à voir l’un avec l’autre.
Ainsi, c’est bien en étant Sauveur que le Christ est notre Seigneur ; c’est bien en nous aimant les uns les autres que nous manifestons que nous avons été purifiés du péché que nous lui avons confessé. L’amour mutuel entre chrétiens ne saurait se passer de la confession des péchés. Si nous le manifestons dans notre culte en ouvrant celui-ci par une confession collective de nos péchés à tous, naturellement c’est bien la confession personnelle devant Dieu – qu’elle soit à ce moment-là ou à un autre moment – qui débloque les choses en nous et qui permet l’action salvifique, purificatrice, du Christ en nous. Mais il ne faut pas oublier que la confession de nos péchés est une prière. Ce n’est pas un rite efficace par lui-même, ce n’est pas une parole magique qui ouvrirait automatiquement la porte ! Dire que la confession des péchés est une prière, c’est dire qu’elle suppose qu’à travers elle nous nous mettons à l’écoute de ce que Dieu a à nous dire. La prière, c’est écouter Dieu nous parler personnellement. C’est donc l’écouter, lui, nous pardonner et nous remettre sur le bon chemin, car alors il nous dit aussi quoi ou comment faire…
C’est pour ça que Jean nous écrit : « Mes petits enfants, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez pas. » Le but en effet n’est pas que nous ressortions toujours coupables, toujours pécheurs, de notre prière, mais que nous ayons trouvé dans la Parole de Dieu entendue dans la prière de quoi être victorieux. Dans le mouvement-même de notre prière, il faut donc faire confiance au Christ, « [notre] avocat auprès du Père ». Comme je vous le disais au début, nous ne pouvons pas nous contenter d’être pécheurs, et ainsi de vivre dans les ténèbres alors-même que la lumière nous a été offerte ! Corollaire de cette exhortation : nous ne pouvons pas nous contenter d’être chrétiens entre les murs de nos solitudes, alors-même que nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres. Faire confiance au Christ qui nous pardonne nos péchés et qui nous a aimés lui le premier sans que nous en soyons dignes, c’est donc aussi vivre et manifester cet amour entre nous, entre chrétiens, et à travers cet amour notre amour pour tous les pécheurs pour qui Christ est mort : « le monde entier ».
Les autres textes bibliques de ce matin nous montrent que tout ceci est possible : l’exemple de Paul bien sûr, mais aussi l’affirmation du prophète et la parabole de Jésus. Oui, nous avons un Dieu qui nous aime, qui vient nous chercher au fond de nos ténèbres, qui efface nos fautes et qui réduit à néant ce qui nous fait du mal. Oui, ce Dieu agit non pas dans la généralité ou en théorie, mais il agit vraiment en chacun de nous à travers sa Parole, si nous l’écoutons et la recevons pour en vivre. Le seul moyen, la seule condition, c’est la foi, la confiance en cette parole de salut. « Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et cela vous sera accordé. » (Marc 11 / 24) Cette parole de Jésus s’applique parfaitement ici. Nous, nous comptons sur nos forces, notre capacité à nous en sortir tout seuls, à aimer tout seuls, à pardonner tout seuls, à nous purifier tout seuls. C’est idiot, nous savons bien que nous en sommes incapables. Mais nous sommes aimés, une main nous est tendue pour nous relever : il faut la saisir. Ce que certains paient très cher chez un psy ou reçoivent de manière très approximative chez leur médecin ou ailleurs, cela nous est offert gratuitement, et bien plus efficacement, dans la Parole de Dieu.
« Celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est vraiment parfait en lui. » Revoici nos « parfaits », nos Cathares ? Non pas. Nous sommes parfaits non pas par nos œuvres, mais par « l’amour parfait de Dieu en [nous] ». Nous sommes parfaits par le pardon de Dieu sur nos péchés passés, présents et à venir ; nous sommes parfaits lorsque nous nous remettons parfaitement à notre Seigneur et Sauveur qui est mort pour nous tels que nous sommes. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice », de toute inquiétude, de toute rancœur. Voilà ce qui nous rend libres et qui fait fuir le diable, voilà qui nous permet cet amour mutuel pour lequel nous sommes faits et parfaits. Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 17 juin 2018