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Première épître aux Corinthiens 3 / 1-11
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texte : Première épître aux Corinthiens, 3 / 1-11 (trad. : Bible à la colombe)
autre lecture : Épître aux Romains, 3 / 21-28 (prédication par RP Philippe Baldacini)
chants : 33-12 (Alléluia)
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« N’êtes-vous pas charnels et ne marchez-vous pas d’une manière tout humaine ? » Chers amis, cette fausse question de l’apôtre Paul nous revient en boomerang, en particulier à nous autres, protestants, qui entrons aujourd’hui dans un impressionnant jubilé : la 500e année de notre confession… Nos Pères, nos Réformateurs, n’avaient pas la prétention de créer une nouvelle confession chrétienne. Ils voulaient que leur Église se réforme selon l’Évangile, comme tous les chrétiens doivent le vouloir à chaque époque – et comme il arrive que ça se fasse, mais, c’est vrai, souvent dans la douleur. L’événement, réel ou légendaire, dont nous fêtons l’anniversaire chaque veille de Toussaint – je veux dire : l’affichage à Wittenberg des « 95 thèses sur la vertu des indulgences » – cet événement ne fut qu’une pratique universitaire ordinaire pour débattre sur un sujet controversé. Mais la Réforme de l’Église s’est faite ensuite en ordre dispersé : protestants divers d’un côté, magistère romain de l’autre. Réussite d’une Réforme qui ramena l’Évangile au centre, rendant la Bible à tout un chacun. Échec d’une Réforme qui ne toucha, sous cette forme « évangélique », qu’une partie de l’Église en Occident. Réforme et rupture, Réforme voulue à droite comme à gauche, et rupture subie par les uns et par les autres, sans compter l’utilisation politique de cette rupture par tout le monde ou presque.
Mais quel est cet Évangile que Luther et beaucoup d’autres ont voulu remettre au centre ? Est-ce la Bible elle-même ? Bien sûr que non. La Bible est un livre, pas une « bonne nouvelle » ! Mais ce qui est au centre de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, ce dont la Bible témoigne d’un bout à l’autre, de la Genèse à l’Apocalypse, c’est que Jésus-Christ est Seigneur. Et c’est cet Évangile, c’est Jésus-Christ lui-même, vrai Dieu et vrai homme, Fils éternel du Père, vraiment mort et vraiment ressuscité, « livré pour nos offenses et ressuscité pour notre justification » (Rom. 4 / 25), « seul médiateur entre Dieu et les humains » (1 Tim. 2 / 5), c’est lui que l’Église prêche depuis la Pentecôte et jusqu’à la fin du monde. « Le salut ne se trouve en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les humains, par lequel nous devions être sauvés. » (Actes 4 / 12) Tel est l’Évangile de Paul, comme aussi celui des auteurs des récits évangéliques qui, tous, ont leur centre et leur sens dans cette mort qui nous sauve. Comme Paul l’écrit à la fin de l’extrait que je vous ai lu : « Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. »
Ainsi, je suis désolé de devoir vous dire que Dieu se moque un peu, sinon beaucoup, que nous soyons protestants ou pas. Il ne regarde pas à la manière dont nous confessons une doctrine ou un autre, mais si notre vie est bâtie sur l’unique fondement, Jésus-Christ. Quand je dis « notre vie », entendez bien un double niveau : notre vie personnelle, et notre vie d’Église ! Il n’est pas possible que nous fassions l’économie d’un de ces deux niveaux. Et chacun d’eux se décline de plusieurs manières. Pour reprendre l’image utilisée par Paul, lorsqu’on construit sur des fondations, il n’y a pas qu’une partie de la maison qui est ainsi fondée, mais elle l’est toute entière. Sinon, gare aux fissures qui en remettront en cause l’habitabilité elle-même ! Alors à propos de vie personnelle, je parle non pas seulement de valeurs, mais aussi de ce que nous faisons, chacun, de notre foyer, de nos sous, de notre corps, de notre vie publique, de nos engagements, de notre travail, etc. Et à propos de vie d’Église, je parle non seulement d’activités et de vie cultuelle, mais aussi de ce que nous vivons ensemble, de vie communautaire donc, de fraternité vécue – ou pas – et de notre témoignage, puisque c’est pour ça que Dieu nous a « mis au monde » !
Témoignons-nous, comme Églises et comme chrétiens, témoignons-nous de nous-mêmes, de nos grandeurs ou de nos misères, ou bien de Jésus-Christ en qui seul nous avons la vie ? Est-ce que les gens voient, en nous regardant, que nous sommes fondés en Jésus-Christ, que notre identité réside dans le fait qu’il est mort pour nous afin qu’en lui nous vivions ? Pour le dire autrement : est-ce qu’en nous regardant, les gens voient ce que nous faisons pour Dieu, ou bien est-ce qu’ils voient ce que Dieu a fait pour nous ? La réponse protestante, évangélique, telle que nous aurions dû la comprendre durant les 499 années écoulées, c’est la deuxième, c’est que notre identité et notre témoignage consistent en ce que Dieu a fait pour nous, en Jésus-Christ. Parce que ni Dieu ni personne n’a rien à faire de ce que nous faisons pour Dieu, comme s’il nous servait d’idéologie ou de morale. Dans le monde, il y a beaucoup d’idéologies, et beaucoup de morales. Mais il y a un seul Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ ! On peut faire le bien pour beaucoup de raisons et pour beaucoup de gens et pour beaucoup de dieux. Mais un seul nous a fait du bien, à nous, et veut le faire à beaucoup d’autres : c’est de lui que nous avons à témoigner. Le reste de notre vie, y compris de notre vie d’Église, est sans intérêt.
Comme époux, comme travailleurs, comme personnes publiques, voire politiques, comme militants de l’une ou l’autre Église, et même comme ministres de ces Églises, sur quoi, sur qui, sommes-nous fondés ? Entre nous, mais aussi en chacun de nous, y a-t-il du Paul et de l’Apollos, qui bien sûr se disputent, ou bien n’y a-t-il que Jésus-Christ ? Quels sont les domaines de notre vie d’Église et de notre vie personnelle et sociale qui sont bâtis à côté des fondations ? Ne me dites pas que, chez vous, il n’y en a pas, que tout est solidement fondé : je ne vous croirai pas ! « N’êtes-vous pas charnels et ne marchez-vous pas d’une manière tout humaine ? » Mais nous sommes promis à autre chose, et Dieu tient à réaliser cette promesse dès avant notre mort ! Alors n’attendons pas ce jour-là… C’est pour aujourd’hui que Jésus est mort pour nous. C’est aujourd’hui que nous sommes son Église, dans la mesure où nous nous nourrissons de sa Parole pour en vivre. « La création attend avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. […] Or nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. » (Rom. 8 / 19. 22) Pour elle et pour nous qui en faisons partie, il n’est plus temps qu’il y ait « parmi [nous] de la jalousie et de la discorde », il n’est plus temps que nous soyons nous-mêmes partagés, tiraillés entre des désirs contraires. Nous avons seulement à regarder à Jésus, et à lui faire confiance. Car la foi, c’est la confiance que sa mort est notre vie, à jamais. Amen.
Saint-Dié (Réformation) – David Mitrani – 30 octobre 2016