Première épître aux Corinthiens 2 / 9-16

texte :

C’est, comme il est écrit :

Ce que l’œil n’a pas vu,

Ce que l’oreille n’a pas entendu,

Et ce qui n’est pas monté au cœur de l’être humain,

Tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.

À nous, Dieu nous l’a révélé par l’Esprit. Car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Qui donc, parmi les humains, sait ce qui concerne l’être humain, si ce n’est l’esprit de l’être humain qui est en lui ? De même, personne ne connaît ce qui concerne Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin de savoir ce que Dieu nous a donné par grâce. Et nous en parlons, non avec des discours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, en expliquant les réalités spirituelles à des spirituels. Mais l’humain naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. Le spirituel, au contraire, juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne. En effet :

Qui a connu la pensée du Seigneur,

Pour l’instruire ?

Or nous, nous avons la pensée de Christ.

 

 

premières lectures :  Évangile selon Jean 14 / 15-27 ; Actes des Apôtres 2 / 1-21

chants :  35-08 et 62-78

télécharger le fichier PDF ici

 

 

prédication :

 

« Il est écrit… » ! Il est écrit beaucoup de choses : qui peut dire qu’il a lu sérieusement les 1 200 pages d’une Bible ? Il est écrit beaucoup de choses et c’est notre foi que de dire que toutes ces choses annonçaient Jésus-Christ. Mais dire ceci aujourd’hui entraîne l’incompréhension ou de nombreuses objections, tant le rationalisme a fait des ravages dans notre rapport à la Bible. Pourtant « il est écrit », et les auteurs du Nouveau Testament le citent abondamment afin de comprendre et faire comprendre l’événement chrétien. « Il est écrit » et nous aussi, nous lisons, dimanche après dimanche, et certains d’entre nous jour après jour, des passages de ces Écritures qu’autrefois on disait saintes. Mais dans ces « Saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testaments », il y a quand même fort peu de choses relatives au Saint-Esprit ! Ce matin, l’apôtre Paul nous en livre quelques-unes et nous en expose la raison…

 

Mais c’est comme si les textes qu’il cite de l’Ancien Testament manifestaient la vérité du Nouveau en négatif. Par exemple, dans notre passage : « ce qui n’est pas monté au cœur de l’humain » devient « à nous Dieu nous l’a révélé par l’Esprit » ! Car le Nouveau Testament, la Nouvelle Alliance, est effectivement nouvelle. Ce qui était montré en figure dans l’Ancienne est désormais manifesté en clair, et si l’Ancienne disait l’attente, l’absence, la Nouvelle dit la réalisation, la présence. Mais cette présence est paradoxale. « Nous voulons voir Jésus », demandaient les Grecs lors de la Pâque (Jean 12 / 21), et Jésus répond à Thomas : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! » (Jean 20 / 29) Car la réalisation de l’Écriture dans la personne de Jésus n’est pas un fait de science, mais de foi. Pour la science, l’Ancien Testament ne parle que d’Israël, Jésus est mort et enterré, et si le tombeau est vide, c’est seulement que sa dépouille n’y est plus…

 

Ça c’est pour la science. Mais pour la foi ? « À nous, Dieu nous l’a révélé par l’Esprit. » Comme Jésus l’expliquait à ses disciples lors de son Ascension (Actes 1 / 4-12), ce n’est plus lui qu’il faut attendre, ce n’est plus lui qu’il faut chercher à voir ; mais les chrétiens ont une mission et, pour ce faire, pour l’accomplir, ils ont besoin non que Jésus soit avec eux – car alors ils ne bougeraient pas d’auprès de lui – mais de l’Esprit, le souffle personnel de Dieu, afin qu’il les y pousse, les y emmène, non pas vers Dieu mais vers le monde afin de témoigner du Christ. Il faut donc d’abord que l’Esprit les en convainque, que l’Esprit de Dieu leur rende évidente la victoire du Christ à travers sa mort. C’est le premier rôle de ce Saint-Esprit envers nous autres : il témoigne en nous du Christ vivant, il fonde en nous la foi, dans notre intelligence, dans notre cœur, dans notre corps, à tous les niveaux de notre être. Car la foi chrétienne, comme son nom l’indique, est foi au Christ, est foi du Christ en nous.

 

Certaines personnes pensent qu’être chrétien, c’est croire en Dieu. Non. Les païens croient en Dieu, mais un Dieu impersonnel, immanent. Les Musulmans croient en Dieu, mais un Dieu tellement différent du nôtre, un Dieu solitaire qui exige la soumission. L’apôtre Jacques écrivait : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi et ils tremblent. » (Jacq. 2 / 19). Nous, nous croyons en « Jésus-Christ crucifié » (1 Cor. 2 / 2), « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Cor. 1 / 23). Croire en Dieu, penser Dieu, cela relève de la philosophie, c’est une pensée humaine. Or, comme Paul l’écrit ici, l’esprit humain connaît ce qui concerne l’être humain. il est fait pour ça, donné par Dieu pour ça. L’être humain est capable de science et de conscience, il est capable de s’organiser seul et en société. Il est capable du meilleur et du pire pour ce qui le concerne. Mais il n’est pas capable de Dieu, du vrai Dieu.

 

Pour connaître Dieu, nous avons besoin de son Esprit. Et de ne pas enfermer cet Esprit dans le nôtre ! La bonne logique n’est pas : « je suis chrétien donc je comprends ce que me dit le Saint-Esprit », mais au contraire : « je reçois le Saint-Esprit et donc je deviens chrétien » ! La foi en Christ est un don de Dieu. Seul, je puis apprendre à être moral plutôt que jouisseur, soucieux des autres plutôt qu’égocentrique. Pas besoin d’être chrétien pour ça, même si la foi chrétienne y pousse aussi. Mais seul, même en Église, comment apprendre la foi ? Notre époque a ceci de bien et pourtant de dérisoire et de désolant, c’est qu’elle nous a rendu évident que la foi chrétienne ne s’acquiert pas par transmission familiale ou sociale. Ça, c’est fini. Aujourd’hui comme hier, il y faut le Saint-Esprit de Dieu, qui nous révèle Jésus-Christ bien autrement que nous pourrions le connaître par la raison.  Seulement, hier, on ne s’en rendait pas compte, sauf pour ces missionnaires extraordinaires qui portaient l’Évangile dans des pays ou dans des milieux qui ne le connaissaient pas : ils étaient eux-mêmes portés par l’Esprit, et ça se voyait.

 

Aujourd’hui, dans nos pays et nos milieux qui ne connaissent plus l’Évangile, qui pensent que l’être humain est bon et qui démontrent sans cesse le contraire, pas d’autres chrétiens que ceux qui croient en Jésus-Christ, même au travers de leurs pensées diverses et de leurs doutes nombreux… Et vous en êtes, vous qui êtes ici ce matin ! Vous n’étiez sans doute pas dans la chambre haute à Jérusalem il y a 2 000 ans, ni n’avez vu « comme des langues de feu » se poser sur vous-mêmes ! Pourtant, vous croyez ce dont tout le monde vous dit que c’est absurde : vous croyez en un Dieu qui a préféré la folie de la croix à la toute-puissance tant aimée des humains, et vous croyez à la puissance de cette folie, à la puissance de cette faiblesse qui révoque toutes les pensées et les actions des humains.

 

C’est que le Saint-Esprit vous l’a soufflé… Comment auriez-vous pu croire sinon de telles choses ? En les imaginant ? Mais l’imagination ne tient pas face à la dure réalité de la vie et du monde, sauf à avoir besoin de soins psychiatriques ! Non, nous savons que la mort et la résurrection du Christ sont réelles et vraies et non pas imaginaires ou fantasmatiques, ni même seulement symboliques. Et même si, comme les premiers disciples, nous ne savons pas ce que veut dire « ressusciter » (Luc 18 / 34) ! Nous n’avons pas imaginé, nous avons appris ; mais, en plus, l’Esprit nous a convaincu que le témoignage reçu de ceux qui nous ont précédés ou accompagnés était vrai. Et lorsque nous parcourons les Écritures, c’est ce même Esprit qui nous confirme la vérité de notre foi. Non pas de nos doutes ou de notre sentiment religieux, ni des élaborations intellectuelles à travers lesquelles nous croyons. Mais de notre foi elle-même. Oui, par l’Esprit, nous accordons foi, nous faisons confiance à la Parole de Dieu, à Jésus-Christ vivant, au Père miséricordieux qu’il nous a rendu proche.

 

Comme Paul, je suis incapable de vous démontrer la vérité de la foi chrétienne. Et je pense d’ailleurs que personne ne peut non plus démontrer sa fausseté – mais ça, c’est une autre question. Démontrer signifierait prouver par des arguments logiques solides. Or, comme Paul, je vous l’ai dit : la logique rationnelle, même religieuse, ne peut pas témoigner de Jésus-Christ. La vérité est inaccessible à la raison, tout comme l’amour : lui non plus ne peut pas être démontré. On peut seulement constater qu’il est là ou pas – et encore, même le regard que nous portons sur lui est ambigu et n’atteste que de notre imaginaire et de notre propre chemin. L’apôtre Jacques dira aussi que la foi se constate par ce qu’elle produit, mais là aussi notre regard est déterminé par nos propres œuvres ou notre culpabilité. Alors n’essayons pas de juger de la foi des autres ni de celle qui nous porte. Simplement croyons, faisons confiance.

 

Mais pas à nous, bien sûr ! Faisons confiance à Dieu qui nous aime, à son Fils Jésus-Christ qui nous fait vivre de sa vie donnée, à l’Esprit qui nous atteste tout ceci et nous transforme à l’image de ce Fils. Car si l’Esprit nous révèle ces vérités, ce n’est pas pour que cette connaissance nous rapproche du paradis, comme certains l’ont cru autrefois, mais pour que nous en vivions ici-bas, dans la réalité concrète de notre existence personnelle et sociale. On a souvent dit que le « commandement d’amour » était une impossibilité, parce qu’aimer ne se commande pas. Certes. Nous ne pouvons pas obéir à un tel commandement. Mais par-delà le commandement, pourtant nous pouvons aimer. Ce que le Saint-Esprit permet, c’est aussi que nous aimions comme le Christ nous a aimés, que nous nous aimions jusqu’au bout, même si nous ne sommes pas aimables. Car nous ne le sommes pas, n’est-ce pas, hommes et femmes « psychiques », comme écrivait Paul, ou « naturels » selon ma traduction.

 

Mais l’Esprit change aussi notre regard les uns sur les autres. Il nous permet de voir les autres comme Dieu les voit, et de nous voir nous-mêmes comme Dieu nous voit : ses enfants, « rachetés à grand prix », comme écrivaient Paul (1 Cor. 6 / 20 ; 7 / 23), mais aussi Pierre (1 Pi. 1/ 18) ou déjà Ésaïe (52 / 3 ; 63 / 9) … Cela aussi, la raison humaine est incapable de le comprendre : un Dieu qui nous regarde comme ses enfants et qui par amour pour nous s’est abandonné lui-même et a tout donné. Ni le paganisme ni l’islam ni aucune philosophie religieuse ou matérialiste ne peut concevoir ceci. Oui, il y a des dieux qui meurent et qui ressuscitent. Oui, il y a des dieux qui aiment – surtout eux-mêmes ou leurs semblables, d’ailleurs… Mais un seul a donné sa vie par amour afin de nous attirer nous aussi vers la vie éternelle, afin de nous permettre de vivre cette vie nouvelle dès maintenant en lui faisant porter fruit et en en témoignant par l’amour dont lui nous rend capables désormais.

 

Je ne vous en convaincrai pas. C’est l’Esprit de Dieu qui peut vous en convaincre, et sans doute l’a-t-il déjà fait, vous qui croyez et qui tâchez d’aimer de son amour à lui. La vie chrétienne consiste donc bien à vivre du Christ, et non pas seulement à savoir sur lui des choses vraies : elles ne sont vraies que mises en pratique, que réalisées dans nos existences. Et c’est l’œuvre du Saint-Esprit que de le permettre et de le porter. Il ne nous porte pas vers Dieu, ce n’est pas sa première vertu : ça, c’est réalisé par la mort du Christ ! Il nous porte les uns vers les autres dans l’amour et la confiance. Oui, c’est cela qu’il réalise, et cette réalisation s’appelle l’Église. Nous ne faisons pas partie de l’Église en venant au culte ou en versant une participation financière ou autre, comme si c’était un militantisme ou une association. Nous faisons partie de l’Église en vivant de la Parole de Dieu dans notre vie et dans nos relations. La prédication évangélique et la sainte cène servent à ça. Ainsi, dans nos têtes et dans nos corps, nous recevons le Saint-Esprit. Pas pour nous satisfaire de ce don, mais pour qu’il pousse têtes et corps à changer et à agir.

 

N’est-ce pas aussi ce que le monde attend de nous tout en disant ne pas le vouloir ? Il en fut de même pour Jésus, et lui ne s’est pas arrêté en chemin, découragé par les refus de ceux pour qui il venait. C’est toujours pour eux qu’il vient, comme c’est pour eux qu’il est mort. Ne serons-nous pas à son image ? Amen.

 

Saint-Dié  –  David Mitrani  –  28 mai 2023

 

 

Contact