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Nombres 6 / 22-27
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texte : Nombres 6 / 22-27 (traduction personnelle)
autres lectures : Évangile selon Jean 3 / 1-8 ; épître aux Romains 11 / 33-36
chants : 35-01 et 45-19
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« Le Seigneur te bénit et te garde », etc. C’est la grande bénédiction aaronique, celle que les grands-prêtres prononçaient le jour de Kippour sur tout le peuple croyant rassemblé, et ce peuple acclamait fort le nom divin qu’ainsi il ne pouvait pas entendre, ni risquer de répéter, car on ne prononce pas le nom de Dieu. Vous le savez, les Juifs d’aujourd’hui disent seulement « le Nom » pour éviter de prononcer le mot que nos bibles protestantes traduisaient « l’Éternel » et les bibles catholiques transcrivaient « Yahvé ». Sans parler de ceux qui ne comprenaient pas ce qu’ils lisaient, et prononçaient alors Jéhovah, mélangeant les consommes du vrai nom avec les voyelles du mot qu’on traduit « Seigneur ». Car dès avant l’époque de Jésus, en grec, les Juifs disaient /ho kyrios/ là où le nom étaient écrit, tout comme ceux qui parlaient hébreu disaient /adonay/. Et c’est ce que font toutes nos bibles aujourd’hui : elles traduisent « le Seigneur ». Mais pour vous et moi, ces choses sont indifférentes : qu’importe la traduction, on sait bien de qui il s’agit ! Croyez-vous ?
Qui en effet peut prétendre connaître Dieu ? Ceux qui le pensent sont des sectaires, qu’ils soient catholiques ou protestants, qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans. L’interdiction de prononcer le Nom divin avait ceci de bon, c’est qu’elle en empêchait toute connaissance. Je ne parle pas d’étymologie, ce qui intéresse les spécialistes d’histoire des religions… Non, je parle de la personne. Prétendre connaître quelqu’un, c’est l’enfermer dans ce qu’on croit savoir de lui ; tout comme connaître son nom, c’est s’autoriser à l’appeler, à l’obliger à répondre, à obtempérer. Or on ne « siffle » pas Dieu ! Dieu est libre de nous, et c’est le gage de notre propre liberté devant lui. D’ailleurs ceux qui pensent connaître Dieu pensent aussi tout savoir de l’être humain, et voulant enfermer Dieu, c’est vous qu’ils enferment par leurs jugements de valeur. Soyez donc encore un peu juifs : résistez à ces « savants » et ne faites pas comme eux : ne prétendons pas connaître l’Inconnaissable, contentons-nous de le louer et de chanter sa gloire !
Mais, chers amis, soyons aussi un peu chrétiens ! « Le Nom qui est au-dessus de tout nom », comme l’écrivait Paul (Phil. 2 / 9), a été donné à Jésus. Dans cette bénédiction, lorsque nous disons ou nous entendons : « le Seigneur », c’est donc de Jésus qu’il s’agit. C’est lui dont le texte nous dit qu’il bénit. Je veux dire : c’est lui en personne ! Mais alors, ce n’est plus de Dieu qu’il s’agit ? Si, bien sûr ! Jésus n’est pas seulement un homme, qui est né, a vécu, est mort et est ressuscité, il est aussi le Fils éternel de Dieu, il est Dieu. Y aurait-il alors deux dieux, ou plus ? Non : « Écoute, Israël, l’Éternel notre Dieu, l’Éternel Un ! » (Deut. 6 / 4) Il a bien fallu que les chrétiens tiennent compte de toute l’Écriture, pour finalement définir au IVe siècle, contre d’autres idées encore plus biscornues, le dogme trinitaire : un seul Dieu en trois personnes. Je dirai que c’est la manière la moins fausse de parler du Dieu de la Bible chrétienne. Sans penser qu’ainsi on le définit vraiment et clairement ! Comme je vous le dis quasiment chaque dimanche, la foi n’est pas connaissance, mais confiance, confiance non pas dans la vérité de nos dogmes, mais confiance dans la personne de Jésus, lui qui nous parle aussi de son Père, et qui nous a promis son Esprit.
Qu’en est-il alors de « notre » bénédiction ? Elle a en tout cas une structure ternaire très forte : 3 fois le verbe « dire », 3 fois le verbe « bénir », 2 fois le verbe « mettre » et 1 fois le mot « nom » (ce qui sonne à une oreille hébraïque à peu près de la même façon), et surtout, dans la bénédiction elle-même, 3 fois le nom divin ! Et Jésus qui disait à ses disciples : « En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » (Matth. 6 / 7) ! C’est donc qu’il n’est pas vain de prononcer les trois phrases de cette bénédiction plutôt qu’une seule. D’ailleurs votre serviteur croit bien qu’aucune phrase n’est vaine ni en trop dans la Bible… S’il y a 3 phrases dans la bénédiction aaronique, c’est qu’elles sont nécessaires. Car s’il y a un seul « Éternel », ils sont trois, pensons-nous, et voici comment :
« L’Éternel te bénit et te garde. » C’est donc Dieu en tant qu’il est Créateur et Providence. Car c’est lors de la Création que la Bible nous dit que Dieu nous a bénis (Gen. 1 / 28). Or, si l’être humain n’a pas été capable de « garder le jardin », comme il lui avait été demandé (Gen. 2 / 15) – et il suffit de voir le monde tel qu’il est, nature et société, pour s’en rendre compte – « l’Éternel », lui, « est celui qui te garde », comme le chantait le psaume (Ps. 121 / 5). Cette bénédiction signifie aussi pour nous, concrètement, que les peurs sont sans fondement. Certes nous sommes capables de nous détruire, individuellement et collectivement, et de détruire la planète – les étoiles, pas encore… – mais comme le dit une expression que nous trouvons souvent excessive : « rien n’arrive sans la volonté de Dieu ». Si c’est l’expression d’un destin, ou la justification de malheurs incompréhensibles, c’est éminemment faux. Mais si c’est l’expression de notre confiance dans le fait que Dieu nous garde en sachant ce qu’il fait, même si nous, nous ne comprenons pas, alors c’est une bien belle phrase ! Nous sommes alors appelés à assumer notre vocation dans la responsabilité, mais sûrement pas dans la culpabilité. La bénédiction de Dieu sur nous, pécheurs, nous en préserve.
« L’Éternel fait briller sa face sur toi et te fait grâce. » C’est donc Dieu en tant qu’il s’est révélé aux humains. Et comment l’a-t-il fait, sinon par son Évangile ? Car nous étions incapables de le reconnaître dans sa création, à cause de ce qui nous séparait de lui : notre péché. (Rom. 1 / 16 et s.) L’Évangile dans lequel nous trouvons et avons foi, voilà le moyen de la révélation de Dieu, pleine et entière. Or en quoi consiste cet Évangile ? Non pas en dogmes, encore une fois ; non pas même en 4 livres. Mais l’Évangile consiste en la personne de Jésus mort et ressuscité. C’est en lui que le Père a « fait briller sa face », c’est lui dont le visage a resplendi comme dans le récit de la Transfiguration (Matth. 17 / 2), et comme en avait aussi témoigné le vieux Siméon au temple de Jérusalem après la naissance de Jésus (Luc 2 / 29-32). C’est en Jésus, en Jésus seulement, que Dieu fait grâce, au point que, parler bibliquement de la grâce de Dieu, c’est ne parler que de la mort et de la résurrection de Jésus. Dire « tout est grâce » n’a pas de sens, s’il n’y est pas question de Jésus. « La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. Personne n’a jamais vu Dieu. Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. » (Jean 1 / 17-18)
« L’Éternel lève sa face vers toi et met pour toi la paix. » Naturellement je vais vous dire qu’ici, c’est Dieu l’Esprit ! La paix promise par le Père, offerte par le Fils, est mise en œuvre en nous et entre nous par l’Esprit saint. La paix est bien un don du Dieu unique, mais nous sommes à ce point récalcitrants qu’il y faut bien l’action des trois personnes divines. L’Esprit sans les deux autres serait incompréhensible, c’est lui qui nous tourne vers le Père et qui témoigne en nous de Jésus-Christ. Il est l’Avocat, par définition, c’est ainsi que le désignait Jésus (Jean 14 / 16-17. 26-27). Il est l’efficacité de Dieu en nous. Il est donc celui par qui la bénédiction nous atteint et nous donne ce qu’elle promet : la paix. C’est lui qui fait de la bénédiction une parole performative, qu’il convient de dire alors à l’indicatif et non au subjonctif : elle ne demande pas, mais elle énonce ce que Dieu, l’Esprit, est en train d’accomplir.
C’est bien d’ailleurs le sens de la dernière phrase du texte : « Ils auront mis mon nom sur les fils d’Israël, et moi je les bénirai. » Ce que la bénédiction énonce, Dieu le fait. Et, finalement, qu’est-ce que la bénédiction énonce, sinon le nom de Dieu, Dieu lui-même, qui se communique ainsi aux « fils d’Israël », c’est-à-dire aux croyants. Le but de la bénédiction, c’est que le Nom divin soit posé sur ceux qui la reçoivent. Paul parlera de « revêtir le Seigneur Jésus-Christ » (Rom. 13 / 14). La bénédiction nous fait changer de peau, de vie. Pas n’importe quelle bénédiction, bien sûr. Dans toutes les religions, et même dans le langage courant qui utilise d’autres mots, il y a foule de bénédictions de toutes sortes. Mais « porte-toi bien » ou « bismillah » ne correspondent en rien à ce que je viens de vous dire. L’une est sans dieu, et d’ailleurs plus une exhortation qu’une bénédiction, et l’autre porte un nom de mensonge. La bénédiction qui nous est offerte, elle, bénit véritablement, et elle le fait en posant sur nous le nom de Jésus-Christ, elle nous fait chrétiens, en quelque sorte, et par elle Dieu bénit, oui, non pas le ministre ou qui que ce soit d’autre, mais Dieu lui-même.
Car tout un chacun peut prononcer la bénédiction. À l’indicatif, je vous le disais, et adressée à la 2e personne : « le Seigneur vous fait » ceci et cela, et non pas « nous fasse… » Tout le monde, chaque chrétien. Car, vous l’avez entendu dans le texte tout à l’heure, avec cet enchaînement de guillemets : l’Éternel dit à Moïse de dire à Aaron de bénir en disant… « Aaron et ses fils », c’est-à-dire les prêtres. Or dans l’Église chrétienne tous les baptisés sont prêtres : « vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, en vue d’offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ » (1 Pierre 2 / 5), « vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (v. 9). Revêtus de Jésus-Christ, revêtez-en donc les autres. Et ceci se fait non par beaux discours ni par beaux gestes, mais par bénédiction. « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas », écrivait aussi Paul (Rom. 12 / 14). Ne vous placez pas au-dessus de Jésus, lui qui a pardonné à ceux qui l’ont crucifié (Luc 23 / 34). Mais réalisez que par l’Esprit vous êtes comme lui, et que c’est pour ça que le Père vous considère comme ses enfants : agissez donc comme tels.
La dernière phrase du texte peut avoir un autre sens que celui que je vous disais. « Ils auront mis mon nom sur les fils d’Israël, et moi je les bénirai. » Dieu bénira qui ? Je vous disais : il bénira les destinataires de la bénédiction quand elle est prononcée. Mais on peut aussi comprendre que ce sont ceux qui la prononcent qui seront alors bénis ! Car s’ils bénissent en disant « vous », qui les bénira, eux ? Le texte nous dit alors que Dieu lui-même bénira ceux qui bénissent. Et c’est là une promesse réjouissante. Certains se disent peut-être qu’il ne sert à rien de bénir des gens mauvais, ni même des gens ordinaires. Eh bien si : Dieu lui-même nous bénira lorsque nous prononcerons la bénédiction sur ceux qui ne le méritent pas. D’ailleurs, si certains le méritaient, ils n’en auraient pas besoin, car ce n’est pas un acte magique. Mais c’est un acte, une parole, dans laquelle Dieu s’engage totalement, Père, Fils et Saint-Esprit, pour que nous ayons en lui la paix. Allez en paix ! Amen.
Senones – David Mitrani – 7 juin 2020