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Jérémie 31 / 31-34
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texte : Jérémie, 31 / 31-34 (trad. : Bible à la colombe)
autres lectures : Épître aux Éphésiens, 3 / 14-21 ; Évangile selon Jean, 15 / 26-27
chants : 232 et 425 (Arc-en-ciel)
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Faut-il le confesser ? Carmen et moi, nous partageons un même défaut : la procrastination ! Nous attendons toujours le lendemain pour faire ce que nous aurions dû faire la veille… Mais ne nous en veuillez pas trop, et surtout rassurez-vous : Dieu, lui, n’a pas ce défaut-là ! Lorsqu’il disait : « Voici que les jours viennent », il ne nous a pas fait attendre, il n’a pas renvoyé ni au dernier moment, ni aux calendes grecques. Et lorsque Jésus disait : « Quand sera venu le Consolateur… », il ne parlait pas de la fin du monde, quoi que nous puissions imaginer sous ce vocable. Mais notre culte, notre vie chrétienne elle-même, n’auraient pas de sens, si ces futurs du texte biblique n’étaient pas maintenant réalisés, et non pas de notre fait, mais parce que Dieu a tenu parole, parce que la prière de Jésus a été exaucée par le Père. Nous sommes aujourd’hui au bénéfice de cet Évangile : oui, les jours sont venus de la « nouvelle alliance », « le Consolateur » nous a été donné, « l’Esprit de vérité » qui « rend témoignage de [Jésus] » et qui permet que, nous aussi, nous rendions ce témoignage.
C’est sur cette alliance que je voudrais que nous nous arrêtions un moment ce matin. Lorsque le prophète Jérémie parle et écrit, lorsque son livre est édité sans doute plus tard, la seule alliance que la Bible connaît est celle qui est rapportée au livre du Deutéronome, c’est la Loi de Dieu donnée par Moïse au désert. Cette Loi, pour les croyants, est constituée par les récits et les commandements qu’on peut lire dans les cinq premiers livres de la Bible, et que Jésus résumera un jour par deux versets tirés de ces livres : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Deut. 6 / 5) et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lév. 19 / 18). Le récit qui leur donne sens, c’est la sortie d’Égypte, la libération de l’esclavage par laquelle Dieu « a fait sortir » son peuple pour l’amener vers le pays promis.
Le judaïsme, encore aujourd’hui, vit de cette libération, et commémore sans cesse cet Exode fondateur de sa liberté. Mais ce que Jérémie rappelle, c’est que cette alliance était conditionnelle. Dieu a fait le premier pas, le plus essentiel, et il a donné la Loi. Maintenant, c’est à Israël de vivre cette liberté en observant les commandements. Au moment où Dieu a repris ce qu’il avait donné : le pays, le roi, le Temple, et qu’Israël vit non plus l’Exode libérateur, mais le traumatisme de l’Exil à Babylone, les prophètes soulignent combien ce nouvel état n’est que la conséquence de la désobéissance du peuple, de ses dirigeants et de ses prêtres. Et lorsque nous autres, nous prétendons vivre cette ancienne alliance, voulant observer les commandements bibliques avec nos propres forces et assurer nous-mêmes notre liberté devant Dieu et devant les humains, alors comme Israël nous tombons, et Jérémie serait là aujourd’hui, il dirait encore de cette « alliance que [nous l’avons] rompue, quoique [Dieu] soit [notre] maître… » La Loi de Dieu ne rend pas les humains meilleurs, elle leur révèle qu’ils sont pécheurs (Rom. 7 / 7-13).
Ceci n’est pas un détour par le passé, mais un passage obligé par notre présent. Le péché n’est pas de ne pas connaître Dieu, mais de ne pas le reconnaître, c’est-à-dire de vouloir faire sans lui – peut-être d’ailleurs pour lui, mais sans lui… Ça ne marche pas, ça ne marche jamais, il faut bien le dire sauf à s’illusionner sur soi-même. La Bible nous montre l’œuvre que Dieu accomplit pour nous, et elle nous montre incapables d’y répondre et d’en profiter. Mais tout ne s’arrête pas là, sinon les prophètes auraient condamné mais n’auraient pas prophétisé, et Jésus qu’ils annonçaient ne serait pas venu. Mais je vous l’ai dit, Dieu a promis et Dieu a tenu sa promesse. Il a promis une « nouvelle alliance », et les premiers à l’avoir reçue en ont écrit le « Nouveau Testament », ce qui veut dire la même chose. Et nous aussi, nous avons reçu cette nouvelle alliance afin d’en vivre, et c’est elle aussi que nous célébrons aujourd’hui, parce que Carmen, comme la plupart d’entre nous, est entrée dans cette alliance-ci qui lui est confirmée ce matin.
Elle y est entrée sans en avoir conscience, comme tous ceux qui sont baptisés bébés. Oh, je ne suis pas sûr que ceux qui ont été baptisés plus âgés en aient eu meilleure conscience, encore qu’ils fussent capables, eux, de dire oui. Mais ce oui qui sera aussi proclamé tout à l’heure par Carmen n’est pas un « oui, je signe », c’est seulement un « oui, je sais » ; non pas un « oui, je vais faire », mais un « oui, merci d’avoir fait » … C’est toute la différence entre l’ancienne et la nouvelle alliance. C’est une alliance impossible à rompre, car elle n’est pas scellée par notre consentement, mais par la seule action de l’amour de Dieu pour nous. Sa Loi – sa Parole – ne dépend plus de nous, de nos capacités, de notre bonne volonté, mais de la sienne. Il a « écrit [cette parole] sur [notre] cœur », comme le prophétisait Jérémie. Or quelle est cette Loi, cette Parole ? Si c’était la même qu’auparavant, alors son inscription en nous marquerait le retour d’un nouvel esclavage. Mais non : la Loi inscrite dans notre cœur, la Parole prononcée pour toujours par Dieu, c’est Jésus-Christ en personne, c’est sa mort et sa résurrection. Et comme Paul l’écrivait aux Romains : « En ceci, Dieu prouve son amour envers nous : lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous. » (Rom. 5 / 8)
Une Loi nouvelle, un récit nouveau : l’Évangile de Jésus, la bonne nouvelle de l’amour gratuit de Dieu pour tous les humains. Au point que toutes les libérations de l’Ancien Testament n’apparaissent plus que comme des images, des annonces, de cette libération totale et définitive : le salut qui nous a été offert en Jésus-Christ, une fois pour toutes. Et ce salut se dit en deux petites phrases qui sont synonymes, qui se répondent l’une à l’autre : « Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » Comme une relation d’amour partagé que rien ne dissipera jamais. « Je serai leur Dieu » n’est pas l’annonce d’une affirmation théologique. Il ne s’agit pas de dire : « le Dieu que montre la Bible, voici celui auquel je crois, je crois qu’il existe, selon moi c’est lui qui est Dieu. » Cela n’a pas d’intérêt. Comme je le disais à ceux qui étaient au Brabant jeudi, la vraie question, c’est « ça te fait quoi ? » Carmen nous le dira pour elle-même tout à l’heure dans une très jolie prière. Mais c’est à tous – tout le « peuple », toute l’Église, chacun avec les autres – c’est à tous que la question est renvoyée : « Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, est-il vraiment votre Dieu ? »
Chacun de nous répond avec ses propres mots, ses propres gestes, avec ce qu’il est devant Dieu. Pour chacun de nous de manière personnelle et particulière, Dieu est « [notre] Dieu ». C’est d’ailleurs le début du « Shema’ Israël » que récitent les Juifs depuis Moïse : « Écoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu. » (Deut. 6 / 4) Mais c’est dans la mort et la résurrection de Jésus, quand nous n’étions pas nés, que Dieu s’est montré « notre » Dieu : en Jésus, il a donné sa vie pour nous. Et ce don de sa vie s’est inscrit dans nos corps, dans nos vies. Permettez-moi un bref excursus littéraire et cinématographique, à défaut d’être philosophique ! Ceux qui connaissent Harry Potter savent bien que c’est l’amour de sa mère, qui a pris pour elle la mort qui lui était destinée à lui, c’est cet amour qui ensuite a continué de le protéger contre le mal et la mort, alors-même qu’il était un garçon comme les autres, pas meilleur ni pire. C’est exactement ce dont je vous parle, même si vous et moi ne vivons ni à Poudlard ni à Godric’s Hollow, et même si l’adversaire ne s’appelle pas Voldemort… L’amour de Jésus s’est inscrit en nous sans que nous en soyons ni dignes ni conscients, c’est lui qui nous a rendus dignes, qui nous a donné une dignité que nous aurions été incapables d’obtenir : celle d’enfants de Dieu.
C’est donc aussi cela qui nous constitue ensemble comme une famille dans laquelle nous avons tous le même Père, celui de Jésus lui-même ; comme un peuple qui vient d’un appel et non pas d’une hérédité : l’Église de Jésus-Christ. Une unique Église parce qu’il y a « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, parmi tous et en tous. » (Éph. 4 / 5-6) Oui, c’est de ce Père que notre « famille [ecclésiale] tire son nom ». Peu importent les surnoms qu’elle se donne dans chaque branche : nous ne sommes pas sauvés parce que nous sommes protestants ou évangéliques ou réformés ou luthériens, non plus que d’autres comme catholiques ou orthodoxes ; nous sommes les enfants du Père à cause de Jésus et non de notre confession de foi particulière ou de nos œuvres à nous. Et nous nous savons les enfants du Père et nous pouvons en témoigner non pas parce que nous appartenons à telle ou telle communauté, non pas parce que nous avons accompli telle ou telle chose, mais parce que le Consolateur envoyé par le Père nous fait tenir debout, qu’il rend témoignage en nous de cet amour premier de Dieu, et qu’il nous le fait vivre les uns avec les autres de manière inattendue et merveilleuse, lorsque nous ne lui fermons pas la porte.
Aussi, je ne vous dirai pas : « connaissez le Seigneur ! », car vous le connaissez, et pas par ma prédication, même si celle-ci peut parfois vous donner un peu plus de lumière quand Dieu s’en mêle. « “Si vous me connaissiez, [dit Jésus,] vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l’avez vu.” Philippe lui dit : “Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit.” Jésus lui dit : “Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe ! Celui qui m’a vu, a vu le Père. Comment dis-tu : montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi-même ; le Père, qui demeure en moi, accomplit ses œuvres.” » Ne restons donc pas comme ce Philippe, car désormais les œuvres du Père sont accomplies en nous : nous sommes devenus ses enfants. Alors vous connaissez bien le Seigneur : il vous a adoptés, il a mis son amour en vous, il a effacé tout ce qui, en vous comme en moi, s’opposait à lui et à son amour.
Comme Jésus le dit à Jean dans la grande vision qui termine la Bible : « C’est fait ! je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement. Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et il sera mon fils. » (Apoc. 21 / 6-7) Je vous le disais, Dieu n’attend pas demain pour faire ce qu’il a promis. Il l’a fait avant-même que vous en ayez conscience. Mais désormais vous le savez : alors continuez à en vivre, ou commencez à en vivre… Si lui a déjà fait, pour aucun d’entre nous il n’est trop tard. Comme le chantait un psaume que cite l’épître aux Hébreux : « aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur » (Ps. 95 / 7-8 ; Hébr. 4 / 7). Bref, n’attendez pas demain ! Amen.
Saint-Dié (confirmation) – David Mitrani – 13 mai 2018