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Genèse 2 / 4b-9. 15
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texte : Genèse 2 / 4b-9. 15 (trad. L. Segond)
premières lectures : Première épître de Pierre 5 / 5b-11 ; Évangile selon Matthieu 6 / 25-34
chants : 47-12 et 41-23
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Chers frères et sœurs
Je ne sais pas, en ce qui vous concerne, mais ce texte, par sa force d’évocation m’interpelle. Il est l’acte originel de l’homme et de sa destinée, du monde et du dessein de Dieu à son égard, et paradoxalement il se révèle impossible à aborder dans sa totalité.
IL peut être appréhendé sous son aspect linguistique, par exemple sur l’origine du nom Adam (le terreux), ou encore écologique qui développe la question de la responsabilité de l’homme en ce qui regarde le milieu naturel, les végétariens en ce qui concerne la manière de se nourrir, ou encore les moralistes, les fondamentalistes etc…. nous pourrions trouver beaucoup d’autres angles pour aborder ce texte, alors pour éviter la tentation dans une pensée trop rapide d’évoquer tous les aspects, au risque de ne pas entrer dans la profondeur d’un petit récit pour une grande question. Je vous invite, à réfléchir sur cette seule question. Qui d’entre nous, ne s’est pas interrogé, sur ce qu’il est ? en finalité qui suis-je ?
Depuis l’aube de l’humanité l’être humain, n’a jamais cessé de se la poser. Dans le psaume 8 de David »Qu’est-ce l’homme pour que tu te souvienne de lui ? Qu’est-ce que l’être humain, pour que tu t’occupes de lui ? »
Jésus lui-même pose la question à ses disciples Matthieu 16.13 »qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? Et verset 15 »Et vous qui dite vous que je suis ?
Dans un temps plus proche de nous, le Pasteur et théologien Dietrich Bonhoeffer, emprisonné et assassiné par les nazis écrit pendant sa captivité le poème »Qui suis-je ? »Avant, toute réponse, cela implique que nous nous posions aussi la question, comment dans ce texte de la Genèse, Dieu se manifeste-t-il ?
Dieu est celui qui met de l’ordre dans le chaos, le chaos et le néant n’étant rien, et ce rien ne saurait créer quelque chose, donc toute créature provient de Dieu.
Dieu est celui qui décide de créer l’homme et d’irriguer un lieu aride ou il n’y a personne pour cultiver le sol.
Dieu est celui qui transforme une zone aride en un lieu merveilleux ‘Le Jardin d’Éden’
Dieu pour créer l’homme se transforme en potier qui modèle son œuvre à partir de la poussière, puis pour qu’il devienne un être vivant, Dieu insuffle en lui un souffle vital : seul susceptible d’animer la matière inerte la vie tire son origine, de Dieu.
Dieu se révèle, dans ce récit comme marqué par une tendresse affectueuse, il est probable qu’il puisse même éprouver de la souffrance face à la solitude de l’homme qu’il a créé, il ne se contente pas de créer des animaux, il créé aussi la femme.
Alors « Qu’est-ce être humain ? Qu’est-ce qu’être vivant ? C’est « la question universelle qui est posée »
C’est à priori ne pas être mort. C’est inhaler et exhaler un souffle. C’est disposer d’un corps capable de se mouvoir. C’est ne pas s’être fait soit -même mais être façonné artisanalement comme le vase par le potier. Une œuvre d’art unique et fragile, « un trésor porté dans des vases d’argile » (2 Corinthien 4.7).
André Malraux a écrit « une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie » Nous mesurons tous les jours combien la vie est fragile, mais nous ne sommes vraiment que des vases de terre. Ainsi pour cet amas de poussière, un jour, un Dieu est mort pour dire qu’il a placé l’humain au sommet de sa création.
Nous sommes ceux qui ont reçu la vie, grâce au souffle de Dieu.
Nous n’avons pas une âme, mais nous sommes âme par le souffle de Dieu, l’homme est devenu une âme vivante. qui ouvre ainsi les humains à l’amour, et les appelle à donner la vie, c’est là qu’advient leur liberté.
Cette liberté à pour cadre le respect, du créateur, de l’autre, de la création dans son ensemble
Puis Dieu « plante » ensuite un jardin en Éden à l’est, en le confiant à l’homme c’est le paradis qui va servir, comme cadre de la mise à l’épreuve
Ce cadre représente un espace territorial au sein de la création qui est qualitativement meilleur que le reste de la création.
Celui-ci en sera le maître, mais pas d’une manière absolue, se sera une liberté responsable.
Dans cet endroit spécial, Dieu invite les êtres humains à connaître le bonheur en vivant en harmonie avec lui, les uns avec les autres, c’est un lieu de paix et de plénitude, et par extension le jardin est un temple où Dieu y est présent d’une manière particulière. Comme notre temple, c’est un point de rencontre.
Mais quel est le plan de Dieu, pour Adam, pour nous-mêmes en l’incitant à cultiver ce jardin et de le garder ?
C’est plus qu’un ordre de travail : nous y recevons un sens à notre existence. Nous somme les mandataires de Dieu.
Après avoir créé, donné la vie et la liberté, à l’homme et à la femme Dieu leur a fixé une limite avec le fruit défendu, elle est dans cette recommandation adressée à Adam, à ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Deux arbres plantés dans un jardin nous parlent de la condition humaine.
Le premier cité, est dénommé « arbre de vie », et n’a pas de rôle actif, il n’est qu’objet de désir. Le drame de la mortalité nourrit l’espérance de l’immortalité, le fantasme de l’immortalité est tempéré par le constat de la mortalité du corps.
Le second est dit « arbre de la connaissance du bien et du mal » il dit notre incapacité à saisir les mystères ultimes de l’existence, notre prétention à enfermer le juste et l’injuste, le vrai et le faux, la foi et le doute dans des catégories définitives.
c’est cette limite qui me fait humain, qui donne le sens à ma vie pour « être »(je suis) avec les autres tout en restant à ma place.
Nous nous définissons par notre aptitude à savoir renoncer, en cas de nécessité, à accepter nos propres limites, c’est là que se révèle le plan de Dieu.
Ainsi, nous pouvons entrevoir, sous la forme de la projection d’un tableau en trois dimensions, ce qui caractérise le « Je suis » de l’humain dans sa conception qu’il a de concevoir l’exploitation du jardin.
La première dimension, c’est l’un avant du temps humain, qui correspondrait à l’en deçà du bien et du mal.
Il peut être représenté par toutes les situations anti-humains, de négation de l’humanité, de dés-humanité qui traversent l’histoire, telle que la situation des Ouïghours détenus au Xinjiang dans des camps de rééducation politique qui sont des lieux de sanctions et de tortures, violences coups, privation de nourriture, quant à la condition des femmes, elle se traduit par une politique de vaste envergure de stérilisation.
De même, notre humanité, voit par l’organisation des nations unis la reconnaissance des Rohingyas, musulmans de Birmanie, privés de leur citoyenneté, et exposé à l’oppression la plus inhumaine du monde, et à un nettoyage ethnique.
L’une des représentations les plus forte de cet en-deçà du bien et du mal à été rédigé par Primo Lévi, dans son livre « Si c’est un homme ». Dans les camps nazis, il fera l’expérience de la déshumanisation, de l’enfer, du néant, négation du jardin d’Éden.
L’humanité n’est plus, qu’un matricule pour tout nom, plus de nourriture, ni de liberté de déambuler dans un jardin. A la place, les coups qui fragilisent les corps. Tout est fait pour retourner en-deçà du projet divin de création.
Un croûton de pain, une simple gorgée de soupe, un bout de ficelle, un rayon de soleil prennent en ce lieu une valeur incommensurable.
Alors pour celui qui tenterait de rester un homme, survient la question la plus terrible « Le bien et le mal a-t-il encore un sens dans cet univers ? »
En deçà du bien et du mal, il n’y a pas encore ou plus de jardin. Ce monde est hostile, invivable pour l’homme au point d’être nié, il est devenu celui qui n’est plus.
Un monde où toute valeur n’a plus de sens. Ni morale, ni immoralité, mais un monde amoral (marqué par l’absence de toute morale).
La deuxième dimension c’est le temps humain, le temps du bien et du mal
C’est la situation humaniste. C’est la figure de l’honnête homme qui se situe aussi bien au XVIIème siècle qu’au XXIème. Il s’épanouit à penser les catégories du bien et du mal et à se situer avec rationalité, c’est l’homme divinisé qui croit que le progrès de la science est sans limite, qu’il peut repousser de lui-même les limites de son existence. Mais l’homme n’est pas un demi-dieu, son origine est modeste. Il est tiré de la poussière et à la poussière il retournera.
L’expansion du Covid19, est là pour nous montrer notre fragilité et nous rappeler à plus d’humilité.
Et cependant, Dieu en faisant de l’homme un être vivant, l’invite à prendre soin de ce qui est viable, car chaque vie est unique, comme la rose dans le récit de Saint-Exupéry, du petit prince ; ou dans ce merveilleux exemple de dévouement manifesté par toutes ces femmes et ces hommes qui se sont investis pour soigner et sauvés LA VIE menacée par la pandémie, sans oublier tous ces anonymes qui par compassion ont apporté leur aide et leur savoir-faire gratuitement, par pure solidarité.
La troisième dimension se trouve dans le projet divin pour l’homme
l’au-delà du bien et du mal.
La connaissance du bien et du mal se fond dans la connaissance de Dieu.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’homme qui croit en Dieu sait qu’il ne sait rien. Il n’est pas Dieu, et c’est dans le contraste entre Dieu et lui qu’il trouve son équilibre et qu’il se révèle être un homme, il devient un être éthique capable de bien et de mal.
Nous connaissons les limites que Dieu nous a fixé, avec ce récit Dieu nous offre le mode d’emploi de notre vie et celle du monde.
C’est parce-que nous avons conscience que nous ne sommes pas immortels, et que nous ne serons plus, que nous pouvons nous réjouir d’être libre et cependant accepter de limiter notre liberté à celle des autres
Car devenir humain c’est, toujours savoir renoncer et accepter ses propres limites et en même temps d’y joindre de l’empathie pour autrui.
Nous sommes, parce-que nous avons la certitude d’être aimés de Dieu. Cette certitude d’être nous ouvre un nouvel horizon, l’horizon de la grâce divine.
S’il est hors de notre pouvoir de transformer le monde en un nouveau jardin d’Éden. Ayons la sagesse de le préserver.
AMEN
Raon-l’Étape – Patrick Cloysil – 20 septembre 2020