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Exode 13 / 20-22
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texte : Exode, 13 / 20-22 (trad. : Bible à la colombe)
autres lectures : Ésaïe, 30 / 15-18 ; épître aux Romains, 8 / 31b-39 ; Évangile selon Luc, 12 / 35-40
chants : 634 et 622 (Arc-en-ciel)
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Chers amis, puisque la liste que je suis ordinairement nous invite à méditer aujourd’hui ce court passage de l’Exode que je vous ai lu en premier, j’avoue ma frustration. J’aurais aimé prendre plutôt cette phrase du prophète Ésaïe : « C’est dans le retour à Dieu et le repos que sera votre salut, C’est dans le calme et la confiance que sera votre force. » Mais ce sera pour une autre fin d’année, si Dieu veut. Et puis, tant qu’à prendre le texte de l’Exode, j’aurais pu aussi lire la suite avec vous, lorsque les Égyptiens attaquent alors que les Hébreux n’ont plus que la mer devant eux… Mais, bon, vous connaissez cette suite de l’histoire ! Et je ne peux pas vous lire la Bible entière à chaque culte : notre vie chrétienne se résumerait alors au culte, alors que c’est dehors qu’elle doit s’exercer, dans la famille, le travail, la vie sociale, bref : les uns avec les autres…
Et c’est bien là que les textes de ce matin, si courts soient-ils, nous appellent à le faire. La « colonne de nuée » n’est pas là à vous bloquer la sortie, mais au contraire elle « allait devant eux », nous dit le texte. Elle ne passera derrière que pour s’interposer entre le peuple de Dieu et ses ennemis, quelques versets plus loin. Encore faudra-t-il lui faire confiance pour ça aussi, comme le rappelle Ésaïe, et non pas se laisser prendre par la peur, comme si Dieu n’était pas là, comme s’il n’était pas notre Dieu, comme s’il n’était pas notre Sauveur… C’est là notre tentation permanente, celle-là-même à laquelle nous demandons à Dieu de ne pas nous soumettre : la tentation de nous tromper de Dieu, la tentation justement de ne pas voir en lui le Sauveur, mais au contraire le Satan, l’Accusateur.
D’ailleurs, parfois, nous aimerions bien qu’il le soit : nous avons en effet des choses à reprocher à Untel ou Unetelle, ou aux autres en général. Et nous aimerions bien que Dieu nous y suive, qu’il instruise à charge ; et nous avons, nous, de bons arguments, voire des éléments de preuve, à lui offrir pour ce faire. Nous nous faisons accusateurs de nos frères et de nos sœurs, et nous pensons Dieu à notre image, nous pensons qu’il remet le jugement à l’accusateur. Or la Bible nous dit que c’est le contraire. Dieu est un Dieu partial, il prend la défense de ses enfants, même lorsqu’ils s’accusent les uns les autres. En fait, s’il remet le jugement à quelqu’un, c’est à la Défense, pas à l’Accusation. Et notre défenseur devant le Père, c’est Jésus-Christ, son propre Fils, notre propre frère, qui a donné sa vie pour nous autres, pour notre défense, pour notre salut, pour le salut de ceux que nous aimons et pour le salut de ceux que nous n’aimons pas.
C’est bien ainsi qu’il « nous » conduisait au désert… Car c’est au désert que nous marchons, sans rien voir ni savoir de la route qui nous attend. Nous, nous avons l’habitude des routes qui roulent bien, ou moins bien sous la pluie, la neige, le gel : mais là nous sommes équipés, n’est-ce pas ? Or ce n’est pas sur une telle route que Dieu nous emmène. Sur cette autre route, comme on dit : « qui sait de quoi demain sera fait ? » Nous connaissons le but, mais parfois nous n’y croyons plus, à force de ne pas l’atteindre encore. Ou alors nous l’imaginons, mais chacun de nous l’imagine différemment : ça ne sert à rien. La seule certitude qui nous est donnée – et c’est justement notre texte qui le fait, au dernier jour d’une année qui fut ce que sont nos années, à la veille d’une nouvelle dont nous ne savons rien encore, et qui connaîtra peut-être de grands bonheurs, ou bien de grands malheurs, ou bien de grands rien-du-tout, pour les uns, pour les autres, pour nous tous, pour le monde : qui le sait ? La seule certitude donc, c’est que Dieu marche devant, pour nous guider lorsqu’il fait jour, pour nous éclairer lorsqu’il fait nuit.
Et surtout, « la colonne de nuée ne se retirait pas de devant le peuple pendant le jour, ni la colonne de feu pendant la nuit. » Car pour nous qui sommes croyants, notre peur réside là : que Dieu nous abandonne. Lorsque la confiance est là, nous savons que Dieu aussi est là, et cela nous porte et nous permet d’avancer. « Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi… » (Ps. 23 / 4) Mais voilà, nous ne sommes pas des saints au sens courant du mot : il y a dans nos vies de nombreux moments et de nombreux domaines dans lesquels la confiance en Dieu n’est pas là, ou même dans lesquels nous n’avons même pas conscience d’avoir besoin de lui, de pouvoir compter sur lui. C’est là, dans ces moments, dans ces domaines, que nous n’écoutons plus que notre propre voix, et celle de l’accusateur qui siffle à nos oreilles. Nous oublions ce que Saint Paul écrivait aux Romains, ou bien nous pensons que ce n’est pas pour nous. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
Oui, mais Dieu est-il pour moi ? Moi tel que je suis, moi qui ne le mérite pas, moi qui me cache à mes propres yeux et aux yeux des autres, mais qui ne puis me cacher aux yeux de Dieu… Nous avons dans la tête le Caïn de La légende des siècles, poursuivi par l’œil de la justice divine jusque dans la tombe. Alors que nous devrions avoir en tête et au cœur Jésus-Christ, qui « sait bien de quoi nous sommes formés, qui se souvient que nous sommes poussière », comme le chantait David (Ps. 103 / 14). « Le Christ Jésus est celui qui est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous ! [Alors,] qui nous séparera de l’amour de Christ ? » Oui, c’est bien moi qui suis dans ce « nous » qui désigne les chrétiens, ceux qui appartiennent à Christ. Moi tel que je suis, moi tel que Dieu veut me conduire autre part, vers une autre définition de moi que celle qui me retient en arrière ou qui me fait déraper. Moi tel que Dieu veut me changer : il n’attend pas que j’en sois capable moi-même !
Ainsi l’accusation perd tout argument. Oui, je suis pécheur ; oui, je suis condamnable ; mais : non, Dieu ne me condamne pas, il m’appelle, il me prend par la main, éventuellement il me corrige plus ou moins doucement. Mais il ne m’abandonnera jamais. C’est encore David qui le chantait : « car mon père et ma mère m’abandonnent, mais l’Éternel me recueillera. » (Ps. 27 / 10) C’est bien ce que nous montre Moïse. Lorsqu’il fait nuit, Dieu marche « dans une colonne de feu pour [nous] éclairer. » Il ne discute pas pour savoir d’où vient la nuit, qui en est la cause, ou si ce sont nos yeux qui sont infirmes, ou si nous avons exprès mis les mains devant les yeux pour ne plus voir, ou même si nos lunettes sont sales. Que lui importe ? Il nous éclaire de telle sorte que, quelle que soit la nuit, nous sachions où et comment avancer à sa suite. Au bout du chemin, il y a le jour qui nous attend…
Bien sûr, il nous faut aussi entendre cette bonne nouvelle pour notre Église, qui elle aussi connaît ses nuits, ou plutôt ne connaît plus rien lorsque vient la nuit. « La nuit vient où personne ne peut travailler », disait Jésus (Jean 9 / 4). Et ailleurs aussi : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jean 15 / 5) Nous avons donc besoin de lui, chrétiens et Église. Le monde aussi, mais le monde ne le sait pas, parce qu’il suit Pharaon et non pas Dieu. Nous, nous le savons, et nous voulons le suivre, mais nos doutes demeurent – et demeureront toujours, car c’est désormais notre nature. Ce n’est pas pour rien qu’il nous a donné son Esprit, cet « autre défenseur » (Jean 14 / 16) qui éclaire pour nous les Écritures et nous y fait voir Jésus-Christ. Il faut juste que nous le laissions faire, que nous le laissions nous tourner vers Jésus et nous le montrer encore et toujours, marchant devant nous, éclairant nos pas. C’est ce que confessait la phrase la plus connue du plus long psaume de la Bible : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier. » (Ps. 119 / 105) Cette parole de Dieu, la parole de Dieu, c’est Jésus.
Or cette parole ne nous abandonne pas, elle reste avec nous, nous venons de le fêter à Noël, en donnant à Jésus son « nom d’Emmanuel, Dieu avec nous » (Matth. 1 / 23). Et dans nos quelques versets de l’Exode, les Israélites « campent à Étham », qui peut se traduire « avec eux » ! Dieu est un Dieu « avec », toute la Bible le proclame d’un bout à l’autre. Pas « avec les autres dieux », pas « avec les anges », pas « avec les prêtres » ou « avec les puissants », mais bien « avec eux », c’est-à-dire « avec nous », avec moi, avec vous, avec notre petite Église. Cela ne nous empêche pas de marcher, mais devrait nous empêcher de rester assis voire par terre. Dieu conduit son peuple vers une « terre promise », et il nous a ouvert la route en passant devant, en prenant sur lui ce qui se mettait en travers : la mer, le péché, la mort. L’Église est un peuple en marche, les chrétiens sont des témoins, et on ne témoigne bien d’une marche qu’en marchant avec. Vous savez pourquoi les chiffrages de la police et des syndicats ne concordent jamais lors d’une manifestation ? C’est qu’ils ne marchent pas dans la manif, ils comptent ; ça ne peut pas le faire ! Ceux qui marchent ne peuvent certes pas dire le nombre – on ne dénombre pas le peuple de Dieu ! – mais ils marchent…
Voilà notre rôle. Pas compter combien nous sommes. Pas non plus regarder passer le cortège, parce qu’alors il sera trop tard pour se lever : ceux qui courent après ne sont pas des retardataires, mais ce sont les troupes de Pharaon, vouées à se noyer là où le peuple de Dieu aura passé à sec. « Marcher jour et nuit », dit notre texte. Marcher par tous les temps, sans se demander si c’est possible ou non, si on aura la force ou non. Car c’est Dieu qui ouvre la route ; nos états d’âme ne peuvent que nous perturber, nous ralentir. Il faut avancer, sans rien craindre de quelconques ennemis, intérieurs ou extérieurs. Il faut avancer en confiance. « La marche se prouve en marchant », la confiance aussi, elle se prouve en faisant confiance. Notre marche est une marche non seulement en faisant confiance, mais aussi une marche dans la confiance, et en ce sens elle est témoignage, témoignage de notre foi, témoignage que c’est le Dieu invisible qui nous guide, lui qui s’est rendu visible une fois pour toutes, qui a pris chair en notre humanité.
Je ne sais pas si d’autres en seront convaincus. Mais ce que je sais, c’est que nous, nous avons besoin de faire cette confiance pour aborder une nouvelle année, une année dont nous ignorons la longueur. Peut-être le Seigneur y mettra-t-il un terme dès les premiers jours, ou peut-être s’étirera-t-elle sur 365 jours en attendant la suivante. Qui le sait, qui le dira ? Ce n’est pas notre problème, non plus que ne le sont ceux qui nous regardent depuis le bord du chemin en rigolant. Comme Josué l’avait dit à tout Israël : « moi et ma maison, nous servirons l’Éternel » (Josué 24 / 15). C’est, me semble-t-il, un bon projet pour l’année qui va débuter. Que ce soit le mien, que ce soit le vôtre, que ce soit celui de notre Église. Avec confiance, car il en est un qui marche devant, et qui a vaincu la mort à jamais. « Mettons une ceinture à nos reins » et suivons-le ! Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 31 décembre 2017