Évangile selon Matthieu 25 / 1-13

 

texte :  Évangile selon Matthieu 25 / 1-13  

première lecture :  Apocalypse de Jean 21 / 1-7

chants :  31-19 et 31-24

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« Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre ! » Lorsque ce cri, « la voix du veilleur », retentira, que ce soit dans nos existences particulières ou dans celle du monde entier, que ferons-nous, chers amis ? Certes nous serons réveillés alors, quelque profondeur qu’aura connue notre sommeil… Serons-nous là, tranquilles, réjouis, prêts à sortir à sa rencontre, prêts à entrer avec lui aux noces de l’Agneau et de l’Église ? Ou bien… Ou bien serons-nous en train de courir un peu partout à chercher de quoi éclairer nos lampes ? – Aujourd’hui, on ne dirait plus de l’huile, mais des piles ou des batteries… Mais ça ne change rien à la parabole ! – Car c’est une parabole, c’est une histoire racontée et lancée sur nous pour que nous la recevions en plein visage et que ça nous fasse réagir, aujourd’hui – aujourd’hui parce que vous entendez bien que, ce Jour-là, il sera trop tard… Alors je vais la dire au présent, ce qui certes n’épuise pas la compréhension de ce texte… Je vais le dire au présent : là, maintenant, ce matin, si retentissait l’appel, auriez-vous avec vous des ustensiles en état de marche, ou bien devriez-vous courir en ville pour tâcher d’en trouver ?

 

J’imagine que certains diraient : « j’en ai chez moi ! » Comme d’autres ont une bible à la maison qu’ils n’ont plus ouverte depuis le catéchisme… Oui, chez moi, bien rangé, j’ai de quoi accueillir le Maître. Je ne m’en sers pas tous les jours, mais je sais où c’est, je sais m’en servir. Seulement voilà : ce n’est pas tout à l’heure, c’est maintenant qu’il le faut ! Ceux-là n’auraient pas le temps de repasser par chez eux, s’habiller comme il faut – c’est une autre parabole, mais le sens est le même (Matth. 22 / 11-14) – pas le temps de prendre ce dont ils ont besoin et de revenir, etc. Qu’est-ce que j’ai laissé à la maison, alors que j’en ai besoin lorsque le Maître, l’Époux, arrive ? Ma Bible ? Je crois bien que je n’en aurai pas besoin à ce moment-là, puisque c’est son Auteur en personne qui vient ! La prière ? Oui, parfois, je prie à la maison, mais pas dehors, pas au travail, à peine à l’Église… J’ai bien la lampe – je suis chrétien, après tout ! – mais je n’ai pas l’huile. C’est bête, non ?

 

J’imagine que d’autres n’en auraient pas chez eux, ou habiteraient trop loin : la solution, surtout un dimanche matin dans une société où les supermarchés sont ouverts, c’est d’y aller. Les voilà partis. Deux solutions. La première : ça ne se trouve pas en supermarché ! J’ai beau faire tous les rayons, de haut en bas de chaque gondole, il n’y a pas ce dont j’ai besoin, dans ce supermarché. Oh, il y a plein de choses dont je n’ai pas besoin, par contre, et qui attirent le regard. D’ailleurs, si au passage j’en achetais ? Non, pas le temps, pas le temps, et puis, si c’est vraiment le Maître qui vient, plus besoin de tout ça… Mais, bon, à droite comme à gauche, il n’y a pas d’huile pour ma lampe. Ou alors, dans un autre supermarché, autre solution : il y avait, mais voilà, on fait la queue à la caisse ! Ça ne va pas nous arranger. Une seule caissière pour autant de monde, de qui se moque-t-on ?! La caissière risque de répondre, si jamais on lui fait la remarque, que le magasin était ouvert toute la semaine, et qu’on n’avait qu’à venir avant… N’est-ce pas ce que les vierges sages de l’histoire biblique répondent à leurs collègues ?

 

Alors, j’imagine que d’autres, ou les mêmes, feraient comme dans les jeux à la radio ou à la télé, vous savez : on a le droit de demander au public, ou à un ami à qui l’émission téléphone à ce moment-là… C’est totalement sans garantie ! Vous pouvez toujours courir dans la rue à demander aux gens : si eux n’étaient même pas là à savoir que l’Époux allait arriver un jour, comment voulez-vous qu’ils aient ce dont vous, qui le saviez, vous manquez ? Allez-vous leur demander de prier à votre place ? Oui, ils peuvent le faire – je ne mettrai pas ma main au feu quant à la divinité à qui ils adresseraient cette prière – mais est-ce que ça servirait plus que dans l’histoire ? Ils ont l’huile sans la lampe, vous avez la lampe sans l’huile, mais leur huile et votre lampe ne sont pas compatibles ! Ils ont un logiciel qui ne marche que sous Mac, et vous, vous n’avez que Windows… Et ne pensez pas que vos copines vous passeront de leur huile, elles n’ont que ce qui leur faut à elles… Deux lampes éteintes ne valent pas mieux qu’une, au contraire…

 

Voilà. Si vous avez plus d’imagination que moi, vous trouverez bien d’autres possibilités au cas où l’appel retentirait ce matin ou la nuit prochaine… Peut-être même trouverez-vous celle qui vous correspond à vous, et dont je n’ai pas la moindre idée à votre place. L’huile en question est-elle d’ailleurs la prière, ou autre chose ? La foi ? L’espérance ? L’amour ? Que dirai-je ? Cherchez ce qui vous manque devant Dieu : eh bien c’est ça, c’est justement de ça que vous avez besoin lorsqu’il paraîtra en vous réveillant ! Je ne sais pas si nous sommes des vierges – spirituellement, j’entends ! Mais je sais, grâce à cette histoire, qu’il me manquera peut-être ce dont j’aurai à ce moment-là un besoin vital. Je sais aussi que ce ne sera pas de l’argent, de la considération sociale, de la santé, de l’ascendance, de la descendance, de la jeunesse, de l’expérience – encore que cette dernière puisse aider, dans ce cas-là… Mais tout ce que le monde offre à ceux qui savent le saisir ne servira à rien lorsque l’Époux paraîtra. Se confier dans ces choses, c’est de la folie pure.

 

La parabole de ce matin me rappelle qu’il est tout aussi fou de penser que, demain, j’aurai le temps, lorsque j’aurai fini ce que je suis en train de faire, en train de vivre, lorsque je pourrai m’engager autrement, lorsque j’aurai appris, etc. Parce que, peut-être, la venue du Maître n’aura pas lieu demain, mais aujourd’hui-même, cette nuit, lorsque je n’y penserai pas. Qu’il s’agisse de l’heure de ma mort ou bien, comme l’évangéliste le suggère plutôt, de l’heure de la venue en gloire du Fils de Dieu, en fait cela ne change rien pour moi – pour le monde, oui, mais pas pour moi : « [je ne sais] ni le jour ni l’heure » de toute façon. C’est maintenant qu’il me faut faire le tri dans ma vie, dans mes affaires, dans mes priorités, et permettre au Seigneur de me conformer à ce qu’il attend de moi, de me changer pour que ne me fasse plus défaut ce qui me manque encore pour que mon attente de sa venue porte témoignage de lui.

 

L’apôtre Paul écrivait : « ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour ; mais la plus grande, c’est l’amour. » (1 Cor. 13 / 13) C’est ce que Jésus a vécu pour vous et pour moi, l’amour, selon ce qu’il a dit lui-même : « il n’y a pas pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jean 15 / 13). Serait-donc ça, l’huile, les piles, tout ce que vous voulez, pour les lampes du cortège des noces de l’Agneau ? Je ne pense pas qu’il s’agisse de la foi : les dix vierges l’ont, puisqu’elles sont là (la foi, ça doit être la lampe…). Je ne pense pas qu’il s’agisse de l’espérance : elles en semblent finalement dépourvues, par fatigue d’attendre, puisqu’elles s’endorment toutes les dix. Reste l’amour. Être chrétien sans amour, rappelez-vous encore Paul, c’est du pipeau, c’est « du métal qui résonne » … (1 Cor. 13 / 1-3)

 

Mais je vous l’ai dit, vous pouvez avoir un autre diagnostic sur votre propre vie, qui ne colle pas avec cette interprétation. Peu importe : c’est vous qui savez. Ne dormez pas, posez-vous la question de quelle huile vous manque, et où vous l’avez mise ; et ne vous posez pas la question de quand vous irez la cherchez : faites-le, dès aujourd’hui ! Et quand je dis « vous », je suis tout autant concerné, bien sûr. Ne pensons pas, les uns et les autres, que la porte nous sera ouverte à cause de notre bonne volonté, voire de notre bonne conscience, et encore moins sur notre bonne tête ! Nous avons été placés là où nous sommes pour servir – entendez : pour servir à quelque chose – et c’est Dieu qui nous y a placés. Peu importe la manière concrète dont ça s’est fait. Il est temps, pour chacun de nous, mais aussi pour notre Église, de comprendre quel est ce service que Dieu attend de nous, et non seulement de nous y préparer – ça fait 2 000 ans qu’on s’y prépare ! – mais de le faire. Nous ne sommes pas, nous chrétiens, posés là pour simplement exister, mais pour un témoignage, un service : concrètement, lequel ? À nous de discerner et d’accomplir. Car « voici l’Époux ! Sortez à sa rencontre ! » Amen.

 

Saint-Dié  –  David Mitrani  –  24 novembre 2019

 

 

 

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