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Évangile selon Matthieu 10 / 26b-33
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texte : Évangile selon Matthieu 10 / 26b-33
premières lectures : Deutéronome 6 / 4-9 ; épître aux Romains 3 / 21-28
chants : 36-04 et psaume 68
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Brûlante actualité. Ce texte biblique, celui de Matthieu, n’a pas été choisi par votre serviteur, sinon en tant qu’il est le texte du jour de la liste alsacienne que je tâche de suivre dimanche après dimanche depuis quelque temps. C’est le texte de la prédication du culte de la Réformation, que nous célébrons ce matin. Mais il ne vous aura pas échappé que certaines de ses phrases résonnent étrangement dans l’actualité du moment, tant par rapport à l’épidémie de CoVid-19 que par rapport au terrorisme islamiste. Plaise à Dieu que vous entendiez aussi qu’il résonne positivement, que ce soit sur ces sujets comme sur ce qui est son objet principal : l’annonce de l’Évangile.
En effet, lorsque nous célébrons la Réformation, le début du protestantisme, ce n’est certes pas l’éclatement de la chrétienté occidentale que nous célébrons : ce fut une catastrophe durable, et malgré l’œcuménisme développé au XXe siècle, nous ne sommes pas près de nous en remettre… Nous ne célébrons pas nos « grands ancêtres », ou, pour le dire de manière plus protestante, « nos Pères et nos martyrs », encore qu’il soit légitime de leur rendre hommage, car, c’est vrai, nous sommes les héritiers de leur(s) combat(s), au singulier comme au pluriel. Des combats au pluriel, je ne dirai rien ici, je ne vous fais pas un cours d’histoire. Mais du combat – au singulier – oui, car c’est justement de celui-ci que parle notre texte, et ce devrait être le combat de chaque chrétien, de chaque Église, en contexte propre, selon le temps ou le pays…
Car quoi qu’en disent les fanatiques d’une laïcité outrancière qui contredit la loi de 1905, les gens qui ont des convictions religieuses n’ont pas à se taire dans l’espace public, mais seulement, simplement, heureusement, à respecter ceux qui en ont d’autres ou qui n’en ont pas. Pour cela, nous ne sommes, heureusement, plus au XVIe siècle, où chaque groupe pourtant chrétien n’hésitait pas à massacrer les autres. Mais, bien sûr, oser cette parole expose à des risques parfois mortels – pas encore en France, quoique déjà on y a tué un prêtre et on y abîme des croix ou des églises ; et ce n’est pas parce que nos temples ici n’en ont pas encore subi les agressions que nous devons penser que ces risques ne nous concernent pas. Même si, bien sûr, nous sommes loin d’être persécutés à la manière dont le sont nos frères et sœurs dans les pays musulmans, hindouistes, bouddhistes ou communistes…
Qu’en est-il alors de cette parole et de cette prise de parole ? Le début de notre texte nous met en garde contre le risque sectaire, ésotérique… qui ne nous concerne guère, aujourd’hui. Nous ne pensons pas que le contenu du texte biblique doive rester secret, réservé seulement à une élite. Au contraire, la Réforme s’est faite grâce à la diffusion de la Bible, et elle a promu cette diffusion à tous et toutes, apprenant à lire aux hommes, femmes et enfants afin que cette parole leur soit proche et directement accessible ! Mais un autre risque nous est bien plus familier, qui aboutirait à la même déviation : garder ce que nous avons entendu pour nous-mêmes, croire que la parole de Jésus-Christ a comme destination exclusive notre propre piété, notre propre bien-être spirituel, notre propre morale, etc. Du coup, n’est-ce pas, les protestants se taisent… Et même dans les médias, on ne les entend guère que pour redire la vulgate humaniste telle que la pensée unique de notre temps l’accepte et la promeut. À quoi cela sert-il ? En quoi, en cela, servons-nous le Christ ?
Car rappelez-vous ce verset de notre texte : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour, et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits. » Il ne s’agit pas d’aller prier en public, le même évangile de Matthieu nous met en garde contre l’exhibitionnisme religieux, qu’il reprochait aux Pharisiens (Matth. 6 / 5). Mais ce que Jésus demande – nous demande – c’est de ne pas taire son Évangile, d’en être au contraire les porte-voix, d’oser témoigner qu’en lui est la vie éternelle pour nous autres qui avons confiance en lui, vie éternelle qui est proposée à tous ceux qui entendent cette bonne nouvelle. Encore faut-il la leur faire entendre, avec leurs mots, leurs gestes, dans leurs oreilles à eux. « Nous comptons que l’être humain est justifié par la foi », écrivait l’apôtre Paul. Car par leurs œuvres tous sont des injustes, des pécheurs, y compris vous et moi. C’est du pardon de Dieu que nous pouvons alors être témoins : c’est ça, l’Évangile.
Ainsi tous ont droit à ce témoignage évangélique : hommes et femmes, jeunes et vieux, homo- et hétérosexuels, musulmans et athées, riches et pauvres, sédentaires et gens du voyage et de la rue, etc. Vos parents et conjoints, enfants et petits-enfants, nos neveux et nièces, filleuls et autres. Mais aussi les gens avec qui notre vie sociale nous met en contact, tant que celle-ci n’est pas éteinte. C’était déjà ce que demandait et enseignait le Shema’ Israël que nous avons entendu en première lecture. Après tout, si nous sommes susceptibles de leur transmettre le coronavirus sans nous en rendre compte, nous pouvons bien leur transmettre ce qui nous fait vivre en en étant conscients et volontaires, quoiqu’avec respect et bienveillance, acceptant de recevoir d’eux réponses et résistances, questions et indifférence… Être témoin de l’Évangile, c’est accepter d’être ouvert à l’autre, puisqu’on lui demande d’être ouvert à notre témoignage, ce qu’il est bien sûr libre de refuser. Sinon nous ne serions rien d’autre que les islamistes assassins qui empoisonnent notre pays et notre monde !
Mais d’une part, lorsque nous témoignons, lorsque nous témoignerons, nous ne serons pas comme eux, car notre Évangile n’est pas leur religion frelatée. Et d’autre part nous ne les craindrons pas, car ils en seraient trop contents ! Leur but est que nous ayons peur et que nous nous taisions. Ne leur faisons pas ce plaisir. À leurs attaques il y a des réponses policières et pénales à apporter, et il faut y encourager nos dirigeants. Il y a des réponses humanistes, laïques, qui concernent le « vivre ensemble », comme on dit aujourd’hui. Mais il y a aussi des réponses chrétiennes, qui consistent justement à ne pas nous taire, à ne pas prêcher la haine, mais à toujours nous recentrer sur Jésus-Christ pour parler de lui, de ce qu’il a fait, de son amour qui l’a amené à donner sa vie pour nous, à mourir pour que nous vivions heureux et en communion avec Dieu ici-bas et pour toujours. Il faut donc bien que nous cessions d’avoir peur, ou d’être indifférents, de rester entre nous, de ne parler qu’à nos amis, aux gens qui nous ressemblent…
D’autant que si quelque chose peut contribuer à changer les relations entre les gens, à améliorer un tant soit peu notre monde, l’expérience prouve que ce ne sont pas les combats idéologiques ou militaires, ce n’est pas d’être au pouvoir ou dans les médias, mais c’est bien le témoignage quotidien, l’amour désintéressé dont a vécu Jésus-Christ et que nous sommes habilités à vivre nous aussi à sa suite. Il ne s’agit pas là d’une œuvre salutaire, mais bien d’une liberté et d’un témoignage. La foi chrétienne rend libre d’aimer. Votre pasteur aurait beau faire dans cette chaire des prédications sensationnelles – ce dont il sait bien que ce n’est pas le cas – et enregistrer des méditations limpides et éclairantes grâce à sa grande maîtrise de l’internet – bon, vous pouvez rigoler ! – évidemment cela ne ferait rien avancer pour l’Évangile, si nous tous, chacun de nous, chrétien, ne vivait pas un peu de l’Évangile non pas entre nos murs, mais dans la vraie vie, dehors, avec et pour les autres. Car si Dieu est dans ce temple ou dans nos maisons, ce n’est pas pour nous y garder, mais pour nous en faire sortir !
L’enjeu est important. Et plus le monde est injuste, plus les gens ont peur ou ont mal, plus il y a de méchants qui osent frapper, plus le témoignage chrétien est nécessaire, sans prendre aucune des armes de l’adversaire. Tout comme nous ne demandons pas à l’État d’être chrétien, mais d’être efficace, lui ne nous demande pas d’être policiers ou magistrats, mais c’est à nous de nous armer d’armes spirituelles, comme Paul l’écrivait dans plusieurs de ses épîtres. Comme aux Éphésiens, par exemple : « Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable. Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d’ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes. C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour et tenir ferme après avoir tout surmonté. Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussures à vos pieds les bonnes dispositions que donne l’Évangile de paix ; prenez, en toutes circonstances, le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Malin ; prenez aussi le casque du salut et l’épée de l’Esprit, qui est la Parole de Dieu. Priez en tout temps par l’Esprit, avec toutes sortes de prières et de supplications. » (Éph. 6 / 11-18a) Ou encore aux Thessaloniciens : « Nous qui sommes du Jour, soyons sobres : revêtons la cuirasse de la foi et de l’amour, ainsi que le casque de l’espérance du salut. » (1 Thess. 5 / 8)
Chacun son travail, comme je l’ai dit mercredi à ceux d’entre vous qui recevez ma méditation hebdomadaire. Chacun ses armes. Mais la tranquillité, le silence, l’indifférence, le repli sur soi, ne sont pas les armes adéquates pour les chrétiens ni pour l’Église. Nous ne sommes pas un parti politique, ni une armée, ni une secte. Nous sommes un peuple de gens aimés et pardonnés, dont les armes sont l’amour et le pardon : non pas les nôtres, nous en serions incapables, mais ceux de Dieu en Jésus-Christ. « Soyez donc sans crainte : vous valez plus que beaucoup de moineaux », nous dit Jésus, dont le Père s’occupe aussi des moineaux, comme il s’occupe de tout ce qui vit et de tout ce que les humains, coupés de lui, ont pu abîmer. Oui, soyons sans crainte, même humainement, car nous ne sommes pas encore en situation de persécution active, comme je vous le rappelais au début. Nous ne risquons pas encore de mourir pour le Nom de Jésus, dans notre pays.
Notre « martyre », notre témoignage, n’est guère risqué : profitons-en, tout en respectant les lois bien sûr. Non pas que la République serait au-dessus de notre Dieu ! Mais à cause de lui nous nous soumettons à ceux qui ont reçu de lui leur autorité, quand bien même nous pouvons contester l’exercice concret de celle-ci (Rom. 13 / 1-8 ; 1 Pi. 2 / 13-17). Or les lois ne nous empêchent pas d’être chrétiens, c’est-à-dire de témoigner à autrui de l’Évangile dont nous vivons. Il n’y a donc pas à hésiter, et bien souvent vous le faites déjà, vous y allez, vous témoignez de Jésus-Christ. Soyez donc confortés dans cette mission, ne vous lassez pas, ne vous découragez pas, n’abandonnez pas ! Le Christ ne vous a pas abandonnés, il vous a donné sa paix et sa vie pour que vous en profitiez, pour que vous en profitiez pour les distribuer autour de vous en son nom. Personne ne nous fera abandonner le Christ, ni le diable ni les virus ni les démons humains ou autres. Dieu aura le dernier mot, comme il a eu le premier. Et si nous lui faisons confiance, nous participerons à cette victoire. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 25 octobre 2020