Évangile selon Luc 24 / 50-53

 

Luc 24. 50-53

“Séparation n’est pas abandon”

Journée consistoriale du Brabant 2019

(Lecture suppl. : Ephésiens 4. 4-10)

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Abandonnés et… joyeux !

Peut-être l’avez-vous déjà ressenti… Quand on arrive à la fin d’un livre qui nous a plu, qui nous a fait vibrer, on a de la peine à le lâcher. On a même l’impression que c’est le livre qui nous lâche. il me semble qu’il en va de même avec la lecture d’un Évangile. Quand on lit comme ce matin les derniers versets d’une histoire forte qui nous a portés pendant plus d’une vingtaine de chapitre, on se sent un peu lâchés, car c’est la fin d’une belle histoire. Nous nous retrouvons soudainement dans ce monde qui est le nôtre, dans notre vie de tous les jours, d’autant plus que l’Evangile se ce matin se termine par le départ, l’Ascension de Jésus. Et on a le droit de se dire : Comment se fait-il que les disciples de Jésus, après que Jésus les ait quittés, aient ressenti une telle joie en revenant à Jérusalem  ? ils auraient pu se sentir abandonnés, car Jésus est devenu invisible pour eux, comme il l’est aujourd’hui pour nous. Mais au contraire, ils étaient continuellement dans le temple et bénissaient Dieu. 

 

De la vue au regard

Leur joie pourtant, s’explique assez bien : Pour eux, qui ont vu le Seigneur les quitter, se séparer d’eux, ce départ du Christ n’est pas un point final, mais le début d’une aventure nouvelle, certes en l’absence de celui qu’ils ont suivi depuis trois ans, mais avec un nouveau regard sur lui et sur le monde. Je dis un nouveau regard car il nous faut faire la différence ici entre la vue et le regard. La vue, c’est ce qui leur a permis d’observer Jésus dans ses faits et gestes quand il était avec eux. Mais le regard va plus loin que la vue. Le regard c’est lorsque nos yeux sont reliés à notre intelligence, à notre coeur, à notre sensibilité, à notre foi. Quand Jésus quitte ses disciples le jour que l’on appelle le jour de l’ascension, il devient invisible pour les yeux, mais cela nous permet de porter sur lui un autre regard : un regard qui discerne que l’histoire avec Jésus n’est pas finie même si lui, on ne le voit plus. Un regard qui ne voit plus les choses dans leur superficie seulement, mais en profondeur. Un regard qui espère que l’aventure vécue avec Jésus va se poursuivre autrement. Un regard confiant, qui a l’assurance que Dieu n’a pas commencé une grande histoire pour l’interrompre brusquement.

 

Séparation n’est pas abandon

Oui, c’est là le motif de la grande joie des disciples : Avec le départ de Jésus, avec son absence physique, l’histoire continue, elle continue autrement, mais elle a un avenir. Jésus se sépare d’eux, mais il ne les abandonne pas. L’absence corporelle de Jésus va changer la donne, mais il sera présent autrement. Ce n’est plus leurs yeux qui vont leur permettre de suivre leur Seigneur, mais c’est le regard de la foi, de la confiance, de l’abandon de leur vie à Dieu qui va faire d’eux des disciples joyeux qui bénissent Dieu de tout leur cœur. 

 

Le Christ nous représente auprès de Dieu

La montée de Jésus au ciel reste un mystère, mais c’est un mystère qui est au moins accessible avec les yeux du cœur, c’est à dire avec le regard de celui qui espère en Dieu, et qui comprend que monter au ciel signifie rejoindre Dieu dans sa transcendance. Désormais, et c’est pourquoi les disciples se réjouissent, le ciel est lié à la terre. Indissolublement. Et là il y a un mystère sur lequel j’aimerais insister : à savoir que c’est le Christ devenu homme qui rejoint son père le jour dit de l’ascension. C’est Jésus dans son humanité complète et accomplie qui se trouve maintenant auprès de Dieu. Il est même, auprès de son père, le représentant de notre humanité. Il est le trait d’union éternel entre le ciel et la terre. Désormais le monde de Dieu et le monde des hommes se sont rejoints. Le monde de “la-haut” n’est plus pour nous quelque chose d’étranger, car Christ là-haut nous représente auprès de Dieu. Celui que nous chantons à Noël, celui que nous suivons sur les chemins de la Galilée et de la Judée, celui qui est mort et ressuscité pour nous, celui qui a pris notre nature, et que nous appelons à juste titre notre frère, c’est celui là qui est là-haut et qui siège maintenant à la droite de Dieu. Il n’y aurait pour notre terre aucune certitude, aucune espérance si ce lien indissoluble n’existait pas. 

 

Jésus, ton frère, siège à la droite du Père

Et là j’aimerais citer Helmut Gollwitzer, un théologien protestant connu entre autres pour son commentaire sur l’Évangile selon Luc, qui dit ceci au sujet de Jésus monté vers Dieu : “Ce n’est pas seulement avec la terre en général que ce lien de Jésus est établi : c’est avec toi et avec moi, c’est avec toute ta vie terrestre. Lorsqu’ensuite tu entends dans l’Écriture une parole de jugement, lorsque tu es angoissé par ton péché, et par la perdition vers laquelle tu t’achemines, alors sache-le : Celui qui là-haut siège à la droite du Père, c’est ton frère, celui qui connaît ta vie par le dedans, celui qui s’est lié avec elle… Le Seigneur est ton frère !” dit le théologien, bien inspiré il me semble.

 

L’Église, bénie par Jésus… 

Encore un mot pour souligner le dernier geste de Jésus avant de quitter ses disciples : il lève les mains et bénit ses disciples. Oui, c’est en les bénissant qu’il se sépare d’eux. Lorsqu’une personne se sépare de nous, nous gardons en mémoire son dernier geste, sa dernière expression. Telle est la dernière chose que l’Église voit de son Seigneur : il la bénit. Et ce geste de bénédiction, pendant lequel Jésus se sépare de ses disciples, ce geste ne s’interrompt pas, il dure jusque dans l’éternité. Oui, aujourd’hui encore Jésus nous bénit, c’est à dire : il nous donne la force d’avancer, il nous relève quand nous sommes tombés, il renforce notre fraternité, il nous rassemble comme aujourd’hui pour louer Dieu et nous encourager les uns les autres. 

 

en vue de louer Dieu

“Le monde craint ses propres dieux, dit encore Gollwitzer, il leur offre des sacrifices, il se méfie d’eux, mais il ne chante pas leur louange”. Par contre, c’est moi qui ajoute, L’Évangile selon Luc débute avec la louange de Zacharie, de Marie, des bergers, et d’autres encore, et ce même Évangile conclut avec la louange de l’Église naissante, qui a vocation à se poursuivre de sorte qu’à la fin de notre vie, nous verrons avec une parfaite clarté pourquoi nous avons été créés : pour louer Dieu… ad vitam aeternam, Amen.

 

Vieille ferme du Brabant (Ascension)  –  Pierre-André Schaechtelin  –  30 mai 2019

 

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