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Évangile selon Luc 23 / 35-43
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Culte synodal à Saint-Dié
20 novembre 2016
Prédication pour le dimanche du Christ-Roi
2 Samuel 5/1-3 Colossiens 1/12-20 Luc 23/35-43
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Le peuple est là et il regarde. Il voit les soldats clouer Jésus sur une croix ainsi que deux malfaiteurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Entouré par ces malfaiteurs, comment dès lors ne pas voir en Jésus un vrai criminel ? On se dit qu’après tout, ces trois-là méritent le châtiment suprême. Avec une telle mise en scène, n’est-on pas en face d’une propagande efficace de la part des autorités pour criminaliser un peu plus la personne de Jésus ?
Le peuple est là et il regarde. Il voit les chefs des juifs se moquer d’un des criminels: Il en a sauvé d’autres ; qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, celui qui a été choisi ! Que va faire Jésus ? Va-t-il descendre de sa croix et crier victoire au nez et à la barbe des autorités religieuses et militaires ? Voilà un acte médiatique qui ferait le tour de Jérusalem et même de toute la Judée ! Ces moqueries ont bien pour but d’obliger Jésus à répondre à ce qui s’apparente à de fortes contradictions chez lui. S’il est vraiment le Christ, qu’il se sauve lui-même !
Le peuple est là et il regarde. Il voit les soldats se moquer toujours du même malfaiteur, celui qui est au centre et qui a au-dessus de sa tête un écriteau sur lequel est écrit Roi des Juifs. Ils lui présentent du vinaigre et crient: Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! S’il est le Christ, le Messie de Dieu, choisi par Dieu, s’il est le roi des juifs, alors, c’est sûr il va se sauver lui-même.
Que pense le peuple qui regarde et qui a déjà vu beaucoup de messies, de prophètes et gourous de toutes sorte promettre monts et merveilles ? Pense-t-il comme le dira l’adage populaire plus tard au XIX° siècle «plus ça change, plus c’est pareil ?»
Jusqu’à la fin de son ministère, Jésus aura connu la tentation. Tentation de la faim, tentation du pouvoir, tentation de l’hyperpuissance. Jusque sur la croix, le malfaiteur à côté de lui se moque de lui et le tente: N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et sauve-nous !
Au fond, pourquoi Jésus n’aurait-il pas essayer de transformer des pierres en pain quand il a eu faim, de se prosterner devant le diable pour avoir un vrai pouvoir politique, et même de se jeter du haut du temple pour voir si Dieu viendrait à son secours ? Quand il est au bout du bout, souffrant sur la croix, moqué par tous, une question le taraude peut-être : il a toujours refusé de se plier aux exigences qui le mènerait à avoir un vrai pouvoir. Mais à la fin de sa vie, sur la croix, pourquoi n’essaierait-il pas de se sauver lui-même juste pour être sûr qu’il est bien le Christ de Dieu, le Messie ? Il serait sûr de ne pas avoir prêché en vain.
Le peuple est là et il regarde. Il voit ou plutôt il entend l’autre criminel s’adresser à Jésus: Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume. Dans cette mise en scène des trois crucifixions destinée à dire au peuple que Jésus est un malfaiteur comme les autres, à travers ces moqueries profondément blessantes destinées à prouver que Jésus n’est pas le roi qu’il prétend être, une parole totalement inattendue se fait entendre. Elle vient d’un criminel, à bout de souffle sur sa croix. Il confesse Jésus comme le Messie. Et tout aussi inattendue, la réponse de Jésus : Amen, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis c’est-à-dire cet endroit où l’on croit que les morts attendent la résurrection.
Le peuple est là et il regarde. Comme le dit l’exégète Helmut Gollwitzer C’est ainsi que depuis ce jour se tient l’humanité tout entière autour de cette mise à mort inoubliable. Et elle regarde, railleuse, indifférente, méprisante, parfois apitoyée ou haussant les épaules, peut-être aussi inquiète de ce qui s’est passé.
Quel est le sens de ce texte pour des lecteurs et lectrices de cette époque ? Pourquoi l’évangéliste Luc rédige-t-il ce passage où l’on voit le roi des juifs dans une position si pitoyable ? Que voulait-il dire à ses lecteurs ? Il veut répondre à la grave question que se pose les proches de Jésus: ce crucifié peut-il être valablement proclamé Christ ou Roi ? Peuton confesser un Christ crucifié ? N’y a-t-il pas contradiction dans les termes ? La réponse de Luc est simple: s’il est le Roi, c’est en renonçant à se sauver lui-même et c’est ainsi qu’il vaincra l’Adversaire.
Pour les lecteurs d’autrefois et ceux d’aujourd’hui Luc témoigne que le Dieu de Jésus, le Christ, n’est pas un démiurge, qu’il refuse d’employer toute propagande et toute manipulation destinée à imprimer sa parole libératrice dans l’esprit de chacun sans qu’il s’en rende compte. Vraiment, la royauté du Christ n’est pas de ce monde.
Toi, qui es venu ce matin pour écouter la Parole de Dieu, tu regardes. Tu regardes la TV, tu participes aux réseaux sociaux, tu vois beaucoup d’esprit de propagande et de démagogie dans la société médiatique actuelle. Elle touche le domaine commercial, le religieux et le politique. Tu vois comment, grâce aux images, il est fait appel à ton émotion et comment ces images sont capables de faire naître en toi de la haine pour l’étranger, pour l’islam du fait des djihadistes, pour ceux qui détruisent la planète sans vergogne. Tu as envie de suivre ceux qui tiennent des propos radicaux pour sortir ce monde de ses contradictions même s’il faut pour cela rejeter tout une série de personnes et les exclure de ton pays! Tu sens naître en toi de la violence ! Et tu te demandes : suis-je manipulé ? Par qui ? Tu ressens peut-être du désespoir.
Tu es là et tu regardes la mise à mort de Jésus! Mais de quel côté es-tu ? Es-tu du côté du peuple qui attend pour voir ? Ou du premier malfaiteur qui se moque de la royauté de Jésus ? Ou bien, touché par cette grâce mystérieuse et forte, tu es comme l’autre criminel. Tu confesses Jésus comme le seul Christ, le seul Messie de Dieu. Si tel est le cas, tu ressens alors une immense libération intérieure, tu te sens libéré du poids de devoir changer de monde, de vouloir sauver le monde à tout prix. Tu te sens capable d’avoir du recul par rapport à tes émotions premières, tu chercheras à comprendre ce qui se passe. Et tu confesses que la mort de Jésus change tout une fois pour toutes.
Tu seras surpris de tenir des propos radicaux: seul le Christ est sauveur. Seule la grâce de Dieu donne un prix inestimable à chaque personne. Seule la confiance que Dieu accorde à chacun peut susciter une réponse libre, positive et confiante de sa part et lui permettre d’entrer dans une relation personnelle avec Dieu. Seules les Écritures saintes font autorité.
Tes actions seront également radicales. Tu verras le réfugié sous un autre angle, comme ton prochain. Il fuit la guerre comme autrefois des protestants durant la révocation de l’Édit de Nantes ont fui la France intolérante pour rejoindre les pays du Refuge, d’où vient le mot réfugié. Tu témoigneras que Christ est Roi mais pas à la façon humaine. Sa royauté s’exprime par sa capacité à venir dans la partie la plus sombre de ton être intérieur pour l’illuminer de son espérance et de son amour.
À l’ombre de la croix, et dans la lumière du Ressuscité, le Christ te confie à son tour la mission que le Père lui a confié. Il te la confie aujourd’hui. Il connaît très bien tes doutes et tes faiblesses, tes ombres et tes lumières. Il te fait absolument confiance pour annoncer en paroles et en actes la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Le monde a soif d’entendre une parole d’espérance, aujourd’hui. Va en paix et en confiance ! Amen!
pasteur Joël Dautheville