Évangile selon Luc 18 / 9-14

 

texte :  Évangile selon Luc 18 / 9-14

premières lectures :  Deuxième livre de Samuel 12 / 1-10. 13-15 ; épître aux Éphésiens 2 / 4-10

chants :  43-10 et 12-18

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Chers frères et sœurs en Christ,

Voilà un texte qui peut sembler bien injuste ! Franchement ce pharisien me  »fend le cœur  » comme le dit César dans le film Marius adapté de l’œuvre de Pagnol !

‘O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, malfaisants, adultères, ou encore comme ce collecteur d’impôts. Je jeûne deux fois par semaine, je paie la dîme sur tout ce que je me procure’

Il me fait vraiment de la peine ce pharisien : il vient prier, soigne sa relation avec Dieu donc (on peut même penser qu’il vient régulièrement au temple et qu’il est assidu (il jeûne nous dit le texte). De plus le texte ne nous dit pas qu’il prie ostensiblement, pour que tout le monde le voie (comme dans certains autres passages bibliques où Jésus met en évidence l’hypocrisie des croyants), il est juste là debout, comme tous ceux qui viennent prier, pas plus, pas moins !

Et en plus c’est un type bien non ? : Il n’est pas voleur, il n’est pas allé voir ailleurs dans son couple, il ne fait de mal à personne, il soutient avec une vraie fidélité son Église puisqu’il donne la dîme (ce qui représente beaucoup ! C’est comme si vous donniez 10% de votre salaire chaque mois, c’est donc un engagement véritable !) et voilà qu’à la fin il repartira bredouille nous dit le texte, sans être assuré de l’amour de Dieu !…

Est-ce que cette parabole serait en train de nous inciter à devenir cupide, comme ce collecteur d’impôt opportuniste dans ces relations du moment où ça lui rapporte ? Est-ce que le texte serait en train de nous dire que ce n’est pas si grave d’amasser sans partager, de voler du moment que l’on ne se fait pas prendre, que ce n’est pas si grave de trahir et qu’il suffit de venir un peu au temple en se disant qu’ainsi, tout sera pardonné ? Ne vaut-il pas mieux alors devenir tous des bandits en nous repentant ne serait-ce qu’un peu, nous pourrions être aimés par Dieu ?

Et des paroissiens fidèles, priants, actifs et qui soutiennent la paroisse et l’Église avec autant de conviction, est-ce que ce n’est pas ce que chaque pasteur espère, ce dont chaque communauté, consistoire, secteur a besoin ? L’Église a besoin de ces ‘piliers’ sur qui nous pouvons compter qui donnent de leur temps, de leur personne, de leur argent !

Oui ce pharisien me fend le cœur ! Et vous serez d’accord avec moi.

Jésus y va fort !

Alors qu’est ce qui fait qu’un voleur aurait plus de droit à être reconnu par Dieu qu’un croyant qui respecte ce que le Père lui demande ?…

C’est peut-être leur disposition de cœur qui fait toute la différence, l’esprit qui anime leurs pensées et leurs actes.

Le pharisien suit consciencieusement les lois qu’il connaît bien, c’est vrai, il est fidèle à son Dieu et si on lui demandait de porter un masque au Temple, il le porterait volontiers sans se poser de question, et serait fier d’obéir !

Il applique sa vie religieuse comme on suit un règlement, sans y mettre son âme, dans une distance morte avec lui-même et avec les autres, mais efficace !

Cette disposition est signifiée dès le début par l’auteur en jouant avec une ambiguïté :

‘le pharisien debout, priait ainsi en lui-même’

Le texte nous présente un homme qui prie en silence donc pas à haute voix mais l’invocation qu’il prononce n’est pas une prière, parce qu’en fait c’est à lui-même qu’il parle. Le ‘O père’ n’est donc pas le début d’une prière intérieure mais un prétexte pour lancer son monologue.

Il poursuit en rendant grâce à Dieu, mais ce n’est pas un remerciement reconnaissant et sincère adressé par quelqu’un qui prend conscience de tous les dons dont il bénéficie, c’est une auto-congratulation comparative et néfaste qui révèle peut-être plus de crainte que de confiance, qui parle de la peur de cet homme de ne pas être à la hauteur de ce qu’il exige de lui-même et attend des autres. Et à aucun moment, il n’y a d ‘autres émotions plus élevées comme la compassion, la pitié, l’envie d’aider. Juste des actes qui le justifient lui, sans liens qui construit.

Pas de joie, juste la peur de soi et des autres.

Le collecteur d’impôt lui, est en retrait nous dit le texte et n’ose même pas regarder vers le ciel. Il ne se sent sans doute pas légitime d’être là : trop pécheur dans trop de domaines de sa vie.

Mais le voilà qui s’adresse sincèrement et avec humilité à Dieu dans la simplicité d’une seule confession de son péché : ‘O Dieu, prend pitié du pécheur que je suis’.

Tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il y a de mortifère dans sa vie, il le dépose devant son Dieu en quelques mots.

Le pharisien a un niveau d’exigence très grand et il attend des autres qu’ils soient exactement comme lui, qu’ils agissent comme lui le fait. Il exige même que Dieu reconnaisse tout le mérite qui lui revient d’être l’homme qu’il est !. Des exigences, des lois, des injonctions oui, mais pas de souffle, de lien vrai avec l’Esprit de Dieu qui nous appelle à l’amour, à regarder ce qui nous est donné avec reconnaissance en nous rappelant que nous n’y sommes pour rien et que nous recevons gratuitement.

Le collecteur d’impôt n’attend pas grand-chose en fin de compte, il ne vient avec aucune exigence, il espère juste pouvoir dire tout ce qui étouffe sa vie, l’asservit, il espère pouvoir s’accepter lui-même avec tout ce qui n’est pas beau et pouvoir s’approcher un peu de celui qu’il veut être vraiment en fin de compte : pouvoir changer de vie.

C’est donc bien l’esprit de sincérité, de repentance et d’humilité, l’esprit de confiance qui transforme, fait renaître qui touche Jésus et non pas que tout soit en ordre, éteint mais en ordre. Ce ne sont pas nos œuvres qui nous font aimés de Dieu, mais la sincérité et l’humilité dans notre relation avec lui.

Enfin la phrase de Jésus peut faire peur, c’est vrai, elle semble punitive et définitive. C’est un jugement mais un jugement qui ne vient pas de Jésus mais de nous-mêmes tel que le pharisien qui met la barre très haut et qui exige que les autres l’atteignent.

Mais nous pouvons aussi la lire comme :

Un appel à plus de conscience sur nous-mêmes en observant et en repérant tous ses moments où, comme ce pharisien, droit dans ses bottes de la foi, nous sommes remplis par le jugement et l’humiliation envers nous-mêmes et envers l’autre.

Nous pouvons lire la parole de Jésus comme la possibilité de changement qui nous est donnée en remplaçant nos pensées enfermant-es par  des pensées plus lumineuses et plus en lien avec le croyant ou la croyante que nous voulons être qui vit la joie du commandement de Jésus d’aimer Dieu et son prochain comme soi-même.

Et enfin nous pouvons lire les propos de Jésus comme une formidable espérance, car coexistent en nous à la fois la sincérité du pécheur et à la fois le cœur clos du pharisien. Alors pour toutes les fois où nous serons malheureusement ce pharisien, nous savons aussi que nous avons la possibilité de CHOISIR et de retrouver l’amour et la grâce de Dieu en redevenant l’être sincère que nous pouvons être.

Et nous avons toute notre existence pour expérimenter cette vie renouvelée !

César peut terminer sa partie de carte tranquillement, c’est le cœur qui l’emporte !

AMEN

Saint-Dié  –  Patrick Cloysil (d’après Florence Clauss)  –  23 août 2020

 

 

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