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Épître aux Philippiens 4 / 4-7
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texte :
Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous. Que votre douceur soit connue de tous les humains. Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien ; mais, en toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ.
premières lectures : Ésaïe 7 / 10-15 ; Évangile selon Luc 1 / 26-38
chants : 22-08 et 31-24
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prédication :
Chers amis, en quels temps sommes-nous ? Ceux d’entre vous qui ont le sens liturgique le plus aiguisé et qui voient le ruban violet sur la Bible me diront qu’évidemment nous sommes dans le temps de l’Avent ! Mais dehors, dans la vraie vie ? Les plus inquiets, ou les plus mystiques, diront que nous sommes dans les derniers temps. Les plus terre-à-terre parleront simplement du présent. Mais quel est-il ? Est-ce seulement le jour du Mondial de foot cet après-midi ? Est-ce vraiment le même présent pour nous autres qui ne vivons pas trop mal, et pour ceux qui, nés dans notre pays ou ailleurs, n’ont pas de quoi joindre les deux bouts ? Est-ce vraiment le même présent pour nous ici et pour ceux qui vivent au loin, et dont certains connaissent la famine, la maladie, la guerre… ? Qui caractérisera ce présent ? Il y a ceux qui voient déjà un rebond de l’économie, et ceux qui pensent que les choses vont s’aggraver. Ceux qui voient la baisse des hospitalisations pour des bronchiolites, et ceux qui craignent le retour violent de la CoVid. Il y a ceux qui croient en la politique, et ceux qui sont tentés par son rejet. Il y a… Oh oui, il y a beaucoup de temps différents. Sommes-nous même tous dans le même, ne vivons-nous pas dans des univers parallèles, se demanderont les fans de science fiction ?
Mais nous autres, et notre monde avec nous – tel que nous, nous le vivons et le ressentons, à la charnière du temps de l’Avent et du temps de dehors – nous chrétiens, en quel temps sommes-nous : le temps des prophéties, ou bien le temps de l’accomplissement ? Sommes-nous même encore dans le temps ? Oui, évidemment, puisqu’après tout, nous sommes comme tout le monde ! Le roi Achaz de Jérusalem refusait de se poser la question, tétanisé qu’il était par la guerre que Samarie et Damas lui faisaient, sûr de perdre, incapable de se tourner vers Dieu. Ni passé, ni présent, ni avenir : juste la peur de perdre, la peur de mourir… Le temps de la défaite, le temps néantisé, lorsque « l’homme est un loup pour l’homme ». Beaucoup de gens, vous le savez, sont aujourd’hui comme Achaz autrefois, et la parole de Dieu peine à les atteindre : ils ne vivent plus, leur patience elle-même est morte en même temps que leur espérance. Pourquoi donc croyez-vous que les films de vampires ou de zombies connaissent un tel succès ? C’est la seule image dans laquelle beaucoup de jeunes se reconnaissent…
Au contraire, le temps de l’Avent est le temps d’une espérance, c’est le temps des prophéties. Malgré Achaz, Ésaïe prophétise la victoire que ce roi et ce pays pourtant ne méritent pas. Il prophétise l’Emmanuel, « Dieu avec nous ». Mais le temps de l’Avent est aussi le temps de l’accomplissement des prophéties : il est né il y a quelque 2.000 ans, ce Jésus, ce roi en qui « l’Éternel sauve », comme le dit son nom ; cet homme en qui Dieu lui-même s’approche des humains et prend chair d’humanité. Vous avez bien entendu comment Marie est le contraire d’Achaz : elle demande là où lui refusait de demander ; elle accepte là où pour lui la question ne se posait pas, ce pourquoi il n’aura donc pas été lui-même le roi de la victoire… Marie est celle qui non seulement entend la prophétie, mais en accepte l’accomplissement. Elle accepte d’être le présent de ce passé, et d’ouvrir ainsi un futur qui sinon n’aurait pas pu s’ouvrir, ou qui plutôt se serait ouvert un jour de toute façon, mais sans elle.
Achaz vivait un non-temps, le temps de l’inquiétude irrémédiable, comme beaucoup de nos contemporains, et peut-être aussi certains parmi nous. Marie vivait le temps de l’acceptation de la parole de Dieu, le temps de l’accomplissement. Quel temps vivons-nous aujourd’hui ? Avec l’apôtre Paul, je crois bien que nous ne vivons, que nous ne sommes appelés à vivre, ni le temps d’Achaz, ni celui de Marie. Le temps d’Achaz est un temps de défaite, mais une défaite au sein de laquelle Dieu prépare néanmoins une victoire. Et, si le fils royal annoncé sera Emmanuel, le fils du prophète, lui, s’appellera « Shear-Yashouv », « un reste reviendra » … (És. 7 / 3) Le temps de Marie est celui du retour de ce « reste », le temps de ce retournement, de cette conversion du monde à Dieu, ou plutôt de Dieu au monde – puisque le monde, lui, malheureusement, ne change pas… Comme Jean, le Voyant de l’Apocalypse, l’entend dire au Seigneur (Apoc. 21 / 6) : « c’est fait ». Grâce à Dieu et par le moyen de Marie et du Saint-Esprit, oui, cet accomplissement n’est pas à venir, mais il est venu, il est réalisé. Notre Avent n’est donc plus ni un temps d’incertitude, ni un temps d’attente, mais la célébration de ce qui déjà existe, de ce qui déjà s’est produit, dans notre monde – et pas au ciel !
Il y a toujours dans ce monde des Achaz, je vous l’ai dit. Il y a aussi des Marie, des hommes et des femmes de tout âge qui reçoivent la parole de la vie et qui l’acceptent pour eux-mêmes et pour le monde, des gens qui vivent l’accomplissement des promesses. Et si j’espère que nous ne sommes pas trop souvent des Achaz, gagnés par le discours ambiant qui est une non-parole, j’imagine que nous sommes assez souvent des Marie, attendant et espérant avec certitude l’accomplissement de la parole de Dieu à laquelle nous croyons et nous nous accrochons. Mais aujourd’hui nous sommes appelés à un autre temps, nous sommes appelés, si j’ose dire, à vivre le futur au présent ! Et c’est là que l’exhortation de l’apôtre Paul prend tout son sens, elle que parfois nous utilisons à la fin de nos cultes. Nous sommes dans un temps nouveau, chaque jour nouveau, jamais passé, mais adossé au passé de Marie et refusant le non-présent d’Achaz. Ce n’est pas un pur futur, comme si nous étions à côté de nous-mêmes, regardant vers demain pour ne pas voir aujourd’hui, regardant le ciel pour ne pas désespérer de la planète.
Non. Nous sommes là, pleinement là, au cœur de cette humanité dont nous partageons la destinée. C’est là que le Fils de Dieu a choisi de naître. C’est cette solidarité-là qu’il a choisie pour vivre et pour donner sa vie. Mais là, au cœur du présent, nous sommes les témoins du futur, ce futur auquel Marie a dit oui, et qui est notre propre passé, qui nous constitue et désormais nous interdit tout défaitisme et même toute défaite. Elle disait : « Qu’il me soit fait selon ta parole », et nous, nous confessons qu’il nous a été fait selon cette parole. Frères et sœurs, oui, il vous a été fait selon cette parole, par votre baptême, et c’est cette parole vivante, qui a chair et sang d’être humain, qui est Jésus lui-même, c’est cette parole qui vous nourrit chaque fois que vous prenez la cène avec foi. L’ange n’est qu’un messager, le prédicateur n’est qu’un outil. Jésus lui-même s’est pleinement donné à vous et il continue de vous nourrir, de vous enrichir, de vouloir régner sur vous, en vous, par vous. La prophétie d’Ésaïe l’annonçait, lui, Jésus. Mais aussi elle vous annonçait, vous, car il « a fait de nous un royaume, des prêtres pour Dieu son Père » (Apoc. 1 / 6).
Ainsi donc, vous régnez avec le Christ. Pas « vous régnerez » : vous régnez, maintenant. Frères et sœurs, considérez-vous donc vous-mêmes comme Dieu vous voit et non pas comme le diable vous renvoie une fausse image dans vos miroirs : vous êtes pour Dieu rois et reines de votre vie et du monde. Mais les moyens de votre seigneurie ne sont pas ceux du monde, il faut bien vous faire une raison ! L’exhortation de l’apôtre Paul nous sert alors de « miroir du prince » : il nous décrit comment nous régnons, comment s’exerce et doit se manifester notre propre seigneurie : joie permanente, douceur, pas d’inquiétude, confiance en Dieu. Bref, la paix. C’est ce que les Juifs se souhaitent encore aujourd’hui en se saluant, c’est ce que Paul lui-même reprend en début de ses lettres pour saluer ses lecteurs : « shalom », « paix » (Phil. 1 / 2 p.ex.).
Ce qui fonde cette paix, vous l’avez entendu, c’est la confiance, cette confiance qui nous fait nous remettre entièrement à Dieu en lui… confiant – précisément – nos soucis, nos demandes, nos remerciements ! Nous vivons le temps de la confiance. Nous sommes appelés à vivre le temps de la confiance. C’est seulement ainsi que nous pouvons témoigner de la paix que Dieu nous donne. C’est seulement ainsi que nous pouvons bousculer les Achaz et réjouir les Marie. C’est bien ainsi que nous pouvons avoir un témoignage chrétien efficace dans le monde dans lequel nous vivons justement pour ça. Ce monde, je vous l’ai dit, nous en sommes seigneurs et dames, pour le servir en aimant chacun de ceux qu’il nous est donné de croiser : de nombreux autres textes bibliques nous le disent, que vous connaissez bien… Ce pouvoir – à vrai dire un très grand pouvoir – il nous faut l’exercer, pas nous contenter de le posséder et de l’enterrer pour qu’il ne s’échappe pas, comme font parfois les grands de ce monde.
À nous donc, maintenant – dans ce temps qui est celui du monde extérieur, dans la vie quotidienne avec ses bonheurs et ses malheurs, avec ses grandeurs et ses bassesses, avec ses libertés et ses déterminismes – à nous de vivre toutes ces choses dans la joie, une joie qui ne dépend pas de ces choses, bien sûr – comment se réjouir humainement du malheur ? – mais une joie qui vient de Dieu notre Père, une joie qui exprime notre seigneurie, une joie que personne ne pourra jamais nous arracher. Dans « la glorieuse liberté des enfants de Dieu » (Rom. 8 / 21) que nous avons reçue avec notre adoption, nous pouvons révoquer, renvoyer au néant, toutes les inquiétudes qui nous assaillent sans cesse, celles qui concernent le présent ou l’avenir de ce monde, de nos proches, de nous-mêmes, pour la santé, l’économie, la vie sociale ou politique, etc. Le monde, ses puissances politiques ou médiatiques, cherchent sans cesse à nous faire peur : sachez donc que vous en êtes libres, à cause du Christ !
Nous vivons le temps de la confiance. Ce n’est pas qu’un slogan ! Nous vivons chaque jour ce nouvel et original temps de l’Avent : le temps de l’aventure de la confiance, le temps où les choses, les relations, les gens, ne sont plus ce qu’ils paraissent, mais sont désormais pris dans la lumière de Dieu. Cette lumière pour eux est un point d’interrogation, ou bien un futur possible. Pour nous, elle est le présent que nous leur annonçons. Le présent dans les deux sens du mot : l’aujourd’hui et le cadeau. Alors, si c’est votre aujourd’hui à vous, offrez-leur ce cadeau. C’est le temps de l’Avent, c’est bientôt Noël, vous avez encore quelques heures pour choisir le papier du cadeau, pour vous préparer.
Parce que – vous le savez désormais – vous qui êtes un en Christ, vous êtes le moyen du cadeau que Dieu fait aux gens ! Votre confiance, votre vie confiante et joyeuse, voilà le cadeau que vous avez à porter et à apporter aux gens. Votre présent est leur futur. Reçu par eux, il deviendra leur présent à eux aussi, et peut-être le futur d’autres gens, plus loin, que vous ne connaissez pas, selon qu’il est écrit : « Voici : tu appelleras une nation que tu ne connais pas, et une nation qui ne te connaît pas accourra vers toi, à cause de l’Éternel, ton Dieu, du Saint d’Israël, qui te donne ta splendeur. » (És. 55 / 5). Le petit passage de l’épître aux Philippiens qui nous explique comment régner, comment témoigner, comment vivre en chrétiens chaque jour, rien ne vous empêche de le coller sur vos frigos et sur vos portes ! N’est-il pas écrit aussi : « Ces paroles que je te donne aujourd’hui seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants et tu en parleras quand tu seras dans ta maison et quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les attacheras comme un signe sur ta main, et elles seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes. » (Deut. 6 / 6-9) ? Pour les vivre, bien sûr ! Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 18 décembre 2022