Épître aux Hébreux 10 / 35-39

 

texte : (traduction Parole de Vie)

 

Ne perdez pas votre confiance, grâce à elle, vous recevrez une grande récompense. Vous avez besoin de patience pour faire ce que Dieu veut et obtenir ce qu’il promet. En effet, les Livres Saints disent : “Encore un peu de temps, très peu de temps, et celui qui vient sera là, il va venir bientôt.” Dieu dit : “Celui qui croit en moi est juste, et par là, il aura la vie. Mais s’il retourne en arrière, je ne mettrai plus ma joie en lui.” Nous, nous ne faisons pas partie de ceux qui retournent en arrière et qui se perdent. Nous croyons en Dieu, et nous serons sauvés.

 

 

premières lectures :  Lamentations 3 / 21-26. 31-32 ; Évangile selon Jean 11 / 17-27. 38b-45

chants :  25 et 45-10

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prédication :

 

 

« Vous avez besoin de patience pour faire ce que Dieu veut et obtenir ce qu’il promet. » Comment donc ? Il y aurait des choses à faire pour être sauvé ?! La Réforme protestante nous aurait-elle trompés ? Devons-nous vite relire au moins les Dix commandements pour les mettre en pratique, à défaut des 613 commandements des rabbins ? Car même les Dix, bien peu les connaissent encore par cœur – je ne vais pas vérifier, et peut-être ne ferais-je pas mieux que vous… Ah ! oui, nous avons dans la tête le double commandement d’amour (qui n’en fait pas partie) : vous savez, celui que nous ne mettons pas en pratique, puisque nous ne faisons pas passer Dieu avant tout le reste (travail, santé, famille, loisirs, engagements divers, etc.) ni non plus nos prochains… Serais-je donc là ce matin pour vous convaincre que vous êtes pécheurs et vous amener à vous humilier devant Dieu en espérant qu’il vous pardonnera peut-être, si et seulement si vous changez de comportement ?

 

Bon, à part la dernière partie de la phrase, peut-être que oui… comme chaque dimanche, chaque étude biblique, etc. Car oui, nous sommes pécheurs – moi autant que vous. Et nous n’arrivons pas à changer, sauf un petit peu, parfois, par petites touches… car enfin, le Saint-Esprit fait quand même ce qu’il veut ! Mais, non, je ne suis pas là pour vous reprocher de n’être, après tout, pas meilleurs que moi ! Mais plutôt, avec l’auteur de l’épître aux Hébreux, pour vous amener à retrouver le sens de ce verset du prophète Habaquq que l’apôtre Paul a aussi cité (Rom. 1 / 17) : « le juste par la foi vivra », ou, comme je vous l’ai lu dans la traduction Parole de Vie : « celui qui croit en moi est juste, et par là, il aura la vie. » Comment résoudre alors la contradiction apparente ? Il y a des choses à faire, et pourtant la foi suffit.

 

La foi serait-elle alors une œuvre humaine ? Dieu attend-il que je signe une belle confession de foi, théologiquement juste bien sûr ? N’est-ce pas là justement ce que Calvin demandait aux Genevois… qui n’ont jamais accepté, qui ne l’ont jamais fait ?! Cette foi consiste-t-elle à pratiquer les commandements, comme le pensent les Juifs… et parfois certains chrétiens ? Mais si c’est le cas, pourquoi nos Réformateurs, à la suite de l’apôtre Paul, ont-ils opposé la foi et les œuvres comme chemin vers Dieu ? Ou alors la foi est-elle de l’ordre du sentiment, un exercice de piété ? Ma progression vers Dieu serait le produit de la quantité de mes prières et des moments que je consacre à Dieu : il en faudrait de plus en plus ! Ou alors s’agit-il de la qualité de mes prières et de ma piété ? Piètre qualité en vérité, pleine de moi-même, déballage de mes soucis et de mes angoisses… Non, ça ne peut pas être ça…

 

Souvent je vous dis, je vous répète, que la foi est synonyme de confiance, tout comme en français d’autrefois on parlait de « donner sa foi », c’est-à-dire de s’engager avec confiance. Car bien sûr la confiance est un engagement, comme l’amour, sinon, seulement sentiment, elle n’est rien, elle est inconsistante, et dès qu’arrive une épreuve alors on ne fait plus confiance. Je parle en général, et pas seulement dans la relation avec Dieu : c’est bien ainsi que nous fonctionnons tous les jours. La confiance, c’est ce qui résiste aux épreuves et aux voix qui cherchent à la détruire, qui vous disent : « tu ne devrais pas faire confiance à celui-ci… à celle-là… ». La confiance, c’est ce par quoi nous n’écoutons plus l’Accusateur. La confiance est toujours une confiance malgré tout. Il en est ainsi de la relation conjugale, de l’amitié, etc. Il en est de même de la foi en Dieu : nous avons foi en lui bien que nous ne le voyions pas, bien que nous ne soyons jamais sûrs que ce soit lui lorsque nous croyons l’entendre, bien que nous pensions qu’il ne nous écoute peut-être pas, bien que notre raison résiste à la certitude de son existence ou de son amour.

 

Car enfin, la confiance est de l’ordre d’une évidence, d’une certitude. Et donc elle se voit. C’est d’ailleurs pour ça que la voix de l’Accusateur, qui la voit, résonne à nos oreilles. La confiance que nous accordons à tel ou telle ou à Dieu ne peut que se voir dans nos relations – celles en tout cas basées sur cette confiance – et dans notre vie quotidienne. Que l’Accusateur se serve de voix amies ou raisonnables pour tenter de détruire cette confiance est hélas naturel et dans l’ordre des choses : il se sert les voix que nous écoutons ! Le passage de l’épître que nous avons entendu commençait par cette exhortation mieux rendue dans d’autres traductions : « ne perdez pas votre assurance », n’abandonnez pas votre certitude, la certitude du bien-fondé de votre confiance. Dans d’autres textes, on dira de manière plus simple : « tenez bon » ou « tenez ferme » (Éph. 6 / 14 ; Apoc. 2 / 25) ! Lorsque vous faites confiance, n’abandonnez pas cette confiance, même si vous passez pour des ânes, ou même si la persécution est au bout. Vivez ouvertement votre confiance, vivez-la évidemment !

 

Mais revenons à la phrase suivante, celle que je vous soulignais au début de cette prédication : « vous avez besoin de patience pour faire ce que Dieu veut… » Eh bien il s’agit de cette persévérance dans la confiance. Car garder cette confiance n’est pas, après tout, si facile que ça, au fil des jours, des rencontres, des événements… Il faut y grandir ! La vie de foi est ainsi. Ce matin, des enfants découvrent ou reprennent l’école biblique pendant que nous sommes ici. Hier des adolescents – oh ! bien peu nombreux : 2 filles en tout – ont repris le catéchisme. Et vous, vous êtes ici. Et d’autres ne viennent plus à cause du grand âge ou de la santé. Et les questions que se posent les enfants, puis les ados, puis les adultes, sont toujours là lors des derniers jours, et au fil du temps les voix contraires et les événements contraires se sont multipliés : la foi est bien plus facile aux enfants qu’à nous autres… Et beaucoup se sont perdus en chemin, c’est-à-dire ont perdu leur confiance, ont abandonné la foi, tout comme eux ou d’autres ont perdu confiance en eux-mêmes ou dans leurs proches ou dans le monde…

 

Et puis – car c’est le sens du texte biblique – « nous croyons sans avoir vu », comme Jésus nous en proclamait heureux en parlant avec Thomas après la résurrection (Jean 20 / 29). Pourtant nous aimerions bien voir, contempler le Christ vivant, savoir que notre confiance a été bien placée ! « Vous avez besoin de patience », nous dit l’auteur de l’épître. Dieu veut que nous gardions notre foi, notre confiance : lui faire confiance, croire en Jésus, voilà la volonté de Dieu pour nous. Nous ne sommes plus dans les commandements, nous ne sommes pas dans les sentiments, nous sommes dans la confiance. Mais comme je vous l’ai dit, la vie ne rend pas cela facile, et nous risquons de perdre cette évidence. Il faut nous accrocher à elle, à la certitude qu’ « il vient bientôt », qu’ « il ne tardera pas », selon les traductions. D’autres textes de Pierre ou de Paul le soulignent aussi.

 

Or le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Mais c’est toujours le cas dans une relation de confiance. Dans vos couples, le temps de votre conjoint est-il le vôtre ? Ou bien, plutôt, vous attendez-vous à l’autre ? Oui, vous vous attendez à l’autre, et, oui, parfois, c’est lassant. Mais votre confiance fait que vous ne vous lassez pas, que vous tenez bon ! Ainsi fonctionne aussi la foi chrétienne. D’autant que Dieu nous a donné des signes – que ceux qui n’ont pas confiance ne voient pas, mais qui pour nous sont évidents, même si nous ne mettons pas tous les mêmes mots, les mêmes idées, les mêmes visions dessus. Ce sont la prédication et les sacrements, signes pour l’intelligence et pour le corps, message et contemplation, par lesquels le Christ nous dit et nous montre qu’il vient à nous. Car la foi, la confiance, ce n’est pas que nous pouvons nous approcher de Dieu, c’est que c’est lui qui vient. Et ça, clairement, ce n’est pas notre œuvre : on ne convoque pas Dieu !

 

Mais on s’attend à lui : telle est la foi. C’est ce que chantait le De profundis, le psaume 130 : « J’espère en l’Éternel, mon âme espère et je m’attends à sa parole. Mon âme (compte) sur le Seigneur plus que les gardes sur le matin. » (v. 5-6) Cette attente persévérante est la caractéristique de la foi, ce n’est même pas une question de chronologie, mais une attitude de toute la personne, par laquelle nous pouvons saisir la vie que Dieu offre gratuitement et libéralement. On peut donc grandir dans la foi, dans la confiance en cette venue du Christ vivant à nos vies et au monde sans que plus rien ne se mette en travers en nous et autour de nous. Mais hélas on peut aussi y diminuer… C’est ce que craint l’épître, et ce pourquoi elle nous adresse son message, avant de nous citer au chapitre suivant toute une série de témoins de l’histoire biblique qui, eux, ont persévéré dans l’attente.

 

Car si l’on se met à douter, alors on entre dans une spirale descendante, dans un cercle vicieux où chaque voix négative deviendra plus forte que la précédente, chaque regard se perdra dans le néant au lieu de contempler et recevoir les dons de Dieu, ce qui augmentera le doute, etc. Je ne parle pas ici de doute dans la compréhension théologique, de remise en question des explications intellectuelles. Je parle du doute qui mine la confiance : « et si je l’avais mal placée, cette confiance ? et s’il n’y avait rien à attendre ? et s’il n’y avait personne à qui s’attendre ? » Dans le psaume 130, « les gardes s’attendent au matin » pour être relevés de leur garde, pouvoir se reposer en plein jour sans plus craindre aucune attaque. Les éventuelles attaques fomentées hors des murailles ne remettent pas en cause leur garde, au contraire. Ils la justifient. Ils en attendent d’autant plus le jour !

 

Il en est de même dans la foi, celle-ci est une veille active. Car on ne vit pas de la même manière quand on n’attend rien et qu’on ne s’attend à personne, ou quand on attend le jour et qu’on s’attend à la venue du Christ. Prend-on la cène en ne s’attendant à rien ? Alors restons couchés ! Ou alors prenons la cène en nous attendant à Jésus-Christ, dans la joie de la rencontre avec lui qui fait de nous une même famille. Il en est de même dehors. La première lecture, tirée des Lamentations, texte de souffrance, nous disait pourtant : « Le SEIGNEUR est bon pour celui qui met sa confiance en lui, pour celui qui le cherche. C’est une bonne chose d’attendre en silence le secours du SEIGNEUR. » Et ce Seigneur de nous dire par le prophète : « Vous me chercherez et vous me trouverez, car vous me chercherez de tout votre cœur. Je me laisserai trouver par vous. » (Jér. 29 / 13-14a) Pour ne pas perdre cette attente et ne pas rater ce Seigneur, il faut que cette confiance, cette quête dont l’objet est déjà trouvé, se manifeste sans cesse dans la vie de tous les jours, dans nos activités, nos relations, tout ce que nous construisons et même dans nos chutes, nos échecs. Nous avons besoin, tous, et notre communauté aussi, de grandir dans cette évidence sans nous laisser décourager par la vie. Parce qu’ « il vient ». Amen.

 

Saint-Dié  –  David Mitrani  –  24 septembre 2023

 

 

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