- Accueil
- Cultes et prière
- Prédications
- Épître aux Éphésiens 1 / 3-14
Épître aux Éphésiens 1 / 3-14
Partage
texte : Épître aux Éphésiens, 1 / 3-14 (trad. : Parole de Vie)
premières lectures : Ésaïe, 6 / 1-8 ; Évangile selon Jean, 3 / 1-8 ; épître aux Romains, 11 / 33-36
chants : 251 et 261 (Arc-en-ciel)
téléchargez le fichier PDF ici
« Alors chantons la gloire de Dieu ! » Ainsi se termine l’extrait de la lettre de Paul aux Éphésiens que vous venez d’entendre. Cette « gloire de Dieu » qui revient à plusieurs reprises dans le passage m’a renvoyé, lorsque je l’ai vue, à une phrase prononcée par Martin Luther King à Memphis, le 3 avril 1968, la veille de son assassinat : « Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. » (cf. exposition MLK50) Voilà ce que nous sommes invités à retenir ce matin : « le Seigneur vient » (cf. Apoc. 22 / 20), et nous sommes contemporains de cet événement qui manifeste la gloire du Dieu éternel, Père, Fils et Saint-Esprit. Car ce Seigneur qui vient, c’est le Christ, le même Jésus qui est mort il y a 1.990 ans, et sa résurrection fait resplendir la gloire du Père dans notre humanité, ce que le Saint-Esprit nous fait contempler afin que nous en vivions. Alors, bien sûr, le mouvement de tout notre être, sans que plus rien d’autre ne compte, doit être « la louange de sa gloire », selon une autre traduction de la même dernière expression de notre texte.
C’est que, pour bien en cerner le sens, la traduction classique est un peu compliquée, qui parle de rédemption, de prédestination, de mystère, etc. Je ne doute pas que vous retournerez lire ce texte dans votre traduction habituelle et préférée après ce culte. Je vous en ai fait entendre une autre, dans un français plus fondamental, plus simple, avec des phrases plus courtes… Car qui se rappelle que le mot « rédemption » signifie « rachat » et suppose qu’on est racheté de quelque chose ou à quelqu’un ? Qui se rappelle que le mot « prédestination » implique un objectif : on est « choisis d’avance en vue de » quelque chose, et non pas en soi ? Qui se rappelle que le mot « mystère » se traduit en latin « sacrement » et suppose non pas que c’est caché ou compliqué, mais au contraire que c’est révélé, rendu clair ?!
Ce que l’apôtre Paul exprime ici, c’est d’un grand réconfort pour les croyants, donc pour vous et moi comme pour ceux de l’époque qui en avaient autant besoin que nous. C’est que, chers amis, souventefois nous sommes inquiets ! La mort nous inquiète, bien sûr. Mais la vie nous inquiète. Et la foi, au lieu de nous rassurer, nous inquiète aussi lorsque nous avons les yeux ouverts sur le monde, c’est-à-dire sur nous-mêmes et sur ce qui nous entoure : nous ne voyons rien, nous ne voyons rien que péché, impuissance, misère, défaite. Il y a aussi en nous et autour de nous des tas de choses positives, mais dont l’effet est comme voilé ou empêché par ce qui est négatif : tout se passe comme si le monde et nous-mêmes étions sur une pente savonneuse sur laquelle nous dégringolons, plus ou moins vite selon les gens et les circonstances, mais tous dans le même sens. Dans la Bible, l’Ecclésiaste le faisait déjà remarquer à ses lecteurs…
Or ce regard est infirme – c’est ce que dit Paul. Il n’est pas faux, mais il oublie de considérer les choses les plus importantes. C’est comme des astronomes qui considéreraient seulement la matière visible dans l’univers, alors qu’elle ne constitue que 5 % de la matière et de l’énergie totales – mais la matière noire et l’énergie sombre, quoi qu’elles soient, ne se voient pas directement, et pourtant elles se mesurent ! Nous n’avons pas les bonnes lunettes, les bons instruments d’observation et de mesure, lorsque nous considérons la vie et le monde sans les lunettes du Saint-Esprit ! Sur la constitution et la typologie de l’espace-temps, je ne sais pas s’il nous est d’un grand secours… ! Mais sur ce qui compte, à savoir notre identité, nos relations, nos affections, nos espoirs et nos désespoirs, le sens de notre vie et du monde, là, oui, c’est lui qui nous fournit les bons instruments de mesure, la bonne connaissance, l’intelligence de la vraie réalité.
C’est cet Esprit qui nous montre une réalité parfaitement incompréhensible : le Créateur de l’univers, « l’Éternel des armées », « *Adonaï Tsevaôth », ne se préoccupe pas des étoiles, ni des puissances, mais de nous autres, et sa préoccupation porte un nom. Non pas « jugement », « salaire », ni quoi que ce soit de ce genre, mais « amour ». Tout le reste de la partie de la réalité que nous ne voyons pas, mais qui est la plus importante, la plus fondamentale, tout le reste découle de cet amour qu’aucune autre religion ne proclame ni même ne connaît. Et si nous, nous le connaissons, c’est à cause de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ dont le Saint-Esprit nous apprend qu’elles nous concernent, nous. Elles ne concernent pas la physique, pas la philosophie, pas même vraiment l’histoire incapable de comprendre ce que pourtant elle constate. Mais nous. L’Esprit de Dieu nous fait réaliser – comprendre serait un bien grand mot – mais réaliser que nous sommes enfants de Dieu, définis depuis toujours par son amour pour nous.
On n’est pas dans un film dramatique français : « pourquoi moi ? » n’est donc jamais une question judicieuse ! Quand on est aimé, on en profite, on en rayonne, on y répond, on en est transformé, on ne se pose pas la question du pourquoi du comment, ni de pourquoi pas les autres. D’ailleurs, qui suis-je pour dire « pas les autres » ? Qu’est-ce que j’en sais ? Ce que je sais, c’est que, moi, oui. Aimé, et donc choisi. Aimé, et donc choisi non pas en fonction de ce que je suis, ni en fonction de ce que j’ai fait – ce ne serait pas de l’amour, tout juste de la reconnaissance… Alors, aimé « avant la création du monde » ? Oui. C’est une manière juste de dire les choses. Poétique, sans doute, mais juste, vraie. Aimé, choisi, depuis toujours et donc pour toujours. Comme Noé qui « trouva grâce aux yeux de l’Éternel » (Gen. 6 / 8) : oui, c’est le regard de Dieu qui rend juste et qui nous fait « marcher avec [lui] » (Gen. 6 / 9). C’est pour ça, bien sûr, que nous avons besoin du Saint-Esprit. Nous pourrions être aimés de Dieu sans le savoir. Mais alors peut-être le désespoir prendrait-il le dessus, et puis nous ne saurions pas comment « marcher avec Dieu », c’est-à-dire comment suivre Jésus…
L’Esprit nous donne ce regard, cette vision : il nous fait voir l’invisible du sens de notre vie et du monde, et il ne nous le fait pas contempler de dehors, mais du plein milieu. Puisqu’au cœur du monde de Dieu, il y a ses enfants, dont je suis, dont vous êtes ; et dans ce monde de Dieu, dans cette vision de la Création, nous y sommes « saints et sans défaut » … où ça ? « devant ses yeux », bien sûr. Son regard n’est pas subjectif, aveuglé par l’amour. Rappelez-vous : c’est le regard de Dieu ! Si nous voir ainsi n’est pas, au mauvais sens du terme, « une vision de l’esprit », c’est donc que le regard de Dieu nous transforme vraiment, il change ce que nous sommes, il change notre identité. Il nous adopte, comme on considérait l’adoption autrefois avant que l’hyper-individualisme de notre société ne la défigure : adoptés, nous sommes ses enfants depuis toujours ; aucune recherche de nos « vrais parents » n’aurait de sens. Et heureusement. Car comme l’écrit l’apôtre Pierre : « vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre, héritée de vos pères. » (1 Pi. 1 / 18)
L’adoption de vous et moi par Dieu est un acte libre et souverain de sa part : il l’a fait parce qu’il l’a voulu, pas parce que nous le méritions. Et comment l’a-t-il voulu ? Par la mort et la résurrection de son propre Fils. Dieu porte en lui depuis toujours ce Fils qui est Dieu fait homme, un Fils rempli de son Esprit, et c’est en cela qu’il est Père. Et à cause de ce Fils qui a donné sa vie pour nous, le Père nous donne aujourd’hui son Esprit afin que nous vivions en famille et en intimité avec lui. Ce n’est donc pas une formule vaine que de dire que vous êtes « la famille de Dieu », comme Paul le dira quelques versets après notre passage de son épître (Éph. 2 / 19). Dieu nous a « choisis d’avance » ou « prédestinés », dites-le donc comme vous voulez. Il nous a « choisis d’avance » pour être ses enfants. Comme un couple qui s’aime contient déjà ses futurs enfants dans le projet-même de son amour. Toute la Bible montre ce projet, depuis le début jusqu’à la fin, et non pas de manière générale, mais bien pour chacun de nous : le Saint-Esprit nous y fait entendre cette « parole vraie, la Bonne Nouvelle qui vous sauve », comme l’écrit Paul.
Le projet éternel de Dieu à notre égard à chacun se conjugue donc avec la réalité concrète, à un moment donné de notre vie – que ce soit au berceau ou à un âge avancé –, de notre relation avec lui. Tout comme c’est « au temps choisi par lui » que Dieu fait advenir son Fils en humanité afin de « rassembler tout ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre, sous un seul chef, le Christ. » L’an 29 ou 30 de notre ère, vers un 6 avril, Jésus de Nazareth est mort crucifié à Jérusalem. Ce n’est pas dans un livre, ce n’est pas dans un rêve ni dans un cauchemar, ce n’est pas dans un mythe, c’est dans la vraie vie. Dieu réalisait ainsi, dans sa propre souffrance, le projet éternel de salut dont parle toute la Bible. Et dans ce projet éternel, il y est aussi éternellement question de vous et de moi, et du moment et de la manière dont ce salut nous atteint, chacun dans la vraie vie. C’est par la foi que nous en avons conscience et connaissance, et cette foi est l’œuvre du Saint-Esprit en nous, elle est le moyen par lequel ce salut qui est pour nous devient nôtre. Nous y sommes scellés d’un sceau irrévocable, car la mort de Christ ne peut être annulée, non plus que sa résurrection.
Alors, mes frères et sœurs, que notre vie chante donc la louange éternelle du Dieu des cieux ! Notre vie, pas seulement notre bouche et pas seulement le dimanche matin ; mais aussi notre bouche. Le témoignage de ce que nous ne voyons pas nous est donné pour être transmis, après nous avoir rendu heureux pour toujours et quelque épreuve que nous devions rencontrer encore, comme individus ou comme Église. Vous le savez bien : la joie est communicative ! Alors laissez le Saint-Esprit vous remplir de cette joie de vous savoir aimés, sauvés, rachetés, choisis depuis toujours par Dieu en Jésus-Christ. Et lorsque cette joie vous aura remplis – oui, laissez-la vous remplir ! – alors partagez-la, simplement. Comme un enfant, désignez aux autres votre Père en montrant combien vous en êtes fiers et combien vous vous savez à l’abri dans ses bras. Comme un enfant, manifestez d’autant plus votre reconnaissance que vous recevez cet amour et ce sûr abri non comme une récompense mais comme un cadeau. Que tout entiers, fidèles comme Église, nous soyons louange pour Dieu notre Père. Parce que « [nos] yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. » Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 27 mai 2018