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Épître aux Colossiens 1 / 12-23
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texte :
Avec joie rendez grâces au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière. Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps, de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. Car il a plu [à Dieu] de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos œuvres mauvaises, il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche, si vraiment vous demeurez dans la foi, fondés et établis pour ne pas être emportés loin de l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu, et qui a été prêché à toute créature sous le ciel.
premières lectures : Ésaïe 52 / 12 – 53 / 13 ; Évangile selon Jean 19 / 14-30 ; Psaume 22 / 2-9. 12. 16. 19-20
chants : 33-08 et 33-19
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prédication :
« Avec joie ». Ainsi commence l’extrait de cette lettre aux chrétiens de Colosses que je viens de lire. C’est une tonalité étrange pour une célébration de Vendredi saint, pour le rappel que notre salut a dû passer par la mort d’un homme, et qui plus est, du Fils unique de Dieu. Notre célébration est empreinte du souvenir de cette mort réelle et véritable – ce ne fut pas une apparence ! Elle l’est aussi de ce que nous avons constamment sous les yeux lorsque nous nous regardons nous-mêmes, à savoir notre éloignement de Dieu, notre péché, à cause duquel Christ est mort. Alors, quelle joie ?
Eh bien, la joie de ceux pour qui Christ est mort, justement. Nous avons été « délivrés du pouvoir des ténèbres », comme l’écrivait l’Apôtre. Ce n’est pas nous : nous ne nous en sommes pas sortis tout seuls ! Notre péché nous a été pardonné, notre dette envers Dieu remise, et non seulement celle du passé, mais toute autre dette que nous contracterions ensuite – car humainement nous restons ce que nous sommes depuis toujours, notre « vieille nature » n’est pas morte, bien qu’elle soit sans cesse et heureusement bousculée par la nouvelle qui revendique sa propriété. Car nous ne nous appartenons plus, non plus qu’au diable – quoi que ce mot recouvre. Nous appartenons à Christ, il nous a rachetés par sa mort.
Il a ainsi inauguré une nouvelle création : « il est le commencement, le premier-né d’entre les morts. » Mais ce n’est pas une nouvelle création au sens propre, c’est celle que Dieu a toujours voulue, celle dans laquelle les humains sont réconciliés avec lui, dans laquelle il donne la vie en une telle abondance qu’elle peut à bon droit être dite éternelle. Le livre de la Genèse nous montrait, lui, une création dévoyée, abîmée, une humanité fondée dans le mensonge et la lâcheté d’Adam et Ève, puis dans le meurtre d’Abel par Caïn, puis dans l’hybris et la violence de ses descendants qui culmine avant le Déluge. C’est notre quotidien, le quotidien d’un monde où nous sommes trop souvent esclaves de nos passions et des circonstances, qu’elles soient sanitaires, psychologiques, économiques ou internationales ; le quotidien d’un monde où ce sont les petits qui subissent ce qui enrichit les grands – et nous n’y sommes pas pour rien…
Mais la mort victorieuse du Christ nous a libérés de ce monde, dans lequel nous poursuivons désormais une existence nouvelle. Comme Jésus l’avait prié avant sa mort : « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin. Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité. » (Jean 17 / 15-17) Peut-être aurions-nous trouvé qu’il eût mieux valu que Dieu nous prît dès maintenant… ! Paul n’écrivait-il pas : « Pour moi, Christ est ma vie et la mort m’est un gain. Mais est-ce utile pour mon œuvre que je vive dans la chair ? Que dois-je préférer ? Je ne sais. Je suis pressé des deux côtés : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur ; mais à cause de vous, il est plus nécessaire que je demeure dans la chair. » (Phil. 1 / 21-24) Or nous aussi, nous avons ici-bas une mission, celle de témoigner autour de nous qu’en Christ est la vie.
Ou plutôt, comme le dit Paul, que « Christ est ma vie », ici, dans ce monde, tels que nous sommes, avec tout ce qui nous arrive. Il nous faut donc nous laisser pénétrer de cette vérité que nous annonce la Parole de Dieu, qui est que la mort du Christ est une victoire, est LA victoire, est ma victoire et la vôtre. Ma paix, votre paix, avec nous-mêmes, avec les autres et avec Dieu, elle nous est non pas promise mais acquise, elle est le produit de la croix du Christ, le fruit de son sang, si l’on peut dire. Il nous a rendus « saints, sans défaut et sans reproche » devant lui, mais aussi à nos propres yeux. Si donc le diable tente de nous convaincre du contraire – et il le fait sans cesse – nous pouvons à bon droit l’envoyer balader et cesser de l’écouter : n’est-ce pas ce que Dieu a fait à son égard ?
Vendredi saint sera donc jour de joie et d’action de grâces ! Libres seigneurs et dames de nos existences, nous pouvons désormais les vivre dans cette paix et cette joie que donnent la foi et l’espérance que l’Évangile dit vrai. Alors, laissons-nous transformer par sa puissance. Laissons grandir en nous la confiance que la mort de Christ est notre vie et nous a libérés du mal et de la mort. Car telle est cette puissance, que par cette mort unique tout est renouvelé pour ceux qui s’y attachent et qui se laissent porter par elle. Soyez renouvelés… et « avec joie rendez grâces au Père. » Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 7 avril 2023