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Deuxième épître aux Corinthiens 1 / 18-22
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texte : Deuxième épître aux Corinthiens 1 / 18-22
premières lectures : Évangile selon Luc 1 / 26-38 ; Ésaïe 62 / 1-5
chants : 47-07 et 48-05
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Qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien à l’occasion d’une réprimande que l’apôtre Paul a écrit ces lignes : « la parole que nous vous avons adressée n’a pas été oui et non. » Vous lirez les versets qui suivent pour savoir à propos de quoi l’apôtre avait des choses à redire aux chrétiens de Corinthe sur ce qui se passait dans leur Église. Notre texte fait écho dans notre mémoire à cet autre texte d’un autre apôtre : « que votre oui soit oui, et que votre non soit non. » (Jacques 5 / 12) Ou encore à ces paroles de Jésus adressées à l’Église de Laodicée, dans l’Apocalypse : « Je connais tes œuvres : tu n’es ni froid ni bouillant. Si seulement tu étais froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche. » (Apoc. 3 / 15-16) Nous entendrons donc cette exhortation pour nous aussi, bien que dans un tout autre cadre. Mais nous regarderons surtout ce que Paul en profite pour déclarer à ses paroissiens à propos de Dieu, de Jésus, de l’Évangile.
À tous ceux qui prétendent que « la Bible dit tout et n’importe quoi » ou qu’ « on peut faire dire ce qu’on veut à la Bible », le texte de ce matin oppose un démenti total. L’affirmation centrale est que « Dieu est fidèle ». Ce qu’on peut entendre au moins de deux manières : Dieu tient ses promesses, et Dieu ne se contredit pas. En ce temps de Noël qui vient, n’est-ce pas ce que nous confessons ? La venue en humanité du Fils de Dieu est l’accomplissement de tout l’Ancien Testament – qui à cause de cela-même s’appelle « ancien » ! Or cette idée n’a pas emporté l’adhésion, dès la première prédication apostolique : la plupart de ceux qui lisaient ces Écritures n’ont pas considéré que Jésus les avait accomplies, loin de là ! Encore aujourd’hui, outre l’existence du judaïsme rabbinique resté sur ce refus, de nombreuses personnes, chrétiennes ou athées, à la suite de Marcion au second siècle, affirment qu’il est impossible de considérer Jésus, témoin d’un Dieu bon et aimant, comme l’envoyé du Dieu jaloux et tout-puissant de l’Ancien Testament.
Au contraire des rabbins, des gnostiques et des athées, les chrétiens affirment donc, comme Paul et les évangélistes, que c’est bien le Dieu d’Israël qui est venu à nous dans la personne de Jésus-Christ, bien qu’il fût né de manière étonnamment pauvre et qu’il mourût rejeté par son peuple. Pourquoi ? Parce que Dieu est fidèle, et qu’il est unique. Et c’est donc à la lumière de l’accomplissement des promesses en Jésus que nous lisons les anciennes Écritures, et que nous continuons de les lire et de les méditer : elles annoncent bien Jésus, tout comme leurs condamnations sont encore actuelles quand elles portent sur notre propre vie sans Dieu. Parlant d’Israël, elles disent le manque dont souffre notre existence et qui s’appelle péché, et elles disent la promesse de Dieu de combler lui-même ce manque en pardonnant ce péché. C’est tout l’Évangile. Dieu est fidèle, il a accompli sa parole dite à Israël en donnant à Israël et au monde entier son propre Fils, « victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier », écrivait Jean (1 Jean 2 / 2).
Dieu est fidèle, sa parole n’est pas « oui et non », ce n’est pas une casuistique, comme on dirait : « fais ceci – ah oui, mais dans tel cas particulier tu peux ne pas le faire… », afin de s’affranchir finalement de toute obligation, parce qu’alors on trouve toujours la bonne raison de ne pas faire. Jésus lui-même a assez critiqué les Pharisiens pour ça ! (Matth. 15 / 5) Au désert, Dieu avait éprouvé Moïse en parlant ainsi, en lui proposant d’en faire le nouveau peuple à la place des Hébreux récalcitrants, mais Moïse ne s’est pas laissé faire, arguant justement de la fidélité de Dieu à sa propre parole (Nombres 14 / 11-19). Et tout l’Ancien Testament montre bien que, du début à la fin qui est le Nouveau, Dieu a été fidèle à son projet qui est un projet de bénédiction et de bonheur pour tous les humains, à travers la vie et le témoignage de ceux qui le connaissent. Quelle plus grande réalisation cette parole pouvait-elle avoir que de naître et de mourir comme l’un de nous, et de vaincre ainsi notre péché et notre mort en ressuscitant et en nous offrant la vie éternelle que nous ne méritons pas ?!
Ainsi Dieu ne se contredit pas, les seules occasions où il revient sur ce qu’il a dit étant des occasions où il pardonne ce qu’il aurait dû condamner, comme dans l’histoire de Jonas par exemple. Dieu ne se contredit pas, c’est nous qui n’avons pas une lecture claire des Écritures qui témoignent de sa parole pérenne. Si Dieu se contredisait, alors nous serions laissés à notre misère, devant sans cesse devancer ses revirements et acheter son soutien, comme dans les religions païennes, comme dans la pratique ordinaire des sociétés sans Dieu comme la nôtre : aucun projet n’aboutit jamais, sinon ceux des méchants, car l’absence d’une parole d’autorité qui ne change pas selon les temps et les moments entraîne le flottement de nos propres paroles, de nos propres projets. Nous croyons qu’en ceci consiste notre liberté, alors que c’est notre prison ! La liberté d’un enfant consiste à articuler sa propre parole à la parole paternelle, l’autorité de cette parole autorise la liberté de la parole et de l’action filiales. La liberté des croyants tient à l’immutabilité de la parole divine, qui est tout entière en Jésus-Christ.
C’est ce que l’apôtre Paul, dans notre texte de ce matin, appelle « l’amen ». Vous savez le sens premier de ce mot : il évoque la solidité de l’attelage, il signifie que « ça tient bon » et qu’on peut y aller. C’est exactement ce que je viens de vous dire. Si la parole de Dieu tient bon, si elle est solide et ferme, alors nous pouvons avancer, nous pouvons dire « amen », confessant ainsi à la fois cette solidité et que nous nous appuyons sur elle. Ce mot est une formule d’acquiescement : je confesse en le disant que la parole qu’il conclut est vraie : vraie dans l’absolu, et vraie pour moi. Lorsque nous le disons ensemble – comme les Réformés ont peu l’habitude de faire, à la différence de tous les autres chrétiens – alors nous disons que cette parole est solide et vraie pour nous tous ensemble, nous confessons qu’elle constitue l’Église.
Pourquoi ce texte nous est-il proposé aujourd’hui ? Parce qu’il explicite l’acceptation de Marie lors de l’Annonciation : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole. » Ça équivaut à un « amen », c’est la confession que la parole divine – en l’occurrence portée par l’ange, dont c’est le métier – cette parole est suffisamment fiable pour que Marie puisse jouer sa vie là-dessus. C’est précisément ce que Zacharie, père du futur Baptiste, n’a pas dit, à cause de quoi il aura été muet jusqu’à l’accomplissement de la parole qui lui avait été dite (Luc 1 / 18-20). L’acceptation de Marie et le refus de s’engager de Zacharie montrent bien ce dont il s’agit, car il y a peu de différences dans leurs réactions, les deux s’étonnant que la parole dite puisse s’accomplir. Mais Marie dit oui là où Zacharie n’a rien dit, comme pour se ménager une porte de sortie. Or, dans l’accomplissement de sa parole, Dieu, lui, ne s’est pas ménagé de porte de sortie. Il s’est engagé tout entier, et cet engagement total appelle le nôtre.
Mais bien souvent nous tergiversons. Ça me rappelle l’histoire de Saül, le roi. Vous savez, quand Dieu avait voué à l’interdit Amalec, le peuple ennemi d’Israël, mais que le roi Saül avait épargné Agag, son collègue amalécite… (1 Sam. 15) Bonne ou mauvaise raison ? Saül avait acclimaté l’ordre de Dieu à son propre intérêt, ce que tous nous faisons sans cesse. Pas de djihad en Église : Dieu ne nous demande pas d’exterminer qui que ce soit ! Mais ce qu’il nous demande, c’est de laisser le Saint-Esprit guider et changer notre vie, de le laisser nous tourner vers Dieu, de le laisser annoncer l’Évangile de Jésus-Christ de nos bouches et de nos mains… Et nous tergiversons, nous disons à la fois oui et non. Nous pardonnons sans pardonner, nous obéissons en désobéissant, nous marchons en faisant du sur-place, nous annonçons l’Évangile en nous taisant de peur des conséquences ou en arguant de notre incapacité ou de notre faiblesse… Remarquez, Moïse et Jérémie nous y avaient précédé ! Mais Dieu n’avait pas tenu compte de leurs protestations. Tu ne sais pas parler ? (Ex. 4 / 10-12) Tu es trop jeune ? (Jér. 1 / 6-7) Vas-y quand même !
Paul nous renvoie donc la question. Que faisons-nous de la pérennité de la parole de Dieu, de son plein accomplissement en Jésus-Christ ? Pourquoi avons-nous encore peur ? Que faisons-nous des « arrhes de l’Esprit dans nos cœurs » ? Le « oui » de Dieu en Christ pour nous appelle seulement notre « amen », c’est-à-dire de nous laisser emmener et « affermir » en Christ. Dieu ne nous y laisse pas seuls, ce n’est pas comme si nous avions à gagner sa présence et son secours. Ils nous sont acquis : Dieu vient avec nous, il veut juste que nous le laissions faire, comme je vous ai dit. Comme Paul y exhortait les Corinthiens, il faut que nous cessions de vouloir tout et son contraire, Dieu et notre tranquillité, la conversion des gens et ne rien leur dire, grandir dans la foi et surtout ne rien changer à notre existence, etc. Ce n’est pas possible. C’est la même exhortation que déjà le prophète Élie adressait aux Israélites au mont Carmel : « Alors Élie s’approcha de tout le peuple et dit : “Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés ? Si l’Éternel est Dieu, ralliez-vous à lui ; si c’est Baal, ralliez-vous à lui !” Le peuple ne lui répondit rien. » (1 Rois 18 / 21)
Mais nous ne sommes pas appelés à ne rien répondre ! Le « oui » de Dieu appelle notre « amen ». À quoi sert-il sinon de fêter Noël ? Pour la fête, les cadeaux, les enfants, il n’y a pas besoin de motivation religieuse, n’est-ce pas ? Baal suffit… Nous fêtons un Noël chrétien, nous célébrons la venue en humanité du Fils de Dieu, et nous confessons en le célébrant que cela change tout pour nous. Il nous reste juste à le confesser un peu plus en actes et pas seulement en paroles, en chansons et en rite ! Il nous reste juste, finalement, à en être les témoins fidèles, donc crédibles, avec l’aide de Dieu lui-même qui ne change pas : il nous l’a promis ! Amen !
Raon-l’Étape – David Mitrani – 22 décembre 2019