Deutéronome 4 / 1-8

 

texte :  Deutéronome 4 / 1-8

premières lectures :  Évangile selon Marc 7 / 1-23 ; Épître de Jacques 1 / 17-27

chants :  47-04 et 44-11

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« Quelle est la grande nation qui ait des prescriptions et des ordonnances justes, comme toute cette Loi que je vous présente aujourd’hui ? » Chers frères et sœurs, entendez donc que vous êtes, que nous sommes une « grande nation » : non pas notre pays, mais l’Église de Jésus-Christ, le peuple de Dieu, car c’est de lui que parle Moïse dans ce texte ! Mais voilà, en quoi consiste donc notre grandeur ? Elle consiste dans « cette Torah », dit Moïse, « cette Loi », ou plus exactement cet enseignement, qui est pour nous la Bible tout entière, la Parole que Dieu nous adresse à travers elle. Mais cet enseignement, cette Parole entendue par nous, fait-elle loi pour nous ? Et qu’est-ce que ça veut dire, « faire loi » ?

 

Demandons-nous donc, chacun, qu’est-ce qui fait vraiment loi pour nous ? À quoi nous sentons-nous tenus d’obéir, à quoi nous sentons-nous tenus de nous conformer, à quoi aussi nous sentons-nous tenus de résister ? Oui : qu’est-ce qui fait loi, quelle parole, quel récit, qu’est-ce qui nous fait marcher, qu’est-ce qui fonde en quelque sorte notre idéal de vie, ce à quoi nous voulons ressembler ? Oh, ne répondez pas trop vite ! Gardez-vous de mentir, gardez-vous de vous mentir à vous-mêmes ! Le verset qui suit immédiatement, que je ne vous ai pas lu, commence par « Seulement, prends garde à toi » ! Car ce n’est pas une étiquette qui peut « faire loi » pour qui que ce soit. Ainsi, par exemple, « nation chrétienne » n’a jamais rien voulu dire, sinon que c’était une Église qui y avait le pouvoir. Mais il n’était pas question de foi. Serait-ce donc le fait de détenir le pouvoir qui faisait loi, alors, pour cette Église ? Parfois on a bien l’impression que, pour certains détenteurs du pouvoir, autrefois ou aujourd’hui, ici ou ailleurs, c’est bien le pouvoir qui fait loi, et non pas le service du peuple, la liberté et la dignité des gens qui leur sont confiés, la cohérence avec les idées exprimées, etc.

 

Mais ne battons pas notre coulpe sur la poitrine des autres… Pour moi, qu’est-ce qui fait loi ? Ou déjà, qu’est-ce qui ne fait pas loi ? Si je veux être honnête, la volonté de Dieu ne fait pas souvent loi pour moi… Et j’ai bien l’impression que je ne suis pas seul dans ce cas… Ce n’est pas pour rien que notre culte place presque en tête de son déroulement la confession de notre péché, suivie d’une absolution générale par une annonce du pardon de Dieu pour ceux qui se repentent. C’est donc bien que nous en avons besoin – je veux dire : d’une part de reconnaître que nous sommes pécheurs, d’autre part, et c’est la même chose, que nous avons besoin d’être pardonnés, et donc d’entendre, de réentendre, de recevoir à nouveau, ce pardon que Jésus-Christ nous a acquis sur la croix. Le but de cette repentance et de ce pardon, naturellement, n’est pas d’être inlassablement répétés, mais de nous permettre de changer, de permettre à l’Esprit saint de nous faire changer. Mais ce pardon de Dieu fait-il loi pour moi ? C’est-à-dire : est-ce que je me conforme suffisamment à lui, est-ce que j’en tire suffisamment profit dans mon existence, est-ce que j’ai bien intégré que j’étais pardonné, pour que l’Esprit puisse continuer son travail en moi ? Le pardon n’est pas fait pour être seulement entendu, mais véritablement reçu, afin de libérer celui à qui il est adressé. Avez-vous le sentiment de recevoir le pardon de Dieu en écoutant votre serviteur ou tout autre prédicateur vous le dire ? C’est pourtant de la part de Dieu qu’il vous le donne !

 

Bien sûr, d’autres choses ne font pas loi pour moi, pour ma vie, et selon les choses en question c’est bien, ou c’est dommage ! Le Baal de Péor ne fait pas loi pour moi, comme il le fit pour certains des Israélites au pays de Moab autrefois, qui se sont prostitués – et peut-être au sens propre – dans le culte de cette idole (Nombres 25 / 1-5). J’avoue ne pas être attiré par les orgies sataniques et autres horreurs que des gens commettent en pensant satisfaire une divinité sexuelle ou sanguinaire qui pourtant n’existe pas – dont je sais, tout comme vous, qu’elle n’existe pas. Satisfaire ses propres désirs en pensant satisfaire ainsi Dieu ne signifie rien d’autre que d’avoir son propre ventre pour dieu, ses propres pulsions pour dieu. Je ne tuerai donc pas pour Dieu, ni ne m’assujettirai qui que ce soit au nom de Dieu – qu’il m’en préserve ! Notez quand même qu’il y a une manière de se réclamer comme le maître ou la maîtresse de son propre corps – comme on l’entend de nos jours – qui ressemble beaucoup à ça, en plus soft, certes, justifiant notamment avortement, transsexualité ou transhumanisme par le simple désir qu’on en a… Dans ce sens, mon corps ne fait pas loi pour moi, encore qu’à la marge, parfois… Mais, bon…

 

Il y a des choses, évidemment, qui ne font loi pour moi qu’à certains moments, ou en certains occasions. Mais cela veut dire qu’elles ne font pas vraiment loi ! Le renoncement à toute maîtrise sur ma propre vie et sur celle des miens, à commencer par mon conjoint, ne fonctionne que par moments. J’aime trop, en fait, être mon propre dieu, même si je ne veux pas le reconnaître de cette manière sinon dans la confession de mon péché. Mais, donc, mon péché est bien là, comme c’est le cas pour tous depuis Adam… Je n’en suis pas exempt. Dans beaucoup de circonstances de mon existence, je me préfère, moi, à tout autre… Est-ce mon instinct de conservation ? Mais je ne suis pas qu’un animal, normalement ! J’ai la capacité de prendre de la distance avec ça. Et parfois ça le fait ! Mais souvent, non : « chassez le naturel, il revient au galop… » C’est ma femme, mes enfants, ma maison, ma manière de ranger les choses, ma cuisine, ma décision concernant mon travail, mes vacances, etc. Les Dix Commandements disaient à propos du shabbat : « Le septième jour est le shabbat de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni tout ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. » et plus loin : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; tu ne désireras pas la maison de ton prochain, ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien qui soit à ton prochain. » (Deut. 5 / 14. 21) Eh oui, les autres ne m’appartiennent pas… ! Et « la nature » n’a pas à faire loi pour moi.

 

Autre version de l’idolâtrie : lorsqu’une idéologie fait loi pour moi, lorsque j’obéis à des valeurs ou à un parti ou à un maître de telle sorte que j’y perds toute liberté, et notamment que j’empêche la liberté de Dieu d’intervenir en moi. L’apôtre Paul écrivait : « Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai pas asservir par quoi que ce soit. » (1 Cor. 6 / 12) Chacun choisit ses combats, ses valeurs, ses idées. Mais dès que cela fait loi pour moi, dès que je leur sacrifie d’autres choses ou d’autres gens, dès que je leur sacrifie ma liberté de penser, de croire et d’agir, alors c’est que j’en suis esclave. Les combats les plus légitimes, les meilleurs valeurs, les idées les plus justes, peuvent ainsi tourner à l’idolâtrie et à l’oppression, pour moi comme à l’égard d’autres personnes ou groupes de gens autour de moi. Bref, dès que j’ai un maître, par choix ou par nécessité, alors c’est que je suis retourné en Égypte. Or tout ce que je viens de vous dire ici, je puis aussi le dire de l’Église chrétienne, de l’EPUdF, de notre paroisse…

 

Et même en rajouter ! Il m’arrive que ma richesse, même relative, que mon argent, fasse loi pour moi, passe avant le reste. Et il m’arrive que ma pauvreté, même relative, que mon manque d’argent, fasse loi pour moi et oblitère tout le reste. Toute obsession, comme toute addiction, rend esclave. Et plus que ça : tout souci rend esclave. Et des soucis, nous en avons bien souvent en Église, tout comme dans nos vies personnelles ; et des questions sans réponses : que faire de nos bâtiments, où sont nos jeunes, comment communiquer, comment annoncer l’Évangile, etc. Mais tant que c’est un souci avant que d’être une prière, alors ce souci fait loi pour moi, il me définit et m’emprisonne, il me rend incapable de répondre aux questions que pourtant je me pose. Dès qu’une question devient un souci, je ne peux plus trouver ni entendre la réponse : le souci prend toute la place…

 

Voilà donc pourquoi Moïse présentait une « Torah », quelque chose qui fasse loi pour Israël, mais une « loi de liberté », comme l’écrivait Saint Jacques (1 / 25 ; 2 / 2) Voilà pourquoi le Christ a vécu en humanité, est mort et est ressuscité, et voilà pourquoi le récit du Christ, l’Évangile, fait loi, peut et doit faire loi pour nous. Car notre existence, notre salut, ne dépend plus de l’observance de commandements formels, mais de ce que Jésus-Christ a fait pour nous, et de l’œuvre de son Esprit en nous : « le Seigneur, c’est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Cor. 3 / 17) C’est donc la liberté de Dieu, en Christ, dont il est proposé qu’elle fasse loi pour nous, pour notre existence concrète, à nous individus chrétiens et à nous Église. Ne l’avons-nous pas déjà vu agir dans nos vies comme dans la vie de l’Église ? Vu de nos yeux ? Nos vies et notre Église sont-elles si arides que Dieu n’ait rien pu faire ni dans les unes ni dans l’autre ? Non. Alors regardez bien, rappelez-vous, et libérez-vous du souci de vous-mêmes, des autres, de votre salut et de celui du monde. N’écoutez plus l’Accusateur. Écoutez le Saint-Esprit de Dieu !

 

Et faites confiance. Que cette confiance fasse loi dans vos vies, et qu’elle fasse loi dans l’Église : que celle-ci réapprenne toujours à nouveau à se confier en Dieu et non pas dans ses stratégies, dans ses forces, dans sa communication, dans son lobbying, dans quoi d’autre encore ? Non : en Dieu seul ! Et moi aussi, sinon qui suis-je pour donner des leçons ?! « Vous qui êtes attachés à l’Éternel votre Dieu, vous êtes aujourd’hui tous vivants », disait Moïse. Ne l’êtes-vous pas ? Puisque vous l’êtes, c’est donc que vous êtes à Dieu à cause de Jésus-Christ. N’ayez plus peur ni de vous ni des autres ni de Dieu. Mais confiez-vous en lui, comme cela vous arrive déjà. Jésus est mort pour nous, afin que nous vivions de sa vie : voilà notre « Torah », voilà notre loi, une loi faite pour la vie. Pourquoi aurions-nous besoin d’autre chose ? C’est cela que le monde attend aussi de nous : non pas des valeurs qu’il est bien assez grand pour trouver ou trahir tout seul, non pas une idéologie religieuse ou morale, non pas un engagement mondain, mais un témoignage : le témoignage que nous sommes vivants et heureux et que c’est à cause de Christ ! Amen.

 

Saint-Dié (et pour les Notes bibliques et prédications de l’EPUdF ce jour)  –  David Mitrani  –  29 août 2021

 

 

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