Actes des Apôtres 2 / 36-47

 

textes :  Actes des Apôtres 2 / 36-47 ; première épître aux Corinthiens 13 / 1-13

chant :  46-03

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« Il n’y aura pas de pauvre chez toi, car l’Éternel te comblera de bénédiction », annonçait Moïse (Deut. 15 / 4). Et le prophète Ésaïe ordonnait : « Partage ton pain avec celui qui a faim et ramène à la maison les pauvres sans abri » (És. 58 / 7). On ne peut pas dire que notre monde ressemble vraiment à ça… Mais, plus grave encore, on ne peut pas dire que nos vies ressemblent à ça ! Et il va bien falloir se demander pourquoi en est-il ainsi, et comment y remédier si c’est en notre pouvoir. D’autant que les textes que nous avons lus nous parlent à leur tour de communion et de partage, et même d’amour… Mais la définition de l’amour que donne l’apôtre Paul est bien exigeante, elle aussi… Elle va même beaucoup plus loin : « Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture [des pauvres], quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. » Faut-il alors ne rien faire et se laisser vivre, c’est-à-dire se laisser mourir ? Certes non !

 

Dans le texte des Actes des Apôtres, l’exhortation à recevoir le « baptême au nom de Jésus-Christ » est liée à la promesse du « don du Saint-Esprit ». Ce ne sont pas là des paroles rituelles ni de la haute théologie. Ce sont des choses très existentielles. Nous venons de célébrer un baptême, qui n’a de sens que s’il est référé « au nom de Jésus-Christ » justement, c’est-à-dire à ce qu’Alyssia et chacun de nous avons reçu de Dieu à cause de Jésus-Christ et en lien avec lui. Ce baptême d’un petit enfant suppose que nous témoignions auprès d’elle de ce que Jésus a fait pour elle, de ce que sa mort et sa résurrection lui offrent à elle comme à chacun de nous. Le baptême sans la foi est un rite vide et vain. Alors, qu’en est-il du nôtre ? Or le signe que c’est bien le baptême chrétien, et non un rite quelconque de repentance ou d’appartenance, c’est « le don du Saint-Esprit ». Je ne suis pas pentecôtiste, je ne séparerai pas ce don du baptême d’eau, ce n’est pas un autre baptême. C’est un cadeau. C’est un cadeau qui n’est pas donné une fois pour qu’on n’en parle plus ensuite, mais qui est donné tout au long de la vie chrétienne. C’est un cadeau qui n’est pas conditionnel, mais, comme tout cadeau, encore faut-il s’en servir !

 

Et comment s’en sert-on ? Ce cadeau a un autre nom : l’amour – la « charité », comme on disait autrefois. C’est-à-dire ce qui fait passer l’autre en premier, celui qui est aimé, et non pas celui qui aime. Ainsi, recevoir le Saint-Esprit, ce n’est pas d’abord aimer les autres, mais se savoir aimé de Dieu. L’amour, c’est d’abord que Dieu nous a aimés, comme l’apôtre Jean le disait si bien : « cet amour consiste non pas en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et qu’il a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. » (1 Jean 4 / 10) « Le don du Saint-Esprit » nous fait comprendre et réaliser ceci, le réaliser concrètement dans nos vies : savoir que nous ne tenons debout que par cet amour premier de Dieu en Jésus-Christ, et accepter et vouloir qu’il en soit ainsi, accepter de dépendre de Dieu, lui abandonner la direction de notre existence. C’est vrai pour chaque chrétien, et c’est vrai pour chaque communauté chrétienne, chaque Église. L’amour, c’est toujours d’abord être aimé et s’abandonner à l’autre, à celui ou celle qui nous aime. N’est-ce pas ce qu’un petit enfant est obligé de faire ? Cela nous est donné en exemple dans l’Évangile (Marc 10 / 15).

 

Un autre exemple est celui de l’Église, une Église certes idéale, qui nous est montrée à la fin du chapitre 2 des Actes des Apôtres, vous l’avez entendu tout à l’heure : « Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières. » Le mot « communion » signifie « partage », comme le montrent les versets suivants ; ce n’est pas une réalité éthérée… Cela signifie que nous sommes indivis dans les biens reçus de Dieu, c’est bien pour ça que Moïse disait qu’ « il n’y aura pas de pauvre chez toi ». Et plus que les biens, ce sont les gens qui sont en commun, non pas dans quelque fantasme de négation des individus, mais dans la fraternité. C’est aussi pour cela que le baptême se célèbre en Église et non pas en famille : devenant enfants de Dieu par sa parole d’adoption, nous nous retrouvons être frères et sœurs les uns des autres, « liés à toujours par une chaîne d’amour », comme nous l’avons parfois chanté dans ce temple (J’aime l’Éternel n° 734). De même la prière dont il est question n’est pas la prière égoïste dont nous sommes coutumiers lorsque nous allons mal, mais c’est l’intercession, la prière pour les autres, pas seulement pour nos familles et nos amis, mais pour tous. Et c’est la louange : remercier Dieu pour son amour, le remercier d’être lui. Comme dans un couple on est simplement heureux et reconnaissants que l’autre soit tel qu’il est – y compris dans ce dont nous aurions préféré que ce soit autrement…

 

Deux cérémonies rendent visibles cette famille, et cet amour particulier qui fait qu’on ne prend pas, mais qu’on reçoit, un amour au bénéfice duquel on vit. C’est le baptême, bien sûr. Et c’est la sainte cène, la participation au repas du Seigneur, ce que notre texte de ce matin appelle « la fraction du pain ». Recevoir son pain, sa nourriture vitale, de Dieu : c’est Jésus lui-même qui se donne en nourriture aux croyants qui le reçoivent par la foi. Mais c’est aussi recevoir cette nourriture de la main d’un autre : que ce soit le prêtre dans la manière catholique de faire, ou que ce soit le pasteur ou son voisin dans le cercle, dans notre manière à nous de procéder, comme nous le ferons dans quelques instants. Dans ce repas, je ne prends pas ma nourriture, je la reçois, à la fois spirituellement et très concrètement. Le culte lui-même, avec sa prédication, le montre : je ne me nourris pas de ma lecture personnelle de la Bible, qui est certes nécessaire, mais d’une interprétation qui m’en est donnée par un autre. Le pasteur, quant à ça, est un pauvre : il est rarement en situation de recevoir, et même quand c’est le cas il ne sait pas trop faire ! Vous y avez plus de chance, sauf les dimanches où le pasteur aurait mieux fait de rester couché et vous aussi, ce qui peut arriver…

 

Alors oui, recevoir. Recevoir le baptême. Recevoir son pain. Recevoir ce dont j’ai besoin à travers les autres, leurs biens, leur prière, leur fraternité. Je ne puis être chrétien que parce que je le reçois ! La foi chrétienne n’est pas une œuvre, ce n’est pas quelque chose à faire, c’est une disponibilité à Dieu et aux autres, c’est la confiance que je reçois et que je recevrai ce dont j’ai besoin, même si ça ne correspond pas à ce que j’attendais. En cela cette fois, le pasteur est riche ! Mais vous aussi, il suffit d’ouvrir ses mains et son cœur, il suffit d’utiliser le cadeau reçu, même si on n’en comprend ni le comment ni le pourquoi. C’est alors, alors seulement, que les versets qui ont ouvert cette prédication pourront s’appliquer. Lorsque j’aurais accepté de recevoir cet amour de Dieu et d’en vivre. Alors, je pourrai aimer en vérité à mon tour, je pourrai aimer l’autre pour lui-même et non pour moi. Ou plutôt, pour éviter d’y mettre encore des verbes à la première personne, expression de mon péché : l’autre pourra être aimé pour lui-même à travers moi…

 

Alors, les plus grands des dons pourront s’accomplir à travers une existence chrétienne dépossédée, dépréoccupée d’elle-même, devenue celle d’un enfant de Dieu. Sachant que je n’ai rien à moi, mais que j’ai tout reçu, comment et pourquoi le garderais-je pour moi seul ?! Ce ne sont pas les politiques publiques, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, qui nourriront les pauvres. Ce sont les chrétiens, se reconnaissant eux-mêmes comme des pauvres qui doivent recevoir et qui effectivement reçoivent de Dieu ce qui satisfait leurs besoins véritables ; ce sont eux qui, fraternellement, feront qu’aucun pauvre à leur voisinage ne le restera. C’est l’amour de Dieu, dont je me sais aimé, qui pourra à travers moi s’offrir à d’autres que moi. Je ne puis partager mon pain que si je sais l’avoir reçu et que je n’en manquerai pas, si je reste à portée de ce Dieu qui m’aime comme un Père. « L’amour est le plus grand », l’amour de Dieu, l’amour reçu, mais c’est la foi qui me permet d’aimer comme je suis aimé, d’aimer un peu, parfois, et même mes ennemis (Matth. 5 / 44).

 

Soyez donc en tout temps ouverts à cet amour de Dieu pour vous, afin d’aimer à votre tour. Ne pensez pas que vous n’en avez pas besoin, ce serait une grossière et mortelle illusion. Laissez le Saint-Esprit vous tourner vers Jésus qui a donné sa vie pour vous afin que vous viviez, qui vous a aimés afin que vous aimiez, qui a partagé son éternité avec vous afin que vous en soyez témoins jusqu’en éternité. Amen.

 

Saint-Dié (baptême)  –  David Mitrani  –  23 février 2020

 

 

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