Évangile selon Matthieu 2 / 1-12

 

texte :  Évangile selon Matthieu 2 / 1-12

premières lectures :  Ésaïe 60 / 1-6 ; épître aux Éphésiens 3 / 1-7 ; Évangile selon Jean 1 / 15-18

chants :  31-07 et 47-04)

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Aujourd’hui, exceptionnellement, pour la prédication je ne prendrai pas le texte selon l’évangile de Jean, retenu pour ce dimanche.

Mais à partir de la lecture de l’évangile selon  Mathieu, je voudrais vous inviter à un voyage.

Sur le prospectus, un gros livre ancien et épais dont je viens de vous lire un extrait, sont présentés les guides : des hommes d’un autre temps, d’un autre monde. Dépaysement garanti ! Êtes-vous prêts pour ce déplacement ? Vous ne risquez rien. Vous pouvez rester assis.

Accompagnons ces mages. Ce sont des savants, des astrologues.

Mais non des rois comme la tradition. Bien au contraire. Ils n’ont pas d’autre pouvoir que celui de leurs recherches, leur culture, leur science, qu’ils admettent sans doute limités puisqu’ils ne restent pas chez eux, assis sur leurs certitudes. Ce sont donc eux-mêmes des voyageurs, ce qui fait que nous sommes en bonne compagnie. Ils savent ce que cela coûte de ce déplacer, de ne pas rester assis dans le fauteuil de ses certitudes.

Voilà ce qui nous attend nous-mêmes si nous voulons les suivre un court instant : nous lever de nos certitude et représentations erronées. Vous vous demandez peut-être quelle est leur légitimité ?

Ils viennent d’orient nous dit notre texte, c’est à dire de l’est, du lieu d’où se lève le soleil, d’où nous vient la lumière. Oui, mais peut-on se fier à ces étrangers, peut-on les laisser passer nos frontières ? Ils ne partage pas nos habitudes, nos coutumes, et surtout pas notre foi, puisque ce sont des gens qui croient en l’astrologie. Certes, quelques prophéties bibliques annoncent que le salut viendra de l’orient. Mais qui s’en souvient ? En tout cas ni les scribes, ni les pharisiens hommes de lois instruits que le roi Hérode a convoqués.

Bref nos guides n’ont pas peur de sortir de leur petit monde et de leurs certitudes on apprend en bougeant, en se laissant bousculer peut-être, en rencontrant les autres qui peuvent nous ouvrir des horizons nouveaux et revisiter nos vérités.

En face de ces mages qui peuvent paraître un peu naïfs, il y a la lourdeur d’un roi, décrié à son époque comme mégalomane et paranoïaque. Il aurait eu dix femmes et aurait tué plusieurs de ses fils. Il vit enfermé dans son palais dans la hantise constante d’un complot, d’une contestation révolutionnaire. Ses espions qu’il envoie à travers le pays en ajoutent à son angoisse. Il est assis derrière ses murs, sur son or et ses certitudes. Lui ne se déplace plus. Même un nouveau-né lui fait peur.

Il fait donc venir des spécialistes de l’époque, les chefs des prêtres et les maîtres de la Loi. Bien qu’ayant le nez dans les Saintes Écritures, ces derniers ne peuvent interpréter correctement ce qui est en train de se passer. Heureusement que ces étranges étrangers, sont venus du levant, ont amené un peu d’air frais de l’extérieur et partagé leur questionnement ! Cela a mis les sages du peuple sur une voie : celle d’un nouveau-né. Mais eux non plus ne voyagent pas. Ils savent mais n’en tirent pas les conséquences pratiques. Jésus leur reprochera souvent de rester assis sur leur interprétations légalistes et paralysantes.

Un petit enfant, un nouveau-né ! C’est le symbole d’un avenir, d’un devenir. Il y a quelque-chose comme une espérance dans chaque nouvelle naissance. Il faut accueillir ce qui vient, il faut le voir grandir avec toute notre attention, le faire évoluer, l’accompagner, le confronter à ce qui fait Autorité pour nous. Mais Hérode a une vision névrotique, et va mettre nos voyageurs sur une fausse piste. La peur le domine, la jalousie l’enferme, et la suite nous montrera que cela le mène à la catastrophe pour beaucoup.

Celui qui se raidit à chaque événement nouveau est très mal dans sa peau, angoissé, paniqué, il en va différemment des voyageurs qui sont dans l’ouverture et de la foi, curieux de l’autre, et donc accessibles à la rencontre.

Pour conclure provisoirement : vous avez compris qu’il s’agit d’un voyage intérieur, d’un déplacement dans notre manière d’appréhender le monde et ses habitants, d’appréhender l’Autre avec un grand A Le savoir doit être vivant et nous rendre vivants.

L’écologie, en est un exemple : nous en savons l’urgence, mais notre immobilisme et notre petit confort nous empêchent de mettre quelque-chose en œuvre. Nous souhaitons remplir nos églises, assis sur nos bancs à attendre, au lieu de sortir de nos murs et aller à la rencontre de l’autre différent. Le moindre frémissement peut nous déranger alors qu’il faudrait un raz de marée qui emporte le vieux monde afin que le nouveau puisse surgir. Nous n’avons pas toujours l’humilité pour montrer que nous sommes des chercheurs et non pas des donneurs de leçon qui savent tout et qui ont tout compris. Aujourd’hui ce sont ces mages venus d’orient, ces étrangers, ces astrologues qui nous incitent à sortir, à avancer, à voyager à nous remettre en question.

Eux aussi avaient perdu l’étoile à un moment donné mais en quittant le palais royal, après la rencontre avec Hérode, ils ont compris leur erreur : ils avaient cherché du mauvais côté. Après avoir reçu ces instructions du roi, ils partirent. Ils virent alors l’étoile qu’ils avaient déjà remarquée en orient : elle allait devant eux, et quand elle arriva au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant, elle s’arrêta. Il furent remplis d’une très grande joie en la voyant là. Cette rencontre leur a définitivement ouvert les yeux et leur a permis la transgression parfois est nécessaire pour avancer : Il ne repasse plus par le palais royal.

AMEN

Senones  –  Patrick Cloysil, d’après Richard Grell  –  2 janvier 2022

 

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