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Épître aux Hébreux 4 / 12-13
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texte : Épître aux Hébreux 4 / 12-13
premières lectures : Ésaïe 55 / 6-12a ; Évangile selon Luc 8 / 4-15
chants : 21-07 et 45-15
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Dieu parle ! C’est vrai. Les prophètes, à commencer par Ésaïe, se sont assez moqués des statues des autres dieux, statues qui ne parlent pas ni ne font rien d’autres d’ailleurs. Le livre de la Genèse nous raconte, dans sa première page, comment Dieu a tout créé par sa parole. Et les chrétiens, à la suite du début de l’évangile de Jean, confessent que Jésus est lui-même la Parole de Dieu. Mais qu’est-ce que c’est, la Parole de Dieu ? Pour les catholiques et les évangéliques, la réponse est simple : la Parole de Dieu, c’est la Bible. Et pour nous qui disons que cette Écriture seule a autorité, la réponse est-elle la même ? Nos Réformateurs ne le pensaient pas, non plus que votre serviteur. N’importe qui peut lire la Bible : entendra-t-il pour autant Dieu lui parler ? Nous savons bien que non. La plupart des gens qui lisent la Bible n’y entendent rien, et souvent nous non plus. « La lettre tue, c’est l’Esprit qui fait vivre », écrivait l’apôtre Paul (2 Cor. 3 / 6). La Bible sans l’Esprit qui nous la fait lire, voilà qui est sans intérêt, pas même un intérêt historique.
Nous confessons que Dieu parle, pas qu’il a écrit des livres il y a entre 19 et 26 siècles ! Si Dieu est une personne, il parle à qui il veut, il dit ce qu’il veut, et pas forcément la même chose à tout le monde. Mais il est susceptible de parler à tout le monde, c’est-à-dire à chacun en particulier, aujourd’hui. La Bible est le moyen qu’il nous a donné pour que nous l’entendions nous parler, mais elle n’est, si vous voulez, qu’un téléphone. Et personne n’a jamais pensé qu’un téléphone pouvait parler ! Il faut juste qu’on s’en serve comme il faut. Alors, les deux personnes qui sont à chaque bout peuvent entendre chacune ce que lui dit l’autre. Ce matin, nous ne nous attarderons pas sur le téléphone – je veux dire : la Bible. Ceux qui veulent en savoir plus peuvent venir aux études bibliques. Ceux qui se posent des questions sur les différentes marques – entendez : les traductions – sont les bienvenus dimanche prochain à 15 h au Foyer à Saint-Dié pour une intéressante conférence là-dessus.
Mais le sujet de cette prédication est la Parole que Dieu nous adresse – et quand je dis « nous », ça peut être très large, car Jésus sème sur tous les terrains, heureusement pour nous ! Que nous dit cette parole ? Les textes de ce dimanche ne le précisent pas ! Mais ils nous disent ce qu’elle produit, et c’est peut-être plus clair ainsi. Réentendez le prophète : la parole de Dieu « ne retourne pas à [lui] sans effet, sans avoir exécuté [sa] volonté et accompli avec succès ce pour quoi [il l’a] envoyée. » Jésus dit que « ceux qui entendent la parole avec un cœur bon et honnête la retiennent et portent du fruit. » Mais c’est l’épître aux Hébreux qui nous en dit le plus long, et c’est justement le texte proposé à cette prédication. Or ce texte est difficile, a priori.
Enfin, pas tout. Le début semble assez limpide. « La parole de Dieu est vivante et efficace. » Vivante, c’est ce que je vous ai dit : elle est adressée, car c’est la parole d’une personne vivante. Celui ou celle qui doit vous dire quelque chose, généralement, ne le lance pas à la cantonade, ni ne l’a écrit il y a 20 siècles ! Cette parole est vivante parce qu’adressée à Untel ou Unetelle, et elle réagit – enfin : celui qui la parle réagit – en fonction de la réaction de la personne destinataire. Cette parole crée donc un dialogue, dans le sens où elle m’interpelle quand elle m’est adressée, puis j’y réagis d’une certaine façon, et elle réagit à ma réaction. Oui, elle est vivante, elle n’est pas « lettre morte », comme on dit. Lorsque vous l’entendez, quelle que soit la manière, quel que soit le media utilisé, réalisez donc que c’est Dieu qui vous parle, de personne à personne. Réagissez-y, non pas comme à un enseignement ou à une doctrine, mais comme à quelqu’un, et quelqu’un qui est votre Dieu !
Que cette parole est efficace, c’est bien ce que Dieu disait par le ministère du prophète Ésaïe. Lorsqu’on vous parle personnellement, cette parole vous atteint, et donc vous change, d’une manière ou d’une autre, sauf si vous êtes trop liquide ou à l’inverse trop rigide. La parole de Dieu, elle, ne connaît pas de telles limitations : quel que soit son destinataire, « elle pénètre », comme le dit notre texte. Il est donc impossible de n’y point réagir. Bien sûr, on peut la refuser, on peut ne pas y répondre, on peut tout faire pour l’empêcher d’agir. Mais ceci est bien une réaction, même si elle est négative, et peut-être prévue comme telle par Dieu… Mais normalement, un chrétien est un homme ou une femme qui, tel le jeune Samuel, répond ceci à Dieu qui s’approche : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. » (1 Sam. 3 / 9-10). Un chrétien ne fuit pas, ne se cache pas, tels Adam et Ève nus au jardin (Gen. 3 / 8-10). Au contraire, un chrétien recherche la parole que Dieu veut lui adresser, il le fait dans la prière, dans la méditation spirituelle des Écritures, dans l’écoute de la prédication, dans la participation au partage du pain et du vin de la cène.
Mais comment ne pas se méprendre ? Prendre une parole autre pour la Parole de Dieu est hélas si facile, dès qu’on s’écarte de la Bible : celle-ci est un garde-fou ! Dieu certes parle comme il veut, où et quand il veut. Il peut même parler par des idoles, la nature, les étoiles, toutes choses qui pourtant ne sont pas faites pour ça. Il peut aussi parler par d’autres personnes, qu’elles en soient conscientes ou non. N’avait-il pas mis en marche Nabuchodonosor et Cyrus, rois païens, le premier contre le peuple d’Israël, le second pour lui ? Comment savoir, comment « éprouver les esprits » (1 Jean 4 / 1) ? Je vous l’ai dit, et comme vous êtes protestants vous le savez bien : la Bible. Sur un téléphone moderne, le numéro de l’appelant s’affiche. C’est pareil. La Bible vous dit que c’est Dieu qui appelle, que c’est Dieu qui parle – si vous vous servez d’elle intelligemment, bien sûr ! Celui qui vous parle à travers elle s’arrange aussi pour que vous sachiez vous en servir. Ne s’appelle-t-il pas le Saint-Esprit ?!
Quand elle est reçue, cette parole est « efficace ». Mais notre texte nous explique son action d’une manière pas très agréable : elle est « plus acérée qu’aucune épée à double tranchant ; elle pénètre jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles… » Dirai-je qu’elle vous remet une hanche d’aplomb plus efficacement qu’un chirurgien ? En tout cas, ce que dit le texte, c’est que cette parole pénètre au plus profond de nous-mêmes. Elle ne reste pas en surface. Nos paroles à nous, au contraire, sont souvent superficielles : elles ne révèlent rien de celui qui parle, elles n’atteignent rien de vital chez ceux qui les entendent. L’existence ordinaire serait-elle vivable sinon ? En fait, peut-être un peu plus qu’elle ne l’est, si nous nous faisions confiance. Mais la plupart du temps ce n’est pas le cas. Et c’est pour ça que tout reste en surface et que, dans nos relations comme dans notre personne, rien ne change jamais. Nous avons « bétonné » notre être, au moins en public, mais aussi souvent pour nous-mêmes. Nous sommes devenus hermétiques à toute vraie parole, au contraire des enfants. Or « je vous le dis, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera pas. » (Marc 10 / 15)
Alors, « petits enfants », ouvrons-nous à la Parole de Dieu, cette parole qu’il nous adresse comme un père quand nous en avons besoin, c’est-à-dire bien souvent. L’idée, l’image, que cette parole vient nous triturer au plus profond de nous-mêmes n’est pas une menace, c’est une bonne nouvelle : rien de ce que nous sommes au fond de nous n’est étranger au Dieu qui s’est fait homme, à Jésus qui s’est fait totalement transparent au Père. Mais il reste que l’idée est désagréable pour nous qui préférons vivre cachés ! Ça me rappelle la vocation du prophète Jérémie : « Voici que je mets mes paroles dans ta bouche. Regarde, je t’établis aujourd’hui sur les nations et contre les royaumes, pour que tu arraches et que tu abattes, pour que tu fasses périr et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes. » (Jér. 1 / 9-10) Car telle est l’épée de la parole : « à double tranchant », un côté pour détruire, l’autre pour bâtir. Pourrait-on bâtir à l’emplacement d’une ruine sans enlever celle-ci d’abord, quitte à en réutiliser les matériaux ? C’est donc ce que fait la Parole de Dieu au fond de nous-mêmes : elle arrache d’abord, elle plante ensuite. Elle arrache les mauvaises herbes, elle enlève les cailloux, afin de pouvoir faire autre chose du terrain ainsi libéré.
Elle sait donc bien ce qui est en nous, cette parole. Elle ne le révèle pas tant à Dieu – qui le sait bien – qu’à nous-mêmes. Pour prendre une autre image, elle ne nous met pas en prison, mais elle nous révèle que nous y sommes, et elle nous en ouvre les portes ! Comment pourrait-elle nous aider à en sortir tant que nous ne savons pas que nous sommes emprisonnés ? D’aucuns diront que nous le sommes par le diable, d’autres que c’est par notre propre faute – mais c’est la même chose ! Y a-t-il en vous des choses qui vous sont cachées ? La Parole de Dieu vous les révèle bien mieux que ne ferait un psychanalyste. Y a-t-il des choses que vous voulez garder cachées ? La Parole de Dieu ne vous le permet plus. La Parole de Dieu est effectivement dangereuse, elle prétend nous sortir de notre tranquille péché pour nous faire vivre « la glorieuse liberté des enfants de Dieu » (Rom. 8 / 21), laquelle n’est jamais de tout repos. Dieu nous connaît, il sait ce que nous sommes sans lui et il nous le dit ; et il sait ce que nous sommes à ses yeux, et il nous le dit aussi afin que cela devienne réel à nos yeux à nous.
Il nous faut donc aimer cette parole, tout en sachant qu’elle est dérangeante et que donc elle va nous déranger. Et c’est quand nous ne serons plus « rangés » là où, le diable et nous, nous nous étions mis, que vivre la Parole de Dieu va devenir intéressant, réjouissant, dynamisant. Car cette parole est créatrice, je vous le rappelais tout au début. Et son projet est d’être créatrice de nous autres, de faire de nous quelque chose de neuf : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici qu’elles sont devenues nouvelles. » (2 Cor. 5 / 17) Il y a trop de « choses anciennes » en nous, dans nos vies, dans nos relations avec nous-même, avec Dieu, avec les autres. C’est ce que l’apôtre Paul appelle dans plusieurs passages notre « vieille nature », notre « vieil homme » (Rom. 6 / 6 ; Éph. 4 / 22…) Mais il y parle aussi de « nature nouvelle, créée selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité. » (Éph. 4 / 24) « Ta Parole est la vérité » (Jean 17 / 17), disait Jésus s’adressant au Père.
Il ne nous reste qu’à être attentifs à cette parole lorsqu’elle nous est adressée, et à la laisser agir jusqu’à ce qu’elle nous ait déshabillés pour nous faire « revêtir Christ » (Gal. 3 / 27). Nous voulons bien les beaux habits neufs, mais aussi garder les vieux auxquels nous sommes habitués, qui ont partagé notre existence et qui portent notre odeur… Mais non : c’est nous qui portons la leur, et cela ne nous va pas ! Nous avons bien besoin que Dieu nous adresse sa parole pour qu’elle nous change en profondeur, et d’abord pour qu’elle nous convainque de nous laisser faire ! Car ensuite, quand elle aura fait son travail, « vous sortirez dans la joie et vous serez conduits dans la paix… » Telle est la bonne nouvelle, la promesse de Dieu en Jésus-Christ. Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 20 février 2022