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Deuxième épître aux Corinthiens 4 / 13 – 5 / 1
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texte : Deuxième épître aux Corinthiens, 4 / 13 – 5 / 1
premières lectures : Genèse, 1 / 1-5. 26 – 2 / 3 ; première épître de Jean, 5 / 1-4 ; Évangile selon Jean, 15 / 1-8
chants : 241 et 622 (Arc-en-ciel)
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Créatures nouvelles ? Oui, c’est ce que vous êtes en Christ. Je parle comme Paul, je dis « vous » et, parlant de mes collègues et moi, je dis « nous ». J’aime à penser que ce sont mes collègues Conseillers presbytéraux, car les autres sont plus loin d’ici… Créatures nouvelles, mais pas par rapport au projet de Dieu pour vous, tel qu’il s’exprimait dans le premier chapitre de la Genèse, dont nous avons réentendu le début et la fin : la lumière, l’être humain, le shabbat… Créatures nouvelles par rapport à votre propre passé, montée vers le projet que Dieu a depuis toujours pour vous ! Chantez de joie, acclamez le Seigneur ! Et ouvrez vos oreilles. Car aujourd’hui tout l’Évangile est contenu entre ces deux paroles : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », et « Nous ne perdons pas courage… »
La première de ces deux paroles, prononcée par Jésus dans l’évangile de Jean, est tout à fait importante. Elle renvoie à l’affirmation que c’est Dieu qui est créateur, que c’est son amour qui est premier, que nous sommes nés de lui, que le Christ est le cep et nous seulement les sarments. On peut le dire de beaucoup de manières, je n’ai fait que reprendre des affirmations des textes de ce matin. Toutes ces phrases parlent de la grâce, du fait que notre nouvelle identité d’enfants de Dieu nous est offerte. Nous ne sommes pas les associés du Père céleste, mais ses enfants ! Et si nous travaillons ensemble, c’est à son initiative, pas à la nôtre. Nous avons reçu sa lumière, « sachant que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera aussi avec Jésus et nous fera paraître […] en sa présence. » Nous vivons dans son repos, dans son shabbat, nous vivons non pas de nos œuvres mais des siennes.
On n’insistera jamais trop sur ce shabbat, quand bien même ni vous ni moi ne le respectons plus formellement, que ce soit le samedi ou le dimanche : nous y faisons tout ce que nous n’arrivons pas à faire le reste de la semaine ! Mais que ce soit pour ce que nous faisons ces jours-là, ou bien tous les autres jours, vous devez vous souvenir que rien de tout ceci ne pèse quoi que ce soit ni pour Dieu ni pour vous dans ce que vous êtes vraiment : des créatures nouvelles, justement, et la nouveauté est là, elle est dans ce shabbat qui vous est offert et pour lequel vous n’avez rien à faire, c’est bien le cas de le dire. Que vous travailliez ou pas, que vous soyez ceci ou cela, qu’à vos yeux votre vie passée ou actuelle soit une brillante réussite ou un échec cuisant, tout ceci n’importe pas. C’est dans le repos de Dieu que vous êtes des créatures nouvelles, pas dans votre travail ni même dans votre repos à vous.
Et c’est dans ce repos que Jésus nous dit : « sans moi, vous ne pouvez rien faire ». C’est bien pourquoi les chrétiens ont remplacé le shabbat juif, le samedi, dernier jour de la semaine, par un autre jour, le premier de la semaine, qu’ils ont appelé le « jour du Seigneur », le dimanche. Car le repos n’est pas la récompense de six jours de travail, mais c’est la condition sine qua non de ce que nous pouvons faire avec Jésus : c’est lui d’abord ! Car se reposer en lui, tout recevoir de lui, ce n’est pas ne rien faire, mais c’est le laisser faire en nous, c’est faire, grâce à lui, ce qu’il a décidé, lui, pour nous. « C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. » Alors, bien sûr, dans l’épître de Paul, ce « nous » est un « nous » apostolique, pastoral, presbytéral… Ce qui n’est pas rien, je puis vous le dire au bout de 33 ans de ministère. « Car tout cela arrive à cause de vous, afin que la grâce, en se multipliant, fasse abonder, à la gloire de Dieu, les actions de grâces d’un plus grand nombre. » L’annonce de l’Évangile, le fait qu’envers et contre tout il y a toujours des gens qui adhèrent à Jésus pour le suivre, pour chanter leurs actions de grâces, et des gens de tous âges, c’est « à cause de vous ».
J’imagine bien que, entendant cela, de nombreuses raisons vous viennent à l’esprit pour ne pas être d’accord ! D’abord, vous allez me dire que, non, il n’y a pas plus de gens, et que l’Église va s’éteindre avec vous. Premièrement c’est faux : il y a des gens dans notre Église – et dans les autres – qui n’y étaient pas auparavant, soit qu’ils n’étaient pas nés, soit qu’ils n’étaient pas chrétiens. Il y a des jeunes dans notre Église, ils représentent même à certains cultes le tiers de notre assemblée ! Il y a aussi des gens nouveaux, même si pas beaucoup… Voilà, c’est donc un raisonnement erroné. Et deuxièmement, ce que sera l’Église demain, y compris notre paroisse, vous et moi n’en savons rien. Quel orgueil ce serait que de se croire les derniers, voire les seuls ! Quel orgueil de croire que l’avenir de notre Église est entre nos mains plutôt qu’entre celles de Dieu, entre celles de Jésus, le Seigneur vivant et le chef de l’Église !
Autre argument pour ne pas être d’accord : vous n’êtes pas bons, vous ne savez pas faire, et lorsque Paul écrit : « nous aussi nous croyons, et c’est aussi pourquoi nous parlons », eh bien cela ne vous ressemble pas, ce n’est pas ce que vous faites, vous n’êtes pas de bons croyants puisque vous ne parlez pas, ne témoignez pas. Là encore, je vous renvoie à la réalité : si c’était le cas, il n’y aurait déjà plus personne ici ! Bon, c’est vrai, des fois il n’y a pas grand monde… Il ne faut pas non plus se méprendre sur ce que nous faisons ou pas. Mais outre qu’on peut apprendre à tout âge – et c’est aussi pour ça que vous venez au culte, non ? – je viens de vous le dire : l’avenir de l’Église ne dépend pas de vous, mais le Christ vivant agit aussi à travers et par vous, individuellement et comme communauté. Croyants, que vous le vouliez ou non, que vous en soyez conscients ou non, le Saint Esprit rend témoignage à travers vous. Alors un autre argument encore : ce n’est à pas vous de faire, mais au pasteur. Sauf que si vous ne faites pas, le pasteur perdra courage. Or, ce n’est pas le cas, qu’on se le dise. Et si j’ai pu paraître pessimiste lors de la dernière assemblée générale, c’est que je ne crois pas beaucoup, c’est vrai, ni en vos capacités ni dans les miennes ; mais je sais que le Seigneur de l’Église agit et agira pourtant à travers vous et, s’il le veut, à travers mon ministère au milieu de vous.
Peut-être enfin les plus anciens se disent-ils que leur « homme extérieur se détruit », selon l’expression de Paul, et qu’on ne peut plus compter sur eux. Loin de moi de penser qu’on peut autant à 80 ans qu’à 30. Seulement voilà : des trentenaires il n’y a pas ici ! Et si vous êtes là, c’est que Dieu a choisi d’agir à travers vous. Trop souvent nous, chrétiens, nous pensons que Dieu agit ou agira pour nous, à notre bénéfice, et c’est d’ailleurs souvent pour qu’il le fasse que nous le prions. Ça n’a pas d’intérêt, parce que c’est fait, une fois pour toutes : vous êtes des créatures nouvelles ! Si vous êtes là, si vous êtes chrétiens, c’est pour que Dieu agisse par vous, comme la vigne agit par ses sarments, à condition bien sûr qu’ils restent attachés au cep ! Tous les « je ne suis pas digne » du monde n’y pourront rien, la Bible montre assez que Dieu a fait ce qu’il a voulu à travers Moïse qui ne savait soi-disant pas parler, Jérémie trop jeune, Abraham et Sarah trop vieux, Anne et Élisabeth stériles, Marie vierge, etc., jusqu’à Jésus mort sur la croix. Si la mort-même n’arrête pas Dieu, seraient-ce vos incapacités et les miennes qui l’arrêteront ? Il vous a choisis, il nous a choisis.
« Regard[ez] non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont momentanées, et les invisibles sont éternelles. » Or, si chacun de vous et tout le monde peut voir ce que vous faites ou pas, vous seuls pouvez savoir et croire ce que Dieu fait, lui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, et qui vous a fait naître avec lui à la vie nouvelle. Car il le fait en vous. Il y a plusieurs endroits, plusieurs miroirs, où nous pouvons nous voir nous-mêmes. Il y a le regard des autres, mais comment pourraient-ils savoir, eux qui ne marchent qu’au mérite ou à l’assistance, à la consommation ou à la psychothérapie ? Il y a notre propre miroir, mais il est menteur, il nous exalte ou bien nous démolit, il n’est que le haut-parleur du diable. Mais en-dehors des « je fais », « je ne fais pas », « je peux », « je ne peux pas », bref, tout ce qui commence par « je », il y a un autre miroir : la Bible, le miroir que Dieu nous tend afin que nous y contemplions le Christ, et que nous puissions nous voir à ses côtés, à sa suite, nouvelles créatures en lui.
Ainsi vous êtes appelés à contempler Christ ressuscité plutôt que votre vie mortelle, et c’est mon métier que de vous inviter à le faire. Vous êtes appelés à voir en Christ tout ce qu’il se propose de faire avec vous, en vous, à travers vous. Se reposer en Christ, ce n’est pas attendre que ça se passe, mais au contraire se mettre totalement à sa disposition. Alors, alors seulement, la phrase que Paul tirait de son propre ministère sera vraie aussi pour vous : « nous ne perdons pas courage. » Bien sûr le pasteur, le trésorier, les autres membres du Conseil, les catéchètes, les prédicateurs, etc., sont les premiers destinataires de cette encourageante affirmation. Mais que les autres chrétiens engagés dans d’autres services le prennent aussi pour eux : les diacres et visiteurs, les musiciens, les gens qui nous préparent à manger en ce moment-même, etc. Et puis vous tous, chacun de vous. Car ce qui est une bonne nouvelle pour « nous » l’est à plus forte raison pour « vous » : en Christ Dieu se tient à vos côtés, vous encourage et vous inspire, et selon les moments vous pousse ou vous tire, vous assoit ou vous relève, et tout ce dont vous avez besoin pour le suivre.
Lorsque le découragement vous vient, lorsque les murmures de l’Accusateur vous brisent le moral, lorsque votre santé physique ou mentale vous pose problème – parfois de manière irrémédiable –, lorsque votre mal-être économique, social ou pécuniaire vous met par terre, regardez donc à Jésus qui vient vous relever et vous prendre avec lui, non pas après votre mort, mais maintenant, ici-bas, au milieu de tout ça. « Nous avons dans les cieux un édifice qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été faite par la main des hommes. » Or depuis Pâques les cieux sont sur la terre, et ce ne sont pas eux qui disparaîtront, mais elle ! Vous êtes citoyens des cieux, non pas pour vous évader d’ici, mais pour marcher la tête haute : c’est bien ainsi que vous serez bons témoins sur la terre du Dieu des cieux ! C’est bien ainsi que notre Église retrouvera sans cesse à nouveau sa vocation de témoin du Christ ressuscité auprès de nos concitoyens, auprès de toute personne vers laquelle son Chef la portera. Parce que vous et moi, sans crainte, nous marcherons dans la joie de Pâques tous les jours de notre vie. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 22 avril 2018