Apocalypse de Jean 21 / 1-7

 

texte :  Apocalypse de Jean 21 / 1-7

première lecture :  Ésaïe 65 / 17-19. 23-25

chants :  31-22 et 31-29

téléchargez le fichier PDF ici

 

Une prophétie. Et son accomplissement. Le lointain passé. Et le lointain futur. Euh… Non, pas forcément ! Le passé n’est pas si lointain. Bien sûr, Ésaïe, oui, c’était il y a longtemps… Mais ce qu’il raconte est une espérance toujours actuelle : l’attente de la transformation du monde. Et de chanter : « Du passé, faisons table rase… » Mais entre l’Internationale et Ésaïe, il y a comme une petite différence : pour le prophète, ce n’est pas la « foule esclave » qui se lèvera pour accomplir cette transformation, mais Dieu lui-même, le Créateur. C’est lui qui transformera ce qu’il a créé, et qui a été abîmé, en autre chose, une création nouvelle, une cité sans commune mesure avec celle que nous connaissons : « Car je crée Jérusalem pour l’allégresse Et son peuple pour la joie. Je ferai de Jérusalem mon allégresse Et de mon peuple ma joie ; On n’y entendra plus Le bruit des pleurs et le bruit des cris. » Une « cité de la joie » pour ses habitants comme pour son créateur. Oui, « que ce temps vienne ! »

 

La vision de Jean, qu’il relate dans son Apocalypse, reprend presque exactement cette prophétie, cette attente. Mais dans la vision, l’accomplissement n’est pas futur, il n’est pas pour demain, il est là. Dans la vision, le nouveau monde, la nouvelle cité, sont là, sous nos yeux. À condition de regarder la vision… C’est qu’il y a désormais une double réalité : celle que nous nous coltinons jour après jour, et dans laquelle la plupart des gens coulent tandis que les autres s’y croient tout-puissants… avant de rejoindre le même tombeau que les premiers ; et celle que nous offre cette vision. Mais une vision, n’est-ce pas une illusion ?

 

C’est ce que nous aurions pensé de prime abord, et peut-être Jean lui-même ! Mais l’auteur de la vision le dément : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. – Écris, car ces paroles sont certaines et vraies. – C’est fait ! Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. » L’auteur de la vision, c’est Jésus lui-même, comme le dit le prologue du livre (Apoc. 1 / 1. 18). Il parle pour Dieu. En lui, toute la réalité, toute l’éternité « de toujours à toujours » est récapitulée. Certes. Mais Jésus, c’est d’abord un homme qui a vécu à un certain moment, qui est mort, et qui maintenant est ressuscité et vivant à jamais. C’est donc en lui, à travers cette mort et cette résurrection, que « toutes choses [ont été faites] nouvelles ».

 

Voici pourquoi la vision ne montre pas seulement le futur, mais aussi le présent… mais le présent pour ceux qui sont « en Christ », selon l’expression de l’apôtre Paul. Ce que voit le voyant, c’est la réalité d’aujourd’hui telle que le Christ vivant nous l’offre à vivre aujourd’hui, quand même nous n’en voyons pas encore les fruits qui nous sont décrits ici : « la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur… » C’est non seulement la souffrance, mais le temps, qui disparaîtront, dans ce nouvel univers dans lequel nous vivrons comme des ressuscités, corps et âme. Or, pour nous aujourd’hui, le temps a-t-il encore une pertinence ? Ne sommes-nous pas déjà ressuscités avec le Christ ? Ne sommes-nous pas déjà citoyens de la cité nouvelle, dont l’Église visible est une approximation ?

 

Car s’ « il faut de tout pour faire un monde », alors l’Église telle que nous la voyons y correspond assez bien ! Nous y sommes tous différents les uns des autres, aimables un peu ou beaucoup ou pas du tout, mais tous aimés de Dieu, tous promis à la résurrection du Christ. Dans le baptême, nous sommes « nés de nouveau » (Jean 3 / 3-8), c’est-à-dire nés à ce monde nouveau. « Nous avons été ensevelis avec [Jésus-Christ] dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. » (Romains 6 / 4) Car si en Christ, le temps est mort avec ses souffrances, la résurrection n’en porte pas moins un projet à vivre, ici et maintenant, une Église, en attendant que ce que nous ne contemplons que dans la vision puisse être vu par tous de leurs propres yeux.

 

Jean entend dans sa vision : « Dieu lui-même sera avec eux ». Et Jésus n’est-il pas « Emmanuel, ce qui se traduit : “Dieu avec nous” » (Matthieu 1 / 23) ? Jésus est « le commencement et la fin », il est notre passé, notre présent et notre avenir. Notre passé n’est heureusement pas entre nos mains, et nous voyons bien dans notre société le dégât causé sur ceux qui croient ne pas avoir de passé : nous, nous en avons un, et il s’appelle Jésus-Christ. Or notre avenir dans ce monde-ci n’est pas non plus entre nos mains, quoi qu’en disent scientifiques, politiciens, philosophes, militants de tous bords, et tant d’autres. « Qui sait si nous vivrons demain ? » Quant à notre avenir spirituel, nos deux textes d’aujourd’hui nous le montrent sans l’ombre d’un doute, quoiqu’avec des mots humains : notre avenir, c’est Jésus-Christ.

 

Alors, notre présent ? Eh oui, c’est aussi Jésus-Christ. Ce n’est pas notre état de santé, bon ou mauvais. Ce n’est pas notre vie sociale et professionnelle, brillante ou lamentable. Ce n’est pas notre richesse, imposante ou désespérément absente. Ce n’est pas même notre piété, démonstrative ou discrète, riche ou sèche. Non. Notre présent, celui en qui nous avons la vie pour aujourd’hui, c’est Jésus-Christ, et c’est bien ce que nous affirme la vision de l’Apocalypse. « À celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement. » Faisons-nous confiance à cette promesse pour aujourd’hui ? Avons-nous soif et avons-nous compris que c’est lui, Jésus, qui peut nous désaltérer ?

 

« Ces paroles sont certaines et vraies. » Elles ne sont donc pas symboliques, imagées, fantasmatiques, ni conditionnelles. Elles font sens et définissent notre réalité dans la foi. Avec quels yeux regardons-nous passé, présent et avenir ? Avec quels yeux regardons-nous Dieu, le monde et nous-mêmes ? Si ce que nous voyons nous attriste, nous démoralise, ou bien nous enorgueillit, c’est qu’il nous faut changer de lunettes. Jean regardait avec les lunettes de la foi. Mais c’est bien le monde qu’il regardait, c’est bien notre monde et notre existence. Si nous voulons nous voir tels que nous sommes aux yeux de Dieu, il nous faut prendre les bonnes lunettes, ses lunettes ! Et espérer que ce que nous voyons alors comme vrai pour nous sera bientôt vrai pour tous : Dieu « essuiera toute larme de leurs yeux. » Amen.

 

en confinement (Saint-Dié)  –  David Mitrani  –  22 novembre 2020

 

 

Contact