Chers frères et sœurs, chers amis,
Le confinement et le 1er-Mai se conjuguent cette semaine,
pour que, comme beaucoup d’autres le font, je vous écrive à propos du shabbat.
Je vous rappelle sa définition, dans la version qu’en donne l’Exode, ch. 20, v. 8 à 11 :
Souviens-toi du jour du shabbat pour le sanctifier.
Six jours tu travailleras, et tu auras fait tout ton ouvrage.
Et le septième jour : shabbat pour l’Éternel ton Dieu ;
tu ne feras aucun ouvrage,
toi et ton fils et ta fille,
ton travailleur et ta servante et ton bétail et ton étranger qui est dans tes portes.
Oui : six jours, l’Éternel a fait les cieux et la terre,
la mer et tout ce qui est en elle, et il se reposa le septième jour ;
sur quoi l’Éternel a béni le jour du shabbat et il le sanctifia.
Cette parole se trouve au cœur des Dix commandements.
Ce n’est sans doute pas pour rien,
dernier jour de la Création et centre des « Dix paroles » !
La vocation de l’être humain n’est pas de travailler sans cesse.
Elle n’est pas non plus de ne pas travailler.
On le sait bien, cela nous saute aux yeux :
ceux qui, aujourd’hui, ne peuvent pas s’arrêter
– soignants ou autres, et les parents qui ont des petits à garder ! –
y perdent plus que le sommeil…
tandis que ceux qui ne peuvent aller travailler
– par chômage ou par confinement –
tournent en rond à la quête d’eux-mêmes…
On dira : il faut garder du temps pour Dieu !
Certes. Mais la vocation de l’être humain n’est pas de passer son temps à adorer.
D’ailleurs c’est Dieu qui passe du temps pour nous :
six jours pour aboutir à la création de sa propre image,
de ce à quoi sont appelés les hommes et les femmes du monde entier.
Et puis, le travail ne se fait-il pas aussi devant Dieu,
quand on est chrétien ?
Travailler, servir, rendre culte : un même verbe dans le texte hébreu !
Alors, pourquoi et comment le shabbat ?
D’abord pour dire de travailler les autres jours !
Oui, l’être humain exprime sa vocation d’image de Dieu
à travers ses activités, son travail (rétribué ou pas, dehors ou à la maison) :
« pour travailler le jardin et pour le garder » (Genèse 2 / 15).
Ce n’est pas qu’une question économique ou sociale.
C’est une question d’identité pour chacun :
travailler, c’est être maître de sa vie, accomplir sa vocation.
Pourquoi alors s’arrêter, sinon pour se reposer de sa fatigue ?
Eh bien parce que je ne suis maître de ma vie que par délégation :
je ne suis pas mon propre créateur,
ce n’est pas moi qui me donne ma propre identité.
C’est Dieu.
Sanctifier le « jour du Seigneur » (le mot « dimanche » signifie cela),
c’est sanctifier le Nom du Seigneur, c’est le reconnaître pour qui il est.
C’est reconnaître que c’est lui qui a fait pour moi,
et non pas l’inverse, comme le croit tout le monde !
Le « shabbat pour l’Éternel »,
c’est le jour où « tu ne feras pas ».
C’est le contraire de la « religion », du « sacrifice ».
Rendre sacré le shabbat, c’est désacraliser tout le reste,
y compris le travail, y compris moi-même !
Dieu seul est saint
(ni la vie, ni la nature, ni la famille, ni le travail, ni la société).
Ce temps de confinement (pour ceux qui ne sortent pas)
s’apparente-t-il à un shabbat prolongé, très prolongé ?
Non.
Mais nous pouvons y sanctifier un « shabbat pour l’Éternel »
afin de pouvoir nous reconnaître comme ses créatures, ses images,
et en Christ ses fils et ses filles, maîtres alors même du shabbat !
Pour les chrétiens, le shabbat est inaugural :
premier jour de la semaine chrétienne et non plus dernier.
Car toute notre vie – les six jours où nous avons à faire –
est au bénéfice du jour inaugural où Christ a vaincu la mort.
Non pas « Dieu premier servi »,
mais Dieu premier qui a fait, afin que nous puissions suivre.
La vie chrétienne n’est-elle pas de suivre le Christ ?
Il a ouvert la route,
c’est ce que nous célébrons avant toute autre chose,
avant toute journée, toute activité.
Il nous a donné notre identité
afin que nous la réalisions dans notre existence concrète.
Ce qui est shabbat pour l’Éternel,
c’est de nous reposer en Dieu,
de nous reposer sur Christ pour cette vie et pour l’éternité.
Fraternellement,
pasteur David Mitrani