(photo : Caroline PRIVAT MATTIONI sur Facebook)
Monsieur le Ministre, Madame la vice-présidente du Conseil départemental, chers amis,
Nous venons d’entendre à la cathédrale une brillante conférence sur « les déserts dans la Bible », je ne vais évidemment pas la refaire ici, et en largement moins bon, non plus que les tout aussi brillantes interventions hier soir de Julien Brachet et de François-Xavier Fauvelle. C’était passionnant ! Je voudrais simplement insister sur le fait que le désert, dans la Bible, a aussi, et même principalement – à mon avis – un aspect dangereux, et donc négatif.
En effet, l’indifférencié, qu’il soit aquatique, sablonneux ou montagneux, est dangereux par définition, parce qu’il ne présente pas ou plus de repères. Le peuple biblique n’était guère marin, à la différence de ses voisins libanais, et rien ne montre qu’il pouvait se guider par une science astronomique quelconque.
Dès le début de la Bible, le chaos menace la vie par le retour des eaux de l’abîme, lorsque la terre était un « tohu bohu », dit le texte. Le Déluge est l’extrême de ce risque, qui détruit toute civilisation, ou plutôt qui entérine le fait que la soi-disant civilisation a perdu tout repère et ne mérite plus que de disparaître inéluctablement.
Mais je ne parlerai pas plus avant du mythe : c’est bien de nous aujourd’hui qu’il est question dans la Bible, et cela seul a un intérêt ! Nous sommes dans un monde, nous en France, en Occident et alentour, qui semble avoir perdu tout repère, toute valeur, toute capacité à transmettre quoi que ce soit.
Le rappel incantatoire desdites valeurs à tout bout de champ n’y changera rien, hélas : nous ne transmettons aujourd’hui que nos peurs du présent et de l’avenir, notre haine ou notre oubli du passé. Le peu de sociabilité qui nous restait a été balayé par la pandémie et par la manière dont nous l’avons traitée. Nous ne sommes plus que des individus isolés ne sachant plus qui ils sont, et nous craignons le retour du Déluge, qui déjà s’avance par l’indifférenciation sexuelle, la marginalisation et la ringardisation de la famille, de l’école et de la culture aux yeux des politiques comme aux yeux des générations dont on peut à peine dire qu’elles montent tant la dégringolade est plus vraisemblable…
Loin de moi l’idée que la religion puisse être un refuge, une « arche de Noé » ! La nôtre subit les mêmes assauts que la plupart des autres institutions qui produisaient du sens et de la vie communautaire. Par contre, ce que la Bible manifeste, c’est que le désert, fût-il mortifère, est aussi un lieu de réflexion, de remise en question, lesquelles peuvent produire un sens nouveau. Certes c’est le lieu de la tentation, le lieu de toutes les corruptions, le lieu de la violence et du suicide autant individuel que collectif. Mais c’est le lieu de la conversion, le lieu dont on peut renaître, le lieu d’où un peuple nouveau peut sortir.
Les eaux de la noyade et du Déluge deviennent alors celles du baptême et de la nouvelle naissance ; la tentation est révoquée par Jésus, le seul par qui la vie nouvelle est possible – c’est en tout cas la conviction de mon Église et de tout le protestantisme !
Sortira-t-il quelque chose de bon du marasme et de la « désertification » que subit notre société depuis des années ? Les réponses traditionnelles ne convainquent plus, le repli sur soi s’autoalimente… Qui donc aura souci du Bien commun ? Je n’ai pas de réponse politique à apporter ici à cette question.
Mais j’ai une conviction intime et forte que Jésus-Christ est le seul Seigneur et Sauveur non seulement des individus, mais aussi des sociétés, dès lors qu’on se confie en lui, à plus forte raison au cœur du désert dont lui-même est ressorti vainqueur. Avec lui il faut tenir bon pendant la marche au désert et regarder ensemble la nouvelle création qu’il nous a promise à tous, le renouvellement de toutes choses.
Je vous remercie de votre attention.