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Premier livre des Rois 17 / 1-16
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texte : Premier livre des Rois 17 / 1-16
premières lectures : Exode 16 / 2-3. 11-18. 31 ; Évangile selon Jean 6 / 1-15
chants : 47-08 et 24-05
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Après à peine 8 versets consacrés aux 12 ans de règne d’Omri depuis son coup d’État, y compris sa fondation de Samarie, puis 6 autres versets pour condamner la religion idolâtre et païenne de son fils Achab qui lui a succédé, voici le début de l’histoire d’Élie, le prophète. Nous sommes donc dans le royaume d’Israël, c’est-à-dire le royaume du Nord, et tout ce qui suit est une conséquence de cette idolâtrie. C’est que non seulement Achab, comme tous les rois d’Israël, maintient les temples de Dieu aux bornes de son royaume, à Dan et à Béthel, plutôt que d’aller à Jérusalem, en Juda ; mais il a épousé une princesse phénicienne et la religion de celle-ci. Vous qui êtes des lecteurs de la Bible, vous vous rappelez comment tout ceci finira, avec la mort de Jézabel dévorée par les chiens, et la défaite de sa fille Athalie en Juda. Un nouveau général prendra le pouvoir à Samarie, et la maison de David retrouvera son trône à Jérusalem… Mais nous n’en sommes pas là. Les Juifs classent les livres des Rois parmi les Prophètes, c’est donc bien sûr Élie, et non pas Achab et encore moins Jézabel, qui est le personnage important dans ces histoires ! Et justement, ce matin, nous découvrons Élie. Si vos souvenirs d’école du dimanche ne sont pas éteints, vous savez que l’histoire d’Élie avec la veuve de Sarepta ne s’arrête pas au moment où j’en ai interrompu la lecture… mais on ne peut pas lire toute la Bible chaque dimanche, n’est-ce pas ?!
C’est d’abord, en une phrase, contre tout le royaume qu’Élie prophétise. Il annonce la sécheresse, c’est-à-dire la famine. Avec le temps qu’il fait chez nous en ce début d’été, on n’en est certes pas là ! Mais les dérèglements dus au réchauffement climatique, quelles que soient ses causes humaines ou naturelles, nous laisse déjà entrevoir que, oui, la sécheresse annoncée entraînera la famine annoncée, la plus grande paupérisation des économies les plus fragiles, la faim et la maladie pour les peuples et pas seulement ceux du Sud, une immigration massive, etc. Dans notre texte, c’est une punition divine qu’Élie proclame. Je ne sais pas s’il en est de même pour l’humanité d’aujourd’hui, mondialisée comme si elle était un seul pays avec de nombreuses inégalités – tout comme le royaume d’Achab et de Jézabel ! Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain… Toujours est-il que notre monde aurait bien besoin d’un tel avertissement, si ce n’était que ce sont toujours les mêmes qui en souffriraient et non point les responsables. Car notre monde est païen. Et si nos dirigeants et leurs peuples ne se prosternent plus devant Astarté, ils ont un Baal – un Maître – qui n’est certes pas le Dieu de la Bible, le Dieu de Jésus-Christ. Ce Baal est bien sûr polymorphe, n’a pas le même nom partout, et parfois n’en porte aucun. Le Prince de ce monde, pourtant condamné par Dieu et vaincu en Jésus-Christ, a encore des soubresauts néfastes parmi les humains et les nations, et jusque dans nos Églises, qu’il s’habille en Mammon ou en Satan, en idéologie de la nature ou en celle de la race…
Alors oui, Élie annonce la sécheresse. Il aurait pu le faire en annonçant qu’il n’y aurait plus de pluie, ou que les rivières s’assécheraient. Il a précisé qu’il n’y aurait plus non plus de « rosée ». Détail sans intérêt ? Non pas. C’est la « rosée », dans l’Exode – dans notre premier texte – c’est la « rosée » qui apportait la « manne » pendant les 40 années au désert. Nous avons donc ici une annonce terrible, bien plus terrible que celle de la sécheresse ou du changement climatique. En parlant de « rosée », Élie annonce que Dieu ne nourrira plus son peuple… Et qu’est-ce qui nourrit le peuple de Dieu ? Sa Parole ! C’est pourquoi Élie doit se cacher : non seulement pour fuir le roi et la reine, qui ne peuvent qu’être mécontents de sa prophétie, comme ils le seront jusqu’à leur mort ; mais aussi parce que c’est lui, le porte-parole de Dieu. Tel est son nom, vous le savez bien : « Éliyahou » signifie « mon Dieu, c’est l’Éternel ». Or puisque l’Éternel n’est plus adoré en Israël, sa Parole n’y sera plus dite, son peuple n’y trouvera plus sa nourriture ; le manque annoncé de nourriture terrestre (le pain et la viande que réclamaient les Hébreux au désert) ne sera que le signe de ce manque bien plus fondamental. Si le royaume d’Israël prétend se passer de cette Parole de Dieu, alors Dieu se passera de la lui donner… jusqu’à tant que le roi et le peuple se tournent à nouveau vers lui !
Il n’y a plus, dans le récit de ce matin, que deux personnes qui vont recevoir la Parole de Dieu, c’est-à-dire, simplement, à qui Dieu va parler : Élie lui-même, et à travers lui à la veuve de Sarepta, pourtant phénicienne comme Jézabel ! Mais avant d’aller à Sarepta, Élie se cache près d’un torrent, et il est nourri par « les corbeaux », « pain et viande matin et […] soir » ! C’est plus riche qu’au désert, il n’a pas d’efforts à faire, pas de quantité à respecter, pas besoin de se demander « *mann hou », « qu’est-ce que c’est ? ». C’est de là, du torrent, qu’Élie constatera l’avancée de la sécheresse, la réalisation de la parole qu’il avait dite. Mais ça ne fait pas son affaire ! C’est donc à l’étranger que Dieu l’envoie, auprès d’une femme phénicienne, figure de celle que Jésus rencontrera un jour, bien plus tard (Marc 7 / 26 // Matth. 15 / 22). C’est Dieu qui a mis cette femme sur le chemin d’Élie : « j’y ai ordonné à une veuve de te nourrir », lui dit-il. Jésus dira à la femme rencontrée : « Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. – Oui, Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens sous la table mangent les miettes des enfants. » (Marc 7 / 27-28) Celle de Sarepta a aussi un problème, un problème vital pour son enfant, avec le manque de nourriture qu’en plus il lui faut donner à ce prophète israélite…
Pourtant la femme le fait : elle donne à Élie ce dont elle et son fils ont besoin pour vivre. Ce qui annonce une autre femme de l’Évangile, veuve elle aussi, au Temple de Jérusalem celle-ci, qui mettra « dans le Trésor » non seulement « tout ce qu’elle avait », mais « toute sa vie », aux dires de Jésus (Marc 12 / 44). Vous connaissez ce passage qu’on disait autrefois de « la pite de la veuve ». La veuve de Sarepta, elle, pensait devoir périr de la famine après un dernier repas. Mais à elle la parole de Dieu fut adressée par Élie selon laquelle elle aurait toujours à manger de manière miraculeuse, jusqu’au retour de la pluie. Notez au passage que l’absence de pluie, méritée par Israël, s’étend aussi sur ses voisins ! Prenons garde de mériter nous aussi, nous qui sommes l’Israël chrétien, des remontrances qui nuiraient aussi à d’autres par notre faute… Mais notons surtout que, pour cette femme tout comme pour les Hébreux au désert, le Dieu qui s’adressa à eux leur donna nourriture autant que de besoin, tout comme un jour, ou même par deux fois, Jésus nourrira les foules, foule d’Israël et foule de païens de l’autre côté du lac. Et cela, ni la femme phénicienne ni les Hébreux ni les foules de Galilée ou de Décapole ne l’avaient mérité. C’était cadeau, et moyen pour Dieu, le Dieu de la vie, le Créateur des mondes, de se faire reconnaître.
La veuve de Sarepta reprend ainsi à son compte la même parole qu’Élie à Achab au début : « l’Éternel est vivant ! » Mais elle parlait ainsi avant de recevoir nourriture, avant de constater la puissance du Dieu qui « fait mourir et [qui] fait vivre » (1 Sam. 2 / 6), celui dont le psalmiste racontait : « Tous les animaux mettent leur espoir en toi, pour que tu leur donnes leur nourriture en son temps. Tu la leur donnes, et ils la recueillent ; Tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens. » (Ps. 104 / 27-28) Elle ne sait pas encore, elle n’a pas encore « regardé les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? », comme dira Jésus (Matth. 6 / 26). Alors, même si elle connaît le Dieu d’Élie, elle ne sait pas encore qu’il est aussi le sien, c’est pourquoi elle dit : « l’Éternel, ton Dieu, est vivant… » et qu’elle rajoute « je n’ai rien de cuit… » ! Elle se prenait pour Marthe, elle sera Marie (Luc 10 / 41-42). Elle pensait devoir faire, elle sera en situation de profiter – ce qui ne l’empêchera pas de cuisiner la nourriture reçue gratuitement, tout comme les dons de Dieu sont faits pour qu’on s’en serve. Elle est l’illustration de ce que Jésus expose dans le texte dit du « jugement des nations » (Matth. 25 / 31-46) : elle est de ceux à qui « le roi répondra : “En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait”. » (Matth. 25 / 40) Oui, les païens seront jugés sur ce qu’ils auront fait pour les frères et sœurs de Jésus… si vous tenez à cette image du Jugement.
Mais la question de la veuve n’est pas son jugement à la fin du monde ! Elle est en train de vivre la fin de son monde, de son enfant, de sa propre vie. Ce qui lui importe, très concrètement, c’est de manger, comme autrefois au désert ; manger pour ne pas mourir. Et c’est bien à cela qu’une fois de plus Dieu répond. Nourrie par la Parole de Dieu, nourrie de la Parole de Dieu. Or cela arrive, dit le texte, « selon la parole que l’Éternel avait dite par l’intermédiaire d’Élie. » Tout à l’heure je vous disais que le personnage principal de cette histoire, et d’ailleurs de tout le livre des Rois, c’était Élie. C’était faux : oubliez-le ! Le personnage principal de cette histoire et de tous les livres de la Bible, ce n’est pas Untel ou Untel, c’est Dieu ! Le personnage principal de ce qui nous arrive à nous, son peuple, ce n’est pas nous, ce n’est pas tel ou tel pasteur, tel ou tel synode, tel ou tel paroissien, c’est Dieu ! C’est donc vrai pour chacun de nous, comme pour chacune de nos communautés, de quelque nom qu’elles s’affublent. La question de savoir si nous sommes Élie, prophète du Dieu vivant, ou bien la veuve de Sarepta, n’est pas d’actualité pour nous dans ce texte, puisque les deux sont nourris par Dieu !
Nous sommes donc invités à réclamer à Dieu notre nourriture, comme les animaux du psaume 104 ! Mais nous sommes aussi invités à la recevoir de lui, quand bien même nous ou d’autres l’auraient produite ou cuisinée, car nous ne sommes justement pas que des animaux ! Et nous sommes invités à la recevoir comme l’image de la parole de Dieu par laquelle il se propose de nous faire vivre. Or cette parole, c’est Jésus-Christ lui-même, c’est Dieu lui-même en son Fils. Les auteurs du Nouveau Testament le savaient bien, que la manne tout comme l’eau du rocher étaient des figures de Jésus-Christ, nourriture spirituelle offerte gratuitement à tous ceux qui en ont besoin et qui la reconnaissent comme telle. Sans cette nourriture, comme le royaume d’Achab qui en est privé pour n’en avoir pas voulu, nous subirons la sécheresse et la famine. Ne la subissons-nous pas déjà ? Comme la veuve de Sarepta avant qu’elle ne rencontre Élie, sans cette nourriture nous mourrons, sans cette nourriture notre existence est vouée à la mort, chaque jour, chaque circonstance…
Nous avons reçu cette nourriture, cette Parole de Dieu, qui nous est montrée à travers l’Écriture, qui nous est signifiée par le pain et le vin de la cène, et qui est surabondante puisqu’il en reste 12 paniers ! Cette nourriture est inépuisable pendant les temps de disette que nous traversons dans cette vie et dans ce monde, comme la farine et l’huile à Sarepta-de-Sidon. Alors, que cette nourriture soit apportée par des corbeaux ou par des prophètes – car quand on a faim peu importe le canal – demandez-la et consommez-la, selon la parole de l’apôtre Pierre : « désirez comme des enfants nouveau-nés le lait non frelaté de la parole, afin que par lui vous grandissiez pour le salut, si vous avez goûté que le Seigneur est bon. » (1 Pi. 2 / 2-3). Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 18 juillet 2021