- Accueil
- Cultes et prière
- Prédications
- Évangile selon Luc 15 / 1-10
Évangile selon Luc 15 / 1-10
Partage
texte : Évangile selon Luc 15 / 1-10
premières lectures : Michée 7 / 18-20 ; première épître à Timothée 1 / 12-17
chants : 22-05 et 45-24
téléchargez le fichier PDF ici
Chers amis, en ce jour d’élections je ne vous ferai pas de discours sur les « brebis perdues » qui votent pour ceux-ci ou pour ceux-là, ce serait de très mauvais goût, et une trahison du texte biblique et de la Parole de Dieu, sans aucun doute. Votez donc selon votre cœur ou votre raison ou ne votez pas, mais laissez parler l’Esprit qui a des choses à nous dire à travers le texte de ce matin. Faites donc comme « tous les péagers et les pécheurs ». Pas seulement quelques-uns, pas ceux qui étaient par là, mais « tous » ! Gens ordinaires ou racaille, ils sont tous venus « entendre » Jésus parler, lui qui disait des choses pourtant un peu dures, un peu « carrées » juste avant. Il y avait aussi « des Pharisiens et des scribes », c’est-à-dire des gens qui se font un devoir de suivre les commandements de Dieu, et des gens qui connaissent bien la Bible. Eux ne sont pas tous là, ou alors ce sont seulement certains qui « murmurent » contre Jésus et tous « ces gens-là » qui sont venus. Peut-être, ayant entendu Jésus, ces « Pharisiens et scribes » avaient-ils apprécié son discours bien net : « toute personne d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qu’elle possède ne peut pas être mon disciple. » (Luc 14 / 33) Une parole radicale : « toute [personne] », « tout ce qu’il possède ». Peut-être ceux qui vont réagir ensuite ne se sont-ils pas sentis visés… ? Peut-être ont-ils pensé qu’eux avaient tout abandonné pour Dieu ?
Ne soyons donc pas comme eux. Sentons-nous visés, nous qui n’avons pas tout abandonné pour Dieu ! Nous qui faisons partie de « tous » ceux qui ne le font pas : ce sont eux qui viennent « entendre » Jésus maintenant. Mais bien sûr, vous le constatez, ceux qui sont venus entendre – pas ceux qui murmurent – sont précisément ceux dont Jésus va parler aux autres ! Nous ne sommes pas de ceux qui pensent être des purs, des disciples accomplis. Nous sommes de ceux qui savent qu’ils sont pécheurs, même si aucun d’entre nous n’est un fermier des taxes imposées par l’occupant romain ! Notre positionnement en tant qu’auditeurs de la parole de Jésus est important : il n’est pas possible d’entendre la même chose dans ces deux petites paraboles selon qu’on se sait pécheur ou selon qu’on se croit juste. Celui qui se croit juste, Pharisien chrétien d’aujourd’hui, regardera de haut la « brebis perdue », peut-être même s’apitoiera-t-il sur elle et voudra-t-il faire quelque chose pour elle, aller la chercher ou je ne sais quoi… Tandis que celui qui se sait pécheur n’aura pas de peine à comprendre que Jésus parle de lui.
Jésus parle donc maintenant à ses opposants, à ces gens pieux qui contestent le fait qu’il reçoive des gens qu’eux ne fréquentent pas de par leur religion et leur morale. Si nous sommes malgré tout de la même sorte que ceux à qui Jésus « explique » les choses, ou lorsqu’il nous arrive de l’être, alors prenons-en de la graine ! Jésus ne commence pas en disant : « Qui d’entre vous ? » mais « Quel humain d’entre vous ? » Ça commence fort. C’est l’humanité de ces gens qui est contestée par Jésus. La langue française nous joue des tours : il n’y a pas une parabole pour les « hommes » et une autre pour les « femmes », le parallélisme est volontairement tordu. Non, la première parabole parle bien d’êtres humains. Alors, soit ceux qui préfèrent garder « les 99 brebis dans le désert » en passant la 100e par profits et pertes sont des gens qui ont abdiqué leur humanité, soit ils font naturellement ce dont Jésus parle, étant des « humains » normaux, et alors ils sont bien sots de ne pas en tirer les conséquences qui sont celles que Jésus en tire !
Mais peut-être ne considèrent-ils pas la « brebis perdue » comme leur égale ? Eux sont des bergers, dans la parabole ! Des bergers ? Un seul est le Berger, dans la Bible, un seul est le Roi d’Israël, un seul est le Dieu des cieux ! Pour qui se prennent-ils ? Pour des « plus qu’humains » ? Le vrai Berger est plus « humain » qu’eux : il part chercher la brebis perdue, il laisse les 99 autres se garder mutuellement, à moins que ce ne soit le désert qui les garde, à moins que ce ne soit pour elles le désert en l’absence de celle qui s’est perdue, ou en l’absence du Berger ? Qui le dira ? Jésus ne s’en préoccupe pas. Pourquoi donc ? La Bible répond, comme toujours. David : « N’entre pas en jugement avec ton serviteur ! Car aucun vivant n’est juste devant toi. » (Ps. 143 / 2) ; l’Ecclésiaste : « Certes, il n’y a sur la terre point d’homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche pas. Ne prends donc pas à cœur toutes les paroles qu’on dit, de peur que tu n’entendes ton serviteur te maudire ; car ton cœur reconnaît que tu as toi-même bien des fois maudit les autres. » (Eccl. 7 / 20-22) ; et enfin Paul : « Quoi donc ! sommes-nous supérieurs ? Absolument pas. Car nous avons déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs, sont sous le péché, selon qu’il est écrit : Il n’y a pas de juste, Pas même un seul ; Nul n’est intelligent, Nul ne cherche Dieu. Tous se sont égarés, ensemble ils sont pervertis, Il n’en est aucun qui fasse le bien, Pas même un seul. » (Rom. 3 / 9-12), citant David encore (Ps. 14 / 1-3).
Ainsi, s’il n’y a « aucun juste » devant Dieu, comme Jésus tentera de le faire comprendre aussi aux accusateurs de « la femme adultère » (Jean 8 / 1-11) qui seront les mêmes « scribes et Pharisiens », alors c’est que les 100 brebis se sont perdues, et que le Berger part à la recherche de chacune, et que seule compte à ses yeux « la brebis perdue », non pas les 100, mais 100 fois l’unique qui vaut qu’il la cherche jusqu’au bout, qui vaut qu’il ait passé sa vie pour elle, qu’il ait donné sa vie pour elle. « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu », dira-t-il 4 pages plus loin à propos d’un péager notoirement pécheur, Zachée (Luc 19 / 10). La génération du désert est morte au désert sans avoir vu la Terre promise, parce qu’elle avait refusé d’écouter la parole de Dieu, qu’elle avait refusé d’y entrer (Deut. 1 / 19-40). Contrairement à ce que nous pensons spontanément, il y a comme un lien entre les pécheurs et la parole de Dieu, je veux dire : entre ceux qui se savent pécheurs, et ce que Dieu a à leur dire, tout comme il y a un autre lien entre ceux qui se croient juste et une autre parole de Dieu. La parole de Dieu pour les pécheurs qui « se repentent » est une parole de pardon, de restauration, tandis que la parole de Dieu pour ceux qui se croient justes ou pour ceux qui préfèrent leur propre justice à celle de Dieu est une parole de condamnation.
Mais qu’est-ce que c’est, « se repentir » ? En grec, c’est quelque chose comme « changer d’intelligence », en sachant que l’intelligence est concrète et pas dans la tête : c’est « changer de comportement », disent les traductions contemporaines. C’est se retourner complètement. Revenir. Revenir vers Dieu. Revenir de ses errements passés. Parfois on traduit aussi « se convertir », mais c’est un seul et même mot. Et ça concerne la personne dans sa totalité : imaginerait-on quelqu’un revenir, mais pas en entier ? C’est ridicule ! Notez bien qu’il n’est pas impossible que la brebis retrouvée se soit débattue avant que le Berger ait pu la récupérer ! Il a très bien pu y dépenser beaucoup de temps et d’énergie pour arriver à la sauver quand même, malgré elle. Ce qui n’aura pas empêché qu’ensuite, elle s’en trouve bien mieux, « sur les épaules » du Berger, que dans sa fuite ou sa détresse… Et si elle revient, ce n’est pas par ses efforts, mais par sa passivité, ou plutôt par son acceptation d’être maintenant là où elle est, sur les épaules en question !
Tous ceux qui sont ici comprennent, je pense, de quoi il est question, tout comme « tous les péagers et les pécheurs » de cette histoire. Nous avons tous éprouvé, nous l’éprouvons sans doute encore, combien le Seigneur nous aime pour en supporter autant à cause de nous pour venir nous chercher, nous sauver de nous-même, du péché et de la mort, et combien il doit supporter notre incapacité à vouloir sérieusement le suivre par nous-même ! Nous avons certes tourné la tête vers lui : impossible de l’ignorer, lui ! Mais il faut que tout le reste suive… Oui, il y a vraiment besoin qu’il se préoccupe de nous et nous sorte de là où nous sommes… Pour nous amener « à la maison » ! Chez lui. Chez nous. « Il arrivera, à la fin des temps, Que la montagne de la Maison de l’Éternel Sera fondée sur le sommet des montagnes, Qu’elle s’élèvera par-dessus les collines, Et que toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux s’y rendront et diront : “Venez, et montons à la montagne de l’Éternel, À la Maison du Dieu de Jacob, Afin qu’il nous instruise de ses voies, Et que nous marchions dans ses sentiers”. Car de Sion sortira la loi, Et de Jérusalem la parole de l’Éternel. » (És. 2 / 2-3) « Voici l’alliance Que je conclurai avec la maison d’Israël, Après ces jours-là – Oracle de l’Éternel – Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, Je l’écrirai sur leur cœur ; Je serai leur Dieu, Et ils seront mon peuple. Celui-ci n’enseignera plus son prochain, Ni celui-là son frère, en disant : “Connaissez l’Éternel !” Car tous me connaîtront, Depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand – Oracle de l’Éternel – Car je pardonnerai leur faute Et je ne me souviendrai plus de leur péché. » (Jér. 31 / 33-34)
Alors, certes, il y aura de la joie dans la Maison ! Mais dans la maison, justement, ne risquons-nous plus rien ? Non : si nous nous perdons, telle la pièce d’argent, nous restons dans la maison. C’est mieux d’être à notre place, et avec les autres, que dans les balayures ou l’obscurité. Comme je dis souvent, si maintenant nous tombons, nous ne tombons jamais que par terre, et non plus dans un précipice… Mais c’est une autre histoire : peut-être dans 6 ans, au retour de ce texte dans notre liste, votre serviteur s’il est encore là, ou son successeur, prêchera-t-il sur cette deuxième parabole qui n’a sens qu’après la première. On parlait de se diriger « vers la maison », et maintenant on y est ! Telle est sans doute la condition du chrétien : ressembler plus à la drachme qu’à la brebis, alors qu’avant, avant que Jésus le prenne sur ses épaules, il était comme la brebis… Mais pas de nostalgie : ne vaut-il pas mieux être dans la maison avec le Maître, plutôt que perdu loin de lui ?!
Nous sommes « devant les anges de Dieu » dans la joie du Christ ressuscité. Mais nous ne sommes pas spectateurs. Nous sommes l’objet-même de cette joie. Le mot, sous sa forme substantive ou sous sa forme verbale, « joie » ou « se réjouir », se trouve 5 fois dans notre texte, autant que de livres de la Torah ! Car oui, « les Pharisiens et les scribes » sont observants de la Torah, mais nous, nous avons été récupérés par le Seigneur de la Torah, qui est plus grand qu’elle. Et sa joie à lui est communicative : ses anges l’éprouvent à cause de nous, et nous aussi, à cause de lui ! Ne boudons pas notre plaisir, abandonnons aux Pharisiens de tous les temps une lecture moralisatrice de la parole du Christ, et fêtons avec lui dans la joie le salut dont nous n’étions pas dignes, mais qu’il nous a offert gratuitement à cause de son propre Nom. C’est en lui que nous pouvons dire : « Amen ! »
Raon-l’Étape – David Mitrani – 20 juin 2021