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Ésaïe 52 / 13 – 53 / 12
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texte : Ésaïe 52 / 13 – 53 / 12
première lecture : Évangile selon Jean 19 / 14-30
chants : 33-13 et 33-26
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« Le Roi des Juifs » ? Quel drôle de roi, quel triste roi… Pilate avait voulu narguer les grands-prêtres juifs et se venger de leur mauvaise foi – dans tous les sens de cette expression. Il a seulement été prophète ! Mais cette prophétie n’est pas reçue. Si vous parlez aujourd’hui de Jésus – je veux dire de sa mort ignominieuse – juifs et musulmans vous sauteront dessus en criant au blasphème. Les premiers pensent que la prophétie d’Ésaïe parlent d’Israël. Les seconds n’imaginent pas que « Jésus fils de Marie », comme ils disent, ait pu mourir ainsi.
Et nous ? En dehors de l’habitude que nous en avons, cette mort ne nous choque-t-elle pas ? Ésaïe pourtant nous la décrit de manière réaliste : humiliation, mépris, souffrance, abandon, et incompréhension du sens de cela… Tout comme Job dans le livre qui porte son nom… Serions-nous comme les « amis de Job », à justifier l’injustifiable et à nier le sens ou plutôt le non-sens de cette mort ? À moins que, comme les musulmans, nous n’y croyions pas vraiment : après tout, puisqu’il était Dieu et qu’il est ressuscité ensuite, c’est qu’il n’est pas vraiment mort, ce n’est qu’une apparence, ce n’était pas lui…
Mais les textes bibliques sont bien clairs : il est vraiment mort, et il est vraiment mort comme ça. L’Écriture a été accomplie dans cette mort, tout l’amour du Créateur pour sa création, tout l’amour du Père pour son Fils et pour ceux qui lui font confiance, oui, tout cet amour par lequel nous vivons a pris corps dans cet événement, dans cet homme, dans ce corps supplicié – c’est à ce corps-là que nous avons communié tout à l’heure ! Il nous faut prendre garde de l’oublier.
Car si nos propres souffrances n’ont généralement guère de sens, les siennes non plus. Et pourtant, c’est par ses souffrances, c’est par cette mort, que nous sommes en vie, corps et âme, pour l’éternité. Pas par notre nature qui, elle, est mortelle. Pas par nos œuvres qui ne sont que notre autojustification et qui nous mènent elles aussi à la mort, même les meilleures d’entre elles. Si la théologie peine à trouver des explications convaincantes, c’est qu’il n’y en a pas selon nos catégories à nous. C’est un pur acte d’amour, donc totalement désintéressé, totalement à notre profit à nous – c’est exactement ce dont nous sommes incapables !
Pierre l’exprimait bien dans le récit du lavement des pieds lors du dernier repas de Jésus avec ses disciples (Jean 13 / 1-15. 34-35 lu au début du culte) : il était incapable de comprendre un tel amour, il était même incapable de l’admettre. Il est à notre image. La seule réponse de Jésus fut alors quelque chose comme « tais-toi et profites-en ! ». Voilà ce à quoi nous sommes appelés dans un premier temps : ne pas chercher à comprendre, ne pas chercher à justifier ce qui n’a sens que dans la vision et l’action de Dieu, nous taire et dire merci, nous taire et profiter, recevoir un tel amour et en vivre, à chaque instant.
Dans ce récit il y a un deuxième temps : « faites de même, aimez-vous les uns les autres. » C’est ce qu’Ésaïe annonce : « il verra une descendance. » Nous sommes cette descendance du Juste souffrant, du Christ sacrifié, lorsque, dans la foi en lui, dans la confiance que sa mort est notre vie, et que c’est fait une fois pour toutes, oui, lorsque nous autres nous vivons le même amour entre nous.
Ce n’est pas plus facile que d’admettre que la mort scandaleuse de Jésus est notre vie bénie. Pourtant c’est ce que cette mort nous permet de vivre lorsque nous lui sommes fidèles. La foi ne consiste pas à savoir ces choses, mais elle nous permet de les réaliser, un peu, dans nos existences concrètes, comme le Christ les a réalisées, pleinement, dans son existence concrète à lui. Notre vie est bénie non par richesse, pouvoir, santé, famille, etc., mais par amour reçu et par amour donné. L’Église elle-même n’est pas bénie par le nombre de ses membres ou la santé de ses finances, mais par l’amour mutuel entre nous. Autant dire que notre foi doit travailler à cela !
Pour le dire avec les mots de Pilate, Jésus, Jésus crucifié, sera-t-il notre roi, ou bien, comme le proclamaient les grands-prêtres de Jérusalem, n’avons-nous pas d’autre roi que les valeurs du monde ? Quel est le moteur de nos vies – même si ce moteur a parfois concrètement des ratées… Est-ce notre propre intérêt, ou bien est-ce ce que la mort de Jésus nous a acquis ? La réponse consiste en choix concrets, en fraternité, en éthique, ce qui constitue l’efficacité ou pas de notre témoignage chrétien. Jésus est allé jusqu’au bout. Serons-nous crédibles, en nous en remettant totalement à lui, comme lui au Père ? Amen.
Saint-Dié (Vendredi saint) – David Mitrani – 2 avril 2021