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Évangile selon Luc 16 / 1-9
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texte : Évangile selon Luc 16 / 1-9
première lecture : Épître aux Romains 14 / 7-13
chants : 181 (Arc-en-ciel) et « Rien ne pourra jamais »
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Parole. Justice. Jugement. « L’Éternel des armées est un juste juge qui sonde les reins et les cœurs », confessons-nous avec le prophète Jérémie (11 / 20) … Mais nous ne savons pas ce que ça veut dire ! Entre trembler de peur et croire que tout ceci est anodin, nous ne savons pas comment nous situer face au Jugement qui vient. « Car il vient pour juger la terre ; Il jugera le monde avec justice, Et les peuples avec droiture. L’Éternel règne : les peuples tremblent… » (Psaumes 98 / 9 – 99 / 1) Mais si nous savons ce qu’est un jugement, nous hésitons quant à celui-ci, et nous nous posons des questions sur la justice qui s’y exercera. Ne savons-nous pas que le Juge a remis le jugement à notre Défenseur, le Christ, et qu’il a mis à la porte l’Accusateur, le Satan ? Certes. Mais quand même, nous connaissons aussi notre manque de foi la plupart des jours, nous avons conscience que nous n’avons pas respecté ni Dieu ni sa justice contenue dans les commandements…
Plutôt que de faire de la théorie, Jésus nous a montré par des images et des paraboles ce qu’il en est. Ainsi de la parabole de l’intendant, que nous avons réentendue. La « morale », comme on dit, en est étrange et assez… immorale ! Mais telle est la justice de Dieu aux yeux des humains. Déjà à l’époque des prophètes, les Israélites ne reprochaient-ils pas à Dieu son injustice, et lui de leur retourner le compliment ? « La maison d’Israël dit : “La voie du Seigneur n’est pas normale”. Seraient-ce mes voies qui ne sont pas normales, maison d’Israël ? Ne seraient-ce pas plutôt vos voies qui ne sont pas normales ? » (Ézéchiel 18 / 29)
Qu’est-ce qui est reproché à l’économe de cet homme riche ? De dilapider ce qui appartient à son maître. Et que fait-il pour s’en sortir en se faisant des amis qui pourront s’occuper de lui après qu’il aura été renvoyé ? Il continuer à dilapider les biens de son maître ! Certes, ce n’est plus à son propre avantage direct, mais à celui des débiteurs de son maître. Pour celui-ci, le résultat est le même : la perte de ses richesses ! Et pourtant il félicite « l’économe injuste », comme l’appelle Jésus, l’économe dont Julien Clerc a repris les paroles, vous savez bien : « Travailler, c’est trop dur, et voler c’est pas beau. D’mander la charité, c’est quéqu’ chose j’peux pas faire. Chaque jour que moi j’vis, on m’demand’ de quoi j’vis, J’dis que j’vis sur l’amour, et j’espère de viv’ vieux ! » La conclusion du chanteur n’est pas si loin que ça de celle de la parabole ! « Faites-vous des amis avec les richesses injustes… »
C’est que ces « richesses injustes » vont disparaître. « Richesse » se dit « Mammon » dans le texte. Et c’est seulement 4 versets plus loin que Jésus dira à ses disciples : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (v. 13) « Servir » comme un esclave, comme appartenant à. On ne peut appartenir à la richesse et à Dieu en même temps : c’est l’un ou l’autre… Le jugement révèle cette incompatibilité. La morale de l’histoire se comprend mieux ainsi : servez-vous des « richesses injustes », mais ne les servez pas ! « L’économe injuste » était esclave de la richesse de son maître, qu’il convoitait, détournait à son profit. Se prenant pour le maître qu’il n’était pas, il s’est fait lui-même esclave, changeant de maître : non plus son patron, mais la richesse acquise malhonnêtement sur le dos de son maître !
Il est juste alors de louer son astuce finale : devant la perspective de n’avoir plus de maître, il a renversé son rapport à la richesse, il en est devenu maître – même si ce n’était pas la sienne : elle reste donc « injuste » – il n’en est plus esclave, il se sert d’elle… C’est maintenant qu’apparaît un jeu de mots, évidemment intraduisible : dans « les enfants de ce siècle », le mot « siècle », « monde », est le même que le mot « éternel » dans « les tabernacles éternels ». Ce qui dit bien deux logiques, deux mondes, deux manières de fonctionner, ce qui recoupe l’opposition entre Dieu et Mammon : il y a la logique de ce monde-ci, logique d’esclaves, et il y a la logique du Royaume de Dieu, logique de liberté, logique d’enfants de Dieu.
Le jugement est là. On pourrait alors dire avec Moïse : « Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, pour aimer l’Éternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix et pour t’attacher à lui : c’est lui qui est ta vie et qui prolongera tes jours. » (Deut. 30 / 19-20) Tu as le choix entre l’esclavage et la liberté, ne sois pas bête ! Mais… si, nous le sommes ! Nous aimons l’esclavage, nous pensons que c’est la solution de facilité, comme les Hébreux quand ils erraient dans le désert en regrettant l’Égypte (Nombres 11 / 4-6). Le jugement est là : il nous faut réaliser que nombre de choses que nous considérons comme des richesses sont en fait des esclavages lorsque nous les vivons à la manière de tout le monde… Je vous laisse en faire la liste pour vous-mêmes…
Mais l’Évangile est là pour nous redire qu’un autre fait le choix à notre place, il nous a libérés de tout esclavage, si nous acceptons qu’il l’ait fait pour nous. Et la parabole nous montre le fruit de cette libération : l’intendant libère les autres de leur dette ! Étant devenu maître et non plus esclave, il peut user de cette maîtrise, de cette seigneurie, pour contribuer à libérer d’autres esclaves des « richesses injustes » dont ils sont prisonniers. Car si on peut être prisonnier de la richesse qu’on a, on peut l’être aussi de celle qu’on n’a pas, de celle qu’on doit rendre… Beaucoup autour de nous sont ainsi prisonniers d’avoir ou de manquer. Si nous, nous nous savons libres parce que libérés par le Maître, le Seigneur – c’est là le jugement – alors sachons manifester cette liberté, sachons vivre libres, sachons aimer, puisque nous avons-nous-mêmes été aimés ! Amen.
en confinement (Raon-l’Étape) – David Mitrani – 15 novembre 2020