Deuxième livre des Chroniques 5 / 2-5. 12-14

 

texte :  Deuxième livre des Chroniques 5 / 2-5. 12-14

premières lectures :  Psaume 136 / 1-4. 10-11. 16-17. 21-26 ; épître aux Colossiens 3 / 12-17

chants :  136, 92 et 44-15

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« Car il est bon, car sa bienveillance dure à toujours ! » Ce refrain du psaume 136, qui démarre aussi quelques autres psaumes, ne devrait-il pas être toujours sur nos lèvres ? En tout cas dans nos cœurs et nos pensées ? Sans doute. Ce qui nous est donné à voir aujourd’hui, c’est l’installation de l’arche d’alliance dans le tout nouveau Temple de Jérusalem, achevé par Salomon, selon le livre des Chroniques. Il y a beaucoup de prêtres – de « sacrificateurs », comme traduisait Louis Segond… Et il y a beaucoup de Lévites : ce sont eux qui chantent, c’est leur office ! Que dirons-nous de notre protestantisme ? Qu’il se passe très bien de sacrificateurs, et que tous les fidèles remplissent l’office des Lévites, certains avec instruments, d’autres simplement avec leur voix ! Ce serait déjà une bonne définition de l’Église, et de pourquoi les cérémonies religieuses ne peuvent pas se passer seulement par internet ou bien à la maison. Certes nous n’avons pas besoin d’aller au temple pour prier : nos temples ne servent pas à ça…

 

Mais comment notre chœur pourrait-il chanter – je veux dire : comment l’Église pourrait-elle faire entendre la louange de son Dieu, si elle ne se réunissait pas ? Je puis, égoïstement, me passer d’y participer, rester chez moi. Je puis même tâcher de me justifier en prétextant l’indignité des autres chrétiens ! Mais c’est alors que j’aurais sans doute besoin de me regarder un peu mieux moi-même – vous savez : l’histoire de la paille et de la poutre… (Matth. 7 / 1-5) Non ! pas d’autre excuse que mon orgueil, si je ne participe pas au chant commun, c’est-à-dire simplement à la vie de l’Église, à son culte, à ses rencontres spirituelles ou fraternelles, etc. L’Église alors existera sans moi, chantera sans moi, même si mon absence s’y fait sentir, même si mes frères et sœurs doivent se contenter que je leur manque… Vous me direz que l’Église n’est pas une chorale ! Certes, et c’est bien de l’Église que je vous parle, pas de la chorale… C’est bien de la communauté, de la nécessaire communauté. Oh, pas nécessaire à mon salut, c’est vrai. Mais nécessaire à mon témoignage, nécessaire à mon éducation, nécessaire à faire de moi un adulte dans la foi, ce dont j’ai bien besoin tout au long de ma vie… J’ai bien besoin de mes frères et sœurs tout au long de ma vie. Et dire que certains d’entre eux me privent de ceci…

 

D’aucuns argueront alors de leur propre indignité : ils ne savent pas prier, pas lire la Bible, n’ont pas les moyens de verser une offrande, n’aiment pas manger en collectivité, bref : ne savent pas bien ce qu’ils pourraient apporter aux autres ou recevoir d’eux. Qu’ils se rassurent : à peu de choses près, leur pasteur est comme eux, et jusqu’à maintenant ça ne l’a pas empêché, justement, de prier mieux avec les autres que seul, de mieux comprendre la Bible en la leur présentant, de verser ce qu’il peut au budget de la paroisse, et de bien profiter avec d’autres de la nourriture préparée par de meilleurs cuisiniers que lui ! Tout comme d’ailleurs je chante beaucoup moins faux depuis que des chorales me supportent en leur sein… Les Lévites du Temple de Jérusalem étaient spécialisés : chacun, chaque groupe, avait un instrument particulier. Il en est de même en Église : relisez Romains 12 et 1 Corinthiens 12… Si Dieu a fait de chacun de nous ce qu’il est, c’est pour qu’il en joue au bénéfice de tous, c’est pour que chacun soit utile à tous (1 Cor. 12 / 7).

 

Il ne s’agit pas, en fait, d’avoir un instrument, mais d’être un instrument ! Comme dans une chorale plutôt que dans un orchestre… Je ne sais pas qui est ou sera une trompette, une cymbale, ou même, pour utiliser ces mots de la Bible dont je ne sais pas à quoi ils correspondent : une guittith, un chalumeau… Je ne sais pas, mais Dieu sait. Dieu connaît ce qu’il a donné à chacun, afin que personne dans l’Église n’ait le droit de dire qu’il n’a reçu aucun don. Bien sûr tout le monde n’a pas un ministère à exercer, formé et reconnu. Mais « que chacun donc s’examine soi-même » afin de « discerner le corps », comme Paul l’écrivait à propos de la cène (1 Cor. 11 / 28-29), qui est le repas qui nous constitue comme Église. Que chacun, devant Dieu, puisse se demander tout au long de sa vie à quoi Dieu l’appelle maintenant, qu’est-ce que Dieu a fait de lui ou d’elle afin que les autres puissent en profiter.

 

Vous me direz aussi : le but de la vie chrétienne est-il donc de s’enfermer dans l’Église, avec les autres qui sont comme moi, afin de nous couper de la « vraie vie » ? Certes pas. D’ailleurs notre texte nous le dit clairement : alors-même que nous sommes réunis pour chanter et louer Dieu, sa présence se manifeste et elle nous pousse dehors ! Ainsi les prêtres n’ont-ils plus de place au Temple, et se retrouvent-ils dehors… Car si les chrétiens, qui sont tous rois et prêtres, ont besoin de se réunir pour ensemble acclamer le seul Roi, l’unique prêtre qui a donné sa vie pour tous, c’est pour pouvoir, nourris de lui et de sa parole, se retrouver dehors, dans le monde, afin de témoigner de lui en paroles et en actes, par amour et service de ceux qui ne le méritent pas plus que nous, mais qui en ont tout autant besoin. Nous ne « brillerons » bien, « toi dans ton coin sombre et moi dans le mien », que si nous y avons pris des forces, et ceci ne se fait qu’ensemble, qu’en Église, tout comme la sainte cène ne se prend qu’ensemble, en Église, et non pas derrière sa télé ou son ordinateur.

 

Nous vivons actuellement un temps de jeûne, non pas forcément dans notre relation personnelle à Dieu, mais dans notre relation communautaire à Dieu. Je dis bien : relation communautaire à Dieu, et non pas d’abord les uns aux autres… Ce n’est pas moi qui suis « l’épouse » du Christ, mais c’est l’Église, dont je ne suis qu’un membre, un membre spécialisé. Ma relation à Dieu n’est satisfaisante qu’en tant que membre de l’Église : n’est-ce pas le sens de ne célébrer des baptêmes que lors des cultes de la paroisse ?! S’il m’adopte par son baptême, c’est pour me faire entrer dans sa famille, pas pour me laisser seul dans mon coin… C’est pour que, « pierre vivante » (1 Pi. 2 / 5), je sois là lorsque « la gloire de l’Éternel remplit la maison de Dieu », cette maison qui n’est pas moi seul, mais l’Église rassemblée. Puisse donc ce jeûne se terminer bientôt, afin de nous retrouver ensemble devant lui, en lui.

 

« Car il est bon, car sa bienveillance dure à toujours ! » Cette phrase n’est qu’un refrain, les couplets sont constitués du rappel des « merveilles » de Dieu… et vous en faites partie ! David chantait : « Je te célèbre, car je suis une créature merveilleuse ; tes œuvres sont des merveilles. » (Ps. 139 / 14) Ce n’est pas seulement par introspection que je sais ce que je suis, mais aussi en regardant les autres et en m’émerveillant à leur sujet, eux comme moi enfants du Père céleste. Le refrain des Lévites dans le Temple autrefois, ce rappel incessant de la bonté et de la fidélité de Dieu envers son peuple, c’est aussi la contemplation que chaque croyant fait de ce peuple auquel il appartient. C’est par l’Église, par l’Esprit donné à l’Église, que je sais qui je suis, que je me connais comme enfant de Dieu, et que je puis sortir du temple en chantant et en proclamant ce que Dieu a fait pour nous, pour moi. Amen.

 

(Saint-Dié) en confinement  –  David Mitrani  –  10 mai 2020

 

 

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