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Évangile selon Jean 3 / 14-21
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texte : Évangile selon Jean, 3 / 14-21 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Nombres, 21 / 4-9 ; épître aux Romains, 5 / 1-11
chants : 43-04 et 43-05 (Alléluia)
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Frères et sœurs, dans notre ancienne Déclaration de foi, ce verset était confessé comme central pour l’Évangile, que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » Hier au Conseil presbytéral, nous avons débattu de la foi, de la place du Christ, de qu’est-ce que c’est qu’être chrétien. Ce verset dit les choses de manière claire : la foi, ce n’est pas d’abord ma place à moi devant Dieu, c’est d’abord le don que Dieu nous a fait en Jésus-Christ de sa propre vie. Le chrétien est alors non pas celui qui est de culture chrétienne, ni même qui signerait une confession de foi orthodoxe, mais celui qui fait confiance à Jésus, à ce don de Dieu, et qui reçoit de lui la plénitude de la vie, dès maintenant. C’est que nous en avons besoin : nous sommes incapables de Dieu, nous sommes incomplets sans ce qu’il a à nous donner.
En fait, nous sommes comme les Hébreux jadis au désert, qui, eux, récriminaient contre Dieu et contre Moïse, et que les serpents brûlants faisaient mourir. Manière de dire que, sans Dieu, quand nous nous refusons à lui, alors nous sommes morts, même si, de dehors, ça ne se voit pas… Notre incomplétude fait partie de nous, elle nous est nécessaire pour recevoir la vie de Dieu dans la communion de Jésus-Christ. Mais il nous faut l’accepter, à l’inverse du péché originel. Il faut accepter de n’être pas des dieux se suffisant à eux-mêmes. Ça doit vous sembler évident. Mais tout dans notre société, comme dans la société antique d’ailleurs, dans la civilisation gréco-romaine dont nous sommes aussi héritiers, tout va dans l’autre sens, tout va dans le sens de refuser l’incomplétude humaine, et de la rejeter violemment quand elle nous saute au visage. Je ne parle même pas du rejet des femmes dans une catégorie minorisée ; mais déjà les personnes handicapées, ou atteintes par la maladie, physique ou mentale, par le chômage, etc. Tout ceux dont il nous semble qu’il leur manque quelque chose, à nous qui sommes censés être des mâles jeunes, bien portants et socialement au top… Bon, nous n’en sommes pas, d’accord ! Que dire aussi de ceux qui cherchent à répondre à leur problème d’identité en réclamant le droit à l’enfant pour tous et pour chacun, hors couple, hors sexualité, par pur confort, par un droit totalitaire fondé seulement en eux-mêmes.
Mais cette idéologie nous a gagnés : ainsi nous nous considérons nous-mêmes comme inférieurs ou infériorisés. Alors que notre incomplétude est normale ! Et ce n’est pas le sport, ou les médicaments, ou la chirurgie, ou l’abrutissement au travail ou dans l’engagement, jaune, rouge, vert ou noir, qui vont résoudre quoi que ce soit. Non. Cette incomplétude humaine est un appel au Christ, qui est l’homme parfait parce que son incomplétude naturelle a rencontré Dieu. De même que les Hébreux mordus par les séraphins avaient besoin de regarder le serpent de bronze, de même nous avons besoin non pas de nos droits ou de nos œuvres, mais de regarder au Christ lui-même, pour qu’il porte notre manque avec nous jusqu’au Père céleste. Ce qui nous est promis ainsi est la plénitude de vie : non pas la divinité, mais la pleine humanité, reconnaissant qu’elle a besoin de Dieu, et reconnaissante de ce qu’il s’est offert à elle en Jésus-Christ. On comprend alors l’alternative posée dans cet extrait de l’évangile de Jean par-delà les conceptions courantes d’un Jugement dernier.
En effet, la différence se fait toute seule entre la personne qui fait confiance au Christ, à lui seul, pour l’amener à la perfection inatteignable sans lui, atteignable seulement en Dieu – et Jésus est le seul chemin, pas la religion, pas la méditation, pas les œuvres pies ou morales ! –, et celui qui met sa confiance en lui-même ou en personne ou n’importe où ailleurs. La différence se fait toute seule, sans qu’il soit besoin d’en appeler à la mythologie et au « Jugement dernier » qui n’est dernier que parce qu’il intervient alors à chaque instant. Oui, à chaque instant, je suis soit celui qui fais confiance et qui en vis, soit celui qui refuse de faire confiance et qui suis mort. Nous ne sommes pas une secte, dans laquelle les bons sont dedans et les méchants dehors, une fois pour toutes. Mais chacun de nous « vient à la lumière », s’approche de Jésus, de sa croix, dressée comme jadis le serpent de bronze. Et nous savons bien, par expérience, que nous ne savons pas y rester, mais que sans cesse nous nous en éloignons à nouveau. Le chemin est sans cesse à reprendre, encouragés que nous pouvons être par les moments parfois fugitifs, parfois durables, où nous sommes en communion avec lui, recevant alors pleinement la vie éternelle. Nous ne serons libérés de notre éloignement récurrent que lorsque le péché aura disparu de nous, pas avant notre mort sans doute.
En attendant, c’est la certitude que la vie éternelle nous est promise, offerte, à nous qui nous approchons de Christ – ce que tout être humain est appelé à vivre – c’est cette certitude qui nous guide et nous permet de tenir dans toutes sortes de « tribulations », pour le dire comme la traduction de Louis Segond. Nous avons été aimés sans en être dignes, et c’est là notre force. Dans cet amour qui s’est manifesté à la croix. Comme Jean l’écrivait dans ses lettres, « cet amour consiste non pas en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et qu’il a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. » (1 Jean 4 / 10) Il ne faut jamais oublier ceci, ni pour nous-mêmes ni pour les autres ni pour notre Église : l’initiative est à Dieu, et elle a eu lieu, il nous aime aujourd’hui parce qu’il nous a aimés en Jésus-Christ, et l’instrument de cet amour, c’est le don de lui-même sur la croix. Nous sommes toujours déjà précédés par cet amour qui nous atteint et nous attire. Là où tout nous attire vers le bas, vers la mort, vers le désespoir, vers le tréfond de nous-mêmes, le Christ nous attire vers dehors, vers le haut, vers la vie, vers son amour à lui.
Le nôtre ne peut intervenir, et encore bien faiblement, qu’en réponse, qu’en second. Saisir la main tendue qui nous fait sortir de la fosse est-il d’ailleurs une réponse ? C’est plutôt une nécessité vitale… « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », dit Jésus (Jean 15 / 5). Et pourtant, même chrétiens, même Églises, nous essayons toujours, comme si nous ne savions pas que ça ne marchera pas… Nos sentiments, nos efforts, nos structures, notre piété et nos actes de bonté, tout ceci ne pèse rien et peut même hélas servir à nous cacher la réalité de l’amour de Dieu pour les pauvres pécheurs que nous sommes, nous et nos Églises. S’en remettre à Dieu sans honte, sans crainte : « il sait de quoi nous sommes faits, il se souvient que nous sommes poussière », chantait le psalmiste (Ps. 103 / 14). Sa lumière met-elle au jour notre misère ? Qu’importe, puisque c’est pour vivre et non pour un jugement ! « Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu, et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce » (1 Pierre 2 / 4-5a). C’est lui qui accomplit et qui accomplira ce miracle. « Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » Amen.
Raon-l’Étape (avant l’A.G.) – David Mitrani – 17 mars 2019