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Ésaïe 35 / 3-10
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texte : Ésaïe, 35 / 3-10 (trad. Chouraqui)
premières lectures : Évangile selon Luc, 21 / 25-33 ; épître de Jacques, 5 / 7-11
chants : 31-10 et 31-29 (Alléluia)
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Comme je vous le dis bien souvent, la Bonne nouvelle est réjouissante, et nous en avons bien besoin, d’une part parce que nous sommes individuellement moroses pour des tas de raisons, et d’autre part parce que la période dans notre pays ne porte pas à sourire. La Bonne nouvelle est réjouissante, mais elle ne nous extrait pas de notre contexte. Elle nous y renvoie, mais autrement. Elle nous prend comme nous sommes, et elle nous renvoie différents de ce que nous étions lorsque nous sommes venus. Elle est une puissance de transformation de nous autres et du monde. Encore faut-il la recevoir et pas seulement l’entendre… Mais ça, nous devrions savoir faire ! En effet, la moindre des nouvelles entendues nous fait réagir, parfois sans même que nous cherchions à en vérifier la véracité. Vous savez, la triple passoire de Socrate : est-ce que c’est vrai, est-ce que c’est bon, est-ce que c’est utile ? … Je ne sais pas si certains d’entre vous vont souvent sur les réseaux sociaux : Facebook et les autres, mais c’est affligeant, la quantité de « fake news », d’informations fausses et méchantes, qu’on y trouve, et tout le monde suit, réagit, proteste, répète à l’envi, diffuse largement…
Mais rappelez-vous : quand il n’y avait pas internet, il y avait de mauvais journaux imprimés sur du mauvais papier avec de la mauvaise encre, et ils faisaient la même chose déjà, et beaucoup de gens les lisaient et les répétaient… Mais ils tachaient les mains, donc on pouvait se douter de quelque chose ! De tout temps, nous réagissons à ce que nous entendons, mais nous avons plus de peine avec la Bible. Pourquoi ? Pourquoi ne la traitons-nous pas au moins comme n’importe quel livre, comme n’importe quel journal ? Elle est plus que ça, oui, mais elle est au moins ça. Elle nous annonce des événements, nous donne des nouvelles, elle tente de nous faire réagir, de nous faire agir, tout simplement. Son message de base est donc simple : « le Seigneur vient ». Pas les « gilets jaunes », pas la police : « le Seigneur » ! Mais ici – puisque c’est une bonne nouvelle, une exaltante perspective – la réaction normale ne sera pas de se cacher, comme Adam au jardin (Gen. 3 / 8-10). Elle ne sera pas de se reculer, comme le peuple hébreu au pied de la montagne d’où parlait Dieu (Deut. 5 / 25-26), ou comme Pierre dans la barque après une pêche miraculeuse commandée par Jésus (Luc 5 / 8). La réaction normale à une bonne nouvelle est une réaction positive, et elle est double : c’est d’en parler, et c’est de faire ce qu’elle énonce.
Comme je vous le dis aussi souvent, l’Évangile est en fait non seulement une bonne nouvelle, mais plus strictement une « bonne annonce ». Une annonce s’annonce, elle ne se tait pas. Faisons comme les réseaux sociaux et les discussions de bistrot : annonçons l’annonce que nous avons reçue ! Mais pour être crue par d’autres, cette annonce se doit d’être vécue, si l’on ne veut pas être pris pour des marchands de poudre aux yeux. Le premier verset de notre passage du prophète est fort clair : « Renforcez les mains relâchées, affermissez les genoux qui trébuchent. Dites aux cœurs pressés : “Soyez forts. Ne frémissez pas. Voici votre Dieu ; la vengeance vient, la rétribution de Dieu. Lui-même vient, il nous sauve.” » Parce que cette annonce nous rend forts, nous sommes à même d’encourager d’autres gens, de les rendre forts eux aussi. Il faut donc que cette annonce nous rende forts, il faut bien que nous l’ayons nous-mêmes non seulement entendue, mais reçue, crue. Il faut que nous fassions confiance à cette annonce : « le Seigneur vient ».
Comme vous le savez, la question n’est pas quand ou comment : je n’en sais rien et je ne m’en soucie que fort peu… Mais je le crois, je fais confiance à cette annonce-ci, et donc je l’attends, j’attends cette réalisation de la promesse divine. Et l’attendant, l’espérant, elle opère déjà en moi. L’attendant, l’espérant, elle se réalise par là-même à cause de Christ. « Sauvés par grâce, par le moyen de la foi » (Éph. 2 / 8) : c’est ça ! « La foi, c’est l’assurance des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit pas. » (Hébr. 11 / 1) Espérez-vous la venue du Seigneur ? Rappelez-vous donc ces gens, dans les évangiles, qui avaient autre chose à faire lorsque le Seigneur les avait invités… (Luc 14 / 18-20) Ne soyons pas comme eux. Lorsque le Seigneur n’est pas là, notre veille peut se permettre d’être à éclipses ! Mais lorsqu’il s’annonce, nous avons intérêt à ne pas faire passer avant lui d’autres priorités, car alors c’est lui qui n’est plus prioritaire ! Avez-vous d’autres priorités plus importantes, plus prioritaires, que la venue du Seigneur ?
Oui. Moi, oui, malheureusement. Je ne suis pas 100 % au top… Je gaspille souventes fois le temps et l’énergie que le Seigneur m’a donnés. Alors je me décourage, à mon propos ou à propos des autres, du monde, etc. C’est n’importe quoi… Mais je sais que c’est n’importe quoi. Alors je vous le dis, pour qu’ensemble nous soyons plus forts, que nos « mains relâchées » reprennent leur travail, que nos « genoux qui trébuchent » s’affermissent pour marcher sur la bonne route et jusqu’au bout ! Alors nous pourrons, nous pouvons, en renforcer d’autres, en raffermir d’autres. Alors les « cœurs pressés » – comme traduisait André Chouraqui – ou « troublés » – selon Louis Segond – pourront-ils se calmer, se rassurer, s’assurer dans la vérité de cette parole qui met en marche parce qu’elle croit ce qu’elle espère. Dieu ne vient pas compter nos désobéissances, nos lâchetés, la grandeur de notre péché. Il les sait… Il vient rétribuer la confiance que nous avons mise en lui, même si elle est à éclipses !
La venue du Seigneur nous transforme, je vous l’ai dit. Lui, il n’attend pas que nous le voyions, que nous l’entendions. Il n’attend pas que nous avancions, que nous le chantions. Il sait que nous en sommes profondément incapables, ou alors que nous faisons semblant. Non, il n’attend pas, il vient, et c’est lui qui nous fait voir et entendre, c’est lui qui nous fait avancer et chanter. Il transforme la nature, il transforme notre nature, je vous le disais : il fait de nous autre chose que ce que nous étions sans lui. Et sur cette route, il n’y a pas d’obstacles, car il est lui-même la route : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », dit Jésus, « nul ne vient au Père que par moi. » (Jean 14 / 6) Sa mort a entraîné tous les obstacles dans la mort et le néant ; sa résurrection a ouvert pour nous la route, route sans obstacles, sans dangers, sans ennemis. Et au bout : « l’exultation, la joie », car se sont « enfuis l’affliction, le gémissement » …
Voilà, nous sommes prévenus. Mais le voulons-nous ? Bon, je sais bien que la question est étrange. Voulons-nous être heureux, la question ne se pose pas. Eh bien si. Parce que nos comportements manifestent souvent que nous ne le voulons pas, parce qu’il y a dans nos malheurs des choses auxquelles nous ne voulons pas renoncer. Je ne vais pas jouer les psys et vous montrer ce qui, chez moi ou chez vous, fait que nous préférons rester attachés à ce qui ne nous va pas, plutôt que d’accepter d’être changés en gens heureux. De toute façon, c’est vrai aussi dans la vie sociale. Quelque part nous nous laissons définir par ce qui nous arrive, et ensuite, ça nous colle à la peau, non seulement aux yeux des autres, mais aussi à nos propres yeux. Je suis qui je suis parce que telle chose m’est arrivée… et, donc, ne me l’enlevez pas !!! C’est une attitude suicidaire à la fois pour nous-mêmes et pour nos relations sociales.
Pourtant nous craignons le changement. Aimer les ennemis d’hier. Être transformés dans le regard d’autrui. Ne plus être celui ou celle qui boit ou qui fume ou qui ne garde jamais un travail ou qui jette l’argent par les fenêtres ou qui… etc. Être soi-même devant Dieu et devant les autres tel que Dieu nous voit, son fils ou sa fille bien-aimé. Et par là-même être digne de marcher la tête haute vers le Père sur la « route du sanctuaire », la « voie sainte » – traduisez comme vous voulez. Être capable d’affermir mon voisin, mon ami, alors que je n’ai pas été capable de m’affermir moi-même ! Oui, mais c’est normal. Personne n’est capable de s’affermir soi-même. De s’enfermer soi-même, ça oui. Ou de s’affirmer contre les autres, oui, hélas. Mais de s’affermir pour marcher librement, non, personne. Tous ceux qui s’occupent de gens qui ont des addictions profondes, alcoolisme ou autre, le disent : on parvient à la guérison quand on renonce à vouloir s’en sortir tout seul ! C’est pareil.
J’ai donc été guéri et relevé par le Christ, et il m’envoie guérir et relever d’autres gens. Vous avez été guéris et relevés par le Christ, il vous envoie guérir et relever d’autres gens. Il ne vous demande pas de vous poser des questions sans réponses sur le pourquoi du comment, sur les capacités et les mérites de vous-mêmes ou des autres. Il a fait, il fait, et il est assez grand, il est assez Dieu, pour savoir ce qu’il fait. Qui suis-je pour le contester, surtout si c’est à mon bénéfice qu’il agit ?! Or cette fois, si j’accepte ma guérison, si j’ouvre les yeux pour voir – ils ne sont plus aveugles – et si j’ouvre les oreilles pour entendre – elles ne sont plus sourdes – etc., alors il me faut bien accepter aussi ma mission, ma vocation apostolique : faire de même pour ceux que je croise à proximité de ma route, puisque désormais je marche en chantant ! J’y suis envoyé par celui qui m’a guéri…
Est-ce que ce ne serait pas aussi d’ailleurs le médicament pour ne pas rechuter ? Peut-être bien ! Si la guérison consiste à être dépréoccupé de soi, le risque demeure que je recommence, que je m’occupe à nouveau de moi, et comme tous les gens qui regardent leurs pieds quand ils marchent, je vais tomber à nouveau ! Les soins de suite consistent donc à garder le regard tourné vers ailleurs, et comme je ne suis toujours pas capable de le garder tourné vers Dieu, alors, que je le tourne vers les autres ! Ça pourra les aider, et moi ça m’aidera sûrement… ! Il n’y a donc pas là d’œuvre méritoire, seulement une médecine à prendre ensemble pour rester en bonne santé, un exercice physique pour garder la forme… Voilà ce qu’il me faut considérer si j’ai envie de me poser des questions sur moi, ce qui ne présente pas un intérêt farouche… Car après tout, ce qui compte, ce sont les autres, ceux dont les genoux flageolent, ceux dont la volonté est infirme. La bonne nouvelle qui m’a guéri, à eux je la dois maintenant, je dois la leur annoncer de la seule manière qui fonctionne : par des actes d’amour désintéressés, par des preuves que je ne les regarde pas à travers l’étiquette qu’on leur a collée sur le visage, que parfois moi je leur ai collée, mais pour ce qu’ils sont : des enfants du Dieu très-bon, comme moi.
La joie de Dieu nous attend. Allons-y, les amis ! Amen.
Senones – David Mitrani – 9 décembre 2018