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Première épître aux Corinthiens 2 / 12-16
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texte : Première épître aux Corinthiens, 2 / 12-16 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Nombres, 11 / 11-17. 24-25 ; Actes des Apôtres, 2 / 1-18 ; Évangile selon Jean, 14 / 23-27
chants : 35-01 et 35-15 (Alléluia)
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Pentecôte : ils ont reçu le Saint-Esprit, et ils prophétisent ! Tous, les 70 Anciens au Désert, et les 120 disciples de Jésus qui jusqu’à ce jour-là se cachaient. B’en… et nous, alors ? Pourquoi nous, ne prophétisons-nous pas, si nous avons reçu le Saint-Esprit que Jésus avait promis ? Ou alors, serait-ce que nous ne l’avons pas reçu, comme certains Pentecôtistes parfois nous le reprochent, comme ceux de Corinthe le reprochaient déjà – à tort – à l’apôtre Paul (1 Cor. 14 / 18) ? Ces textes sont toujours frustrants pour nous, à moins qu’au contraire nous ne soyons bien contents de ne pas avoir à descendre sur la place publique pour témoigner de notre foi devant les foules indifférentes ou goguenardes. Ne voudriez-vous pas qu’on vous accuse d’être ivres dès les 9 heures du matin ?
Pourtant les deux derniers textes nous disent un peu autre chose sur le Saint-Esprit. Jésus, dans le texte de Jean, l’appelle « le Consolateur », en grec « le Paraclet ». C’est-à-dire l’avocat, le défenseur, celui qui parle pour vous à votre place, celui sur qui vous pouvez vous appuyer pour vous défendre, pour remonter la pente et être gracié. Et Jésus nous précise comment ce Défenseur accomplira ce travail : « C’est lui qui vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit. » Paul l’écrivait lui aussi, cet Esprit est « reçu […] afin de savoir ce que Dieu nous a donné par grâce. » L’Esprit est donc avant tout un pédagogue, un enseignant, avant que d’être un pourvoyeur de charismes, un moteur de prophétie… Mais pourquoi aurions-nous besoin d’un tel enseignant ? Nous pouvons-nous pas nous débrouiller tout seuls ?
Chers amis, la réponse est clairement non ! C’est bien ce que l’Apôtre développe dans ce passage de sa lettre aux chrétiens de Corinthe. D’ailleurs souvent vous-mêmes le reconnaissez : il vous arrive d’avoir de la peine à comprendre le texte biblique, il vous arrive de vous apercevoir que vous en aviez une mauvaise lecture, ou au moins une compréhension insatisfaisante, peu évangélique, culpabilisante. C’est notre cas à tous. Lorsque nous lisons la Bible, y compris des paroles de Jésus, « l’esprit du monde » – comme dit Paul – ne nous suffit pas. L’esprit du monde, c’est le nôtre. C’est celui qui nous met nous-mêmes au centre, celui qui nous propose la manière humaine de comprendre les choses, celui qui a élaboré des outils de mythologie et aussi des outils de démythologisation, c’est celui qui nous fait étudier les textes de manière historique et critique par exemple, etc. Il ne s’agit pas de le refuser, je vous l’ai dit : c’est le nôtre, cet esprit. Et certains de ses outils, de ses manières de voir, sont utiles et efficaces.
Mais cette « sagesse humaine » – comme dit encore Paul – ne nous apporte rien de vital, et c’est bien normal, puisqu’elle vient de nous ! Comment pourrait-elle nous apporter quelque chose de plus que ce que nous savons déjà ?! Elle nous aide à mieux comprendre ce que nous sommes capables de comprendre. Mais ce que nous sommes incapables de comprendre par nous-mêmes… ? L’apôtre Paul fait sans doute allusion ici aux philosophes, mais aussi aux prédicateurs qui « parlent bien », qui utilisent la rhétorique et la philosophie pour plaire aux gens, mais qui, ce faisant, ne disent rien de plus ! Il m’est arrivé d’en entendre : nous étions sous le charme, c’était passionnant, et puis, à la sortie, nous nous sommes demandé : « mais au fait, qu’est-ce qu’il nous a dit ? » La réponse était : « rien ! » J’espère ne pas être trop souvent un tel prédicateur, qui ne vous apporte rien, sinon un peu parfois de connaissance historique !
Tout ce qui attire à soi est œuvre du « monde », pour ne pas dire du diable ! Car le but d’un prédicateur, mais aussi d’un simple lecteur de la Bible, c’est donc « de savoir ce que Dieu nous a donné par grâce. » C’est de comprendre l’Évangile. L’Évangile n’est pas de savoir ce que Jésus a fait, dans quel ordre, à quel endroit : c’est d’ailleurs impossible à reconstituer en lisant les quatre évangiles qui présentent cela d’une manière très différente les uns des autres. L’Évangile n’est pas non plus de savoir ce que Jésus a vraiment dit ni dans quelles circonstances : les exégètes libéraux depuis longtemps recherchent, comme ils disent, les « ipsissima verba » de Jésus, ses paroles authentiques. Mais comme Paul l’écrivait juste avant notre extrait de ce matin : « Je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor. 2 / 2) Ça, c’est l’Évangile, « scandale pour les Juifs et folie pour les païens. » (1 Cor. 1 / 23)
Voilà bien pourquoi nous avons besoin de l’Esprit de Dieu : comment pouvons-nous mettre notre joie, notre confiance, notre présent et notre avenir, dans un homme exécuté il y a 2.000 ans à 4.000 km d’ici ? N’importe qui de raisonnable vous dira – et vous dit, d’ailleurs – que ça n’a pas de sens. Vous pouvez, humainement, vous inspirer de ce qu’il a dit et fait tel que les évangélistes le rapportent. Vous pouvez faire la même chose avec n’importe quel grand penseur, moraliste, spirituel ou pas, bref : qui vous voulez. Cela n’a rien à voir avec l’Évangile, cela n’a rien à voir avec la foi chrétienne. La foi chrétienne tient tout entière dans la proclamation que la croix du Christ est une victoire définitive sur la mort et le péché, et qu’elle nous offre gratuitement l’amitié du Père si nous nous confions dans cette promesse.
Mais humainement, il n’y a aucune raison de faire confiance à cette parole. Ceux qui vous diraient que, si, il y a des raisons – scientifiques par exemple – pour y croire, ne feraient que vous tromper. C’est très à la mode aujourd’hui d’expliquer scientifiquement les miracles, y compris la traversée de la Mer rouge, la conception virginale, la résurrection de Jésus, etc. Ça revient régulièrement dans les revues grand public, qu’elles soient laïques ou évangéliques. J’ai même vu une fois une photo, oui, une photo d’une apparition de la Vierge ! C’est n’importe quoi… Ce dont parle Paul, ce dont parle toute la Bible, c’est de « réalités spirituelles », que seul l’Esprit – comme le nom l’indique ! – peut nous communiquer. Le Saint-Esprit de Dieu, pas notre esprit : qu’est-il, celui-ci, sinon le souffle qui nous permet de vivre cette existence-ci avec ses bonheurs et ses malheurs, de notre naissance à notre mort ? Il est certes un don de Dieu, la Bible l’affirme. Le même don est fait à tous les animaux (Ps. 104 / 30). Mais là n’est pas l’Évangile, la bonne nouvelle de notre salut et de notre vie éternelle ; ce n’est pas cet esprit qui nous permet de vivre dès ici-bas la communion avec le Seigneur.
L’Esprit de Dieu, le « Consolateur » que Jésus a promis avant sa Passion, et que le Père a donné à la première Pentecôte de l’Église chrétienne, c’est lui qui rend vivante la Parole que notre esprit humain lit dans l’Écriture. Paul l’écrivait ailleurs : « la lettre tue, c’est l’Esprit qui vivifie » (2 Cor. 3 / 6). Contrairement à ce que disent les catholiques et les évangéliques, la Bible n’est pas la Parole de Dieu. C’est l’Esprit qui nous parle de la part de Dieu lorsque nous lisons la Bible. Et si Dieu est une personne vivante, alors il a des choses à dire à chacun, et il les dit, et elles peuvent être différentes selon qui reçoit cette parole. La Parole n’est pas écrite, elle nous est dite lorsque nous lisons. Mais bien sûr, lorsque nous lisons en cherchant à entendre cette parole, en cherchant à entendre ce que Dieu a à nous dire à nous au jour et à l’heure où nous lisons – pas à notre voisin à un autre moment !
Comment donc juger de cette parole, c’est-à-dire l’entendre et la comprendre comme venant de Dieu, nous atteignant et nous transformant ? Par le Saint-Esprit qui nous est justement donné pour ça ! Il nous rend contemporains de Jésus-Christ, non pas en nous faisant croire que nous vivons en Palestine romaine au Ier siècle de notre ère, mais bien pour ici et maintenant, dans ce que nous vivons quotidiennement. Car c’est pour nous tels que nous sommes que Jésus est mort, et qu’il a vaincu la mort. C’est à notre bénéfice qu’il est vivant aujourd’hui, et qu’en lui nous sommes faits enfants du Père céleste, en communion avec le Dieu vivant. Ce ne sont pas les philosophes, les historiens, les scientifiques, non plus que notre propre pensée, qui peuvent permettre cela. Ils peuvent à peine nous faire comprendre que la Bible nous en parle ! Le Saint-Esprit est un exégète, il fait sortir du sens des textes que nous lisons. Il est un herméneute, il nous interprète ce sens pour nous aujourd’hui.
Ainsi Paul peut-il prendre le contre-pied du verset qu’il cite : oui, nous avons « connu la pensée du Seigneur », car elle nous est communiquée par le Saint-Esprit qui nous « rappelle tout ce que [Jésus nous a] dit [et qui nous] laisse la paix, [qui nous] donne [sa] paix. » Car le fruit de cette connaissance spirituelle, de ce jugement spirituel, c’est la paix, la paix véritable, pas celle qu’on se souhaite sans y penser ! Connaissant spirituellement que Jésus est mort pour nous et que nous sommes désormais dans les bras du Père, alors cette paix révoque en nous toute crainte, toute culpabilité, toute haine. Ainsi les disciples ont-ils pu sortir à la rencontre des gens pour leur dire cet Évangile et leur proposer cette paix. Ainsi l’amour mutuel est-il possible entre ceux qui se savent libérés de devoir se protéger des autres. Ainsi est-il même possible de recevoir du même Saint-Esprit d’autres dons qui peuvent être utiles à l’ensemble (1 Cor. 12 / 7), de ces dons qui font des pasteurs autre chose que des profs de Bible ou des permanents, des conseillers presbytéraux autre chose que des bénévoles ou des administrateurs, des diacres autre chose que des travailleurs sociaux, des catéchètes autre chose que des instits, etc.
Alors sortirez-vous d’ici en chantant en langues ? Attirerez-vous les foules qui hier ont regardé le mariage princier outre-Manche afin de leur parler de Jésus – mais ça, le président des Anglicans américains l’a fort bien fait ? Ou bien « [vous direz-vous] l’un à l’autre : “Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?” » comme les disciples revenant d’Emmaüs (Luc 24 / 32) ? L’Esprit de Dieu fera bien ce qu’il veut, avec vous comme avec moi. Il faut juste prendre garde de l’en empêcher. « N’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption. Que toute amertume, animosité, colère, clameur, calomnie, ainsi que toute méchanceté soient ôtées du milieu de vous. Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, faites-vous grâce réciproquement, comme Dieu vous a fait grâce en Christ. Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés ; et marchez dans l’amour, de même que le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous en offrande et en sacrifice comme un parfum de bonne odeur. » (Éph. 4 / 30 – 5 / 2) Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 20 mai 2018