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Épître aux Colossiens 2 / 12-17
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texte : Épître aux Colossiens, 2 / 12-17 (trad. Darby)
premières lectures : Ésaïe, 40 / 26-31 ; Évangile selon Jean, 20 / 19-31
chants : 254 et 631 (Arc-en-ciel)
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Croire que Dieu a ressuscité Jésus. La résurrection serait-elle donc une réalité subjective, une manière de voir les choses, une simple projection de l’esprit humain ne dépendant que de nos croyances ? C’est ce que les athées nous disent, et même les plus libéraux des chrétiens. Et je sais bien que croire en la résurrection pose intellectuellement problème à certains. Alors, réalité objective, ou bien réalité subjective ? Comme vous vous en doutez, je ne suis pas athée, sinon je ne serais pas là ! Je ne vais donc pas abonder dans le sens matérialiste, et pas même dans un sens relativiste. Non, la résurrection de Jésus n’est pas subjective. Les mots qui en parlent, oui, sûrement ; d‘ailleurs le Nouveau Testament lui-même en emploie plusieurs pour tenter d’en cerner le sens : relèvement, réveil, vie éternelle… Mais est-ce parce qu’on a de la peine à dire si quelque chose est bleu ou vert que la lumière émise et reçue ne se trouve pas dans une certaine gamme restreinte de longueurs d’onde correspondant à cette couleur pourtant indéfinissable ?
Il est vrai que dans une société très médiatique comme la nôtre, on ne sait plus trop ce qui est objectif et ce qui ne l’est pas ; et selon le media ou le réseau social, selon les uns ou les autres, selon les jours et les lieux, telle réalité, tel événement, sera présenté comme objectif ou comme un pur témoignage subjectif. Certains privilégieront comme critère de vérité ce qui a été filmé ou photographié, d’autres au contraire ce qui est affirmé par les supposés témoins. Les photos elles-mêmes sont d’ailleurs aujourd’hui facilement retouchables… falsifiables ? Tout est-il donc relatif ? Comme Pilate le disait à Jésus pour clore leur dialogue avant le prononcé de la sentence de mort : « Qu’est-ce que la vérité ? » (Jean 18 / 38) Le texte adressé aux Colossiens oppose, lui, non pas objectif et subjectif, encore moins scientifique et religieux, mais deux types de vérités : la relation avec le Christ, et la lettre de la Loi, « obligation manuscrite ». Il oppose ainsi quelque chose d’intérieur et quelque chose d’extérieur, comme le faisaient déjà les prophètes.
La Loi est extérieure, « obligation consistant en ordonnances », « manuscrit de prescriptions », traduisez comme vous voulez. L’insistance est sur le contrat écrit, qui engage, et dont le non-respect nous condamne. Il s’agit bien de la Loi de Moïse, comme l’auteur le précise en parlant ensuite de « jours de fêtes ou de nouvelles lunes, et de sabbats ». Mais il en serait de même de toutes les prescriptions. Et s’il vous plaît de considérer certains versets ou textes du Nouveau Testament comme des textes de loi à respecter, alors ces textes-là deviennent eux-mêmes des textes extérieurs, des lois qui vous condamnent ou qui demain vous condamneront. Intégrer cette loi extérieure à notre être intérieur serait pathologique, et ceux qui le font rendent la vie impossible à eux-mêmes et aux autres. Ce n’est certes pas ce qu’entendaient les prophètes lorsqu’ils disaient que Dieu écrirait sa loi dans nos cœurs ! (Jér. 31 / 33)
Qu’est-ce qui est alors intérieur, qu’est-ce qui objectivement concerne notre être-même, notre identité ? Pour la Bible, ce n’est pas ce que nous préservons des autres, mais au contraire ce que tissent en nous nos relations avec les autres. À plus forte raison notre relation avec Dieu ! Là, il n’est question ni de science ni d’obéissance, mais de confiance. La science concerne les réalités extérieures (y compris ce qui se passe dans mon corps et dans ma tête, bien sûr). L’obéissance concerne la loi, extérieure elle aussi, les relations sociales qui n’en sont pas puisqu’elles figent les gens dans des cases. Je connais – ou pas – le monde. J’obéis – ou pas – au monde. Il n’est pas question de foi là-dedans. Par contre, dans les vraies relations, celles susceptibles de me changer, là il est question de foi, c’est-à-dire de confiance. La question de l’objectif ou du subjectif est alors complètement dépassée. Or la question de la résurrection est une question de confiance, et non de science ni d’obéissance. Notez que la question de l’amour est aussi une question de confiance : ce n’est ni une question d’hormones ni une question de contrat, quoique hormones et contrat y tiennent aussi leur rôle, qui est second.
Ce que Paul écrit aux chrétiens de Colosses concerne leur être intérieur, leur identité : celle-ci s’est retrouvée liée au Christ dans sa mort et sa résurrection ; et le moyen de ce lien, c’est la foi justement : non pas la subjectivité, mais la confiance. J’insiste : il n’est pas question de croyance, mais de réalité vécue, et assumée dans la confiance. Beaucoup de gens confondent, soit qu’ils croient, soit qu’ils ne croient pas. La langue française a de ces pièges ! Le verbe croire est en même temps celui de la croyance et celui de la foi, alors que c’est très différent. Je crois quelque chose, tandis que je fais confiance à quelqu’un. Lui faire confiance implique de croire ce qu’il vous dit, mais ce n’est qu’une conséquence. Si vous avez besoin de preuves sur ce qu’il vous dit, alors vous n’aurez pas à lui faire confiance, mais seulement à lui donner acte de la véracité de ses propos. Ça ne vous engage à rien ni lui non plus ! La confiance se passe de preuve, elle est relation vivante qui unit des êtres, et la vérité des paroles est celle de cette relation, elle n’est pas différente. On peut croire ainsi tout ce qu’on veut sur quelqu’un, ce ne sera jamais croire en lui. On peut dire tout ce qu’on veut sur quelqu’un, ce ne sera jamais le connaître ni l’aimer.
Il en est bien sûr de même pour la relation avec Dieu. La confession de foi ne précède la foi que comme un enseignement extérieur, un témoignage daté de ceux qui ont connu Dieu avant moi, et qui m’est donné pour m’aider à le découvrir. Mais existentiellement c’est la foi qui vient en premier, c’est elle qui me permet à mon tour de témoigner par une confession de foi qui elle-même sera datée et ne servira qu’extérieurement à d’autres. Car la foi n’est qu’un autre mot pour la relation vivante entre Dieu et moi, elle est ce dans quoi je suis baptisé, immergé, elle est la mise en contact de ma vie pécheresse et mortelle avec la vie puissante du crucifié-ressuscité. Et bien sûr ma vie en est changée – en a été changée une fois pour toutes. Car sans la foi, sans cette rencontre qui est parfaitement objective aux yeux de Dieu, je suis perdu, condamné par tout ce qui m’est imposé de l’extérieur comme conditions de vie et de morale : les commandements de Dieu, la morale de ma société, mon surmoi, voire ma révolte, toutes instances au nom desquelles je ne suis pas à la hauteur… Or dans la foi je fais l’expérience d’être aimé tel que je suis et malgré ce que je suis, d’un amour qui me prend lui-même en charge tout en respectant ma liberté. Bref, je fais l’expérience d’un amour paternel qui a tout donné pour que je grandisse et que je vive.
Voilà pourquoi, en moi, dans ma relation avec Dieu, à la fois je trouve que ma foi et la parole de mon Dieu sur mon existence sont liées, et aussi je constate combien ma foi est le contraire d’une loi. Faut-il parler d’une « loi de la foi » (Rom. 3 / 27) ? C’est compliqué… Restons-en aux textes de ce matin. Tenez, regardez Thomas. Lui le rationaliste, il a considéré Jésus, le corps de Jésus, comme une réalité extérieure, sur laquelle on peut mettre la main, au sens propre. Mais ça, c’était avant… C’était avant d’avoir rencontré Jésus vivant, avant une vraie relation entre eux. Et là, bien sûr, Thomas n’a pas mis ses doigts dans la marque des clous, il n’a pas mis sa main dans la plaie faite par la lance du soldat qui avait voulu vérifier sa mort. Il a confessé que Jésus, ce mort redevenu vivant et rencontré dans la foi, était vraiment « [son] Seigneur et [son] Dieu ». Il n’a pas pris de selfie, ses amis n’ont rien filmé. Quand bien même ils l’auraient pu, ils ne l’auraient pas fait : voit-on l’amour entre deux personnes sur une photo ou un film ?
Jésus, dans ce récit, oppose la vue et la foi. C’est une autre manière de dire ce que Paul écrit aux Colossiens. Ailleurs, l’Apôtre écrit que « la lettre tue, c’est l’Esprit qui vivifie ». (2 Cor. 3 / 6) Ainsi ce n’est pas ma confession de foi, non plus que la lettre de l’Écriture, qui me fait vivre. C’est le Christ venu me rencontrer, c’est Dieu s’adressant à moi, qui me font vivre. Que mon être extérieur, psychologique, social, ne puisse se passer de la lettre, de la Loi, c’est normal : nous sommes dans un monde coupé de Dieu, où toute relation même avec lui se vit sous le sceau du péché. Mais par-delà ces limites… Non, plutôt : Jésus a franchi ces limites, il les a franchies pour lui et pour moi, il les a révélées pour ce qu’elles sont : des limites diaboliques en ce qu’elles me maintiennent loin de Dieu ! Il les a ainsi révoquées une fois pour toutes, en attendant l’heureux Jour où elles auront complètement disparu sous un ciel nouveau, sur une terre nouvelle. (2 Pi. 3 / 13 ; Apoc. 21 / 1) Il les a entraînées dans sa mort, pour pouvoir ensuite m’entraîner, moi, dans sa vie.
Elles étaient, écrit Paul, « une ombre des choses à venir ; mais le corps est du Christ. » La vraie réalité, c’est le Christ, non pas l’idée du Christ, mais son corps, sa vie véritable. La loi produit mon obéissance parfois, ma désobéissance souvent. La foi produit ma vie, comme conclut aussi le récit évangélique de ce jour : « que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. » La question n’est pas si c’est vrai que Christ est ressuscité. La question est si je l’ai rencontré et reconnu… La question n’est pas scientifique, journalistique. Elle est celle du sens de ma vie : ce sens est-il en moi et donc proprement insensé ; ou bien est-il en Christ vivant, en qui ma vie est pérenne ? Mon corps, mon être, est-il lié au corps du Christ vivant, ou bien ne suis-je que matière vouée à pourrir et se dissoudre ? Il n’y a pas d’autre alternative, toutes les autres sont mensongères, du « matin du Grand Soir » au « paradis d’Allah ». Mais cette alternative n’est pas une question intellectuelle : “qu’est-ce qui est le mieux pour moi ?” Non. C’est une constatation : j’appartiens à Christ, et c’est bien ! Comme le prophète l’écrivait pour vous et pour moi : « Ceux qui espèrent en l’Éternel renouvellent leur force. Ils prennent leur vol comme les aigles ; ils courent et ne se lassent pas. Ils marchent et ne se fatiguent pas. »
Pour notre vie de tous les jours et pour l’éternité, pour nous et pour notre Église, qu’il en soit ainsi ! Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 8 avril 2018