Évangile selon Jean 1 / 35-42 (2)

 

texte :  Évangile selon Jean, 1 / 35-42   (Trad. officielle de la liturgie)

première lecture :  Premier livre de Samuel, 3 / 3b-10. 19

chants :  239 et 528  (Arc-en-ciel)

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La tradition biblique aime les récits de vocation comme ceux que nous venons d’entendre dans les lectures de ce jour avec Samuel dans 1 Sm au chapitre 3 et avec l’appel des premiers disciples de Jésus dans l’évangile de Jean. Il y en a beaucoup d’autres dans la bible de ces récits, à commencer par celui de Moïse et l’épisode du buisson ardent, en poursuivant par les Juges et les prophètes, et tous ceux qui sont appelés par Dieu et investis d’une mission. En général ces récits de vocation suivent tous le même schéma : appel du Seigneur, sous une forme ou sous une autre, (un ange, un songe, une voix), étonnement, voir crainte de celui ou celle qui est appelé, précision de la mission qui est confiée, objection de l’appelé (je ne suis pas capable, digne, je ne saurai pas parler) et finalement acceptation avec l’assurance que Dieu l’assistera. C’est le schéma classique, avec des mises en scène différentes, pour tous les récits de vocation, sauf, précisément, pour ceux qu’on vient d’entendre !

 

Le petit Samuel ne fait aucune objection. Il met un certain temps à comprendre qui l’appel, mais quand il a compris il montre une totale disponibilité, « parle ton serviteur écoute. ». Quant aux apôtres, ils font de même, « Ils virent où il demeurait et ils restèrent auprès de lui. ». Les autres évangélistes sont encore plus radicaux puisqu’ils écrivent « Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. ». Mais, quoi qu’il en soit, à travers tous ces récits de vocation, la bible rejoint là une interrogation profondément humaine que Jésus pose à ses disciples : « Que cherchez-vous ? » Une question fondamentale et qui l’est d’autant plus lorsque l’on sait que ces trois mots sont les premiers prononcés par Jésus dans l’évangile de Jean. Que la première parole de Jésus soit une question et qu’elle soit celle-ci, ne peut être un hasard ! Jésus ne dit pas QUI, mais QUE cherchez-vous ? Il faut donc l’entendre comme, qu’est-ce que vous cherchez dans la vie ? Ou quel sens voulez-vous donner à votre vie ? Une question que, forcément, tout homme se pose un jour ou l’autre. Du moins c’est à espérer. Marie Noël, poète ou poétesse, que l’on appelait la Dame d’Auxerre et dont nous avons commémoré le 50° anniversaire de la mort en 2017, écrivait dans ses « Notes intimes. » : « Celui qui n’a besoin de rien, tout lui manque. Misère de l’homme qui se suffit, de l’esprit comblé de lui-même. Toute la valeur de l’homme est dans sa recherche, son appel, son désir. »

 

Quel sens voulons-nous donner à notre vie ? Vous imaginez bien qu’à cette question il y a de multiples réponses possibles. Je ne vais pas, ici, en faire le tour, mais donnons tout de même quelques exemples, la réussite sociale, la réussite professionnelle, l’engagement politique, bien que de ce côté notre époque connaisse, avec la mort de toutes les grandes idéologies, une certaine désillusion, voir désaffection. Et toutes ces réponses, finalement, montrent leurs limites et laissent l’homme insatisfait, car, nous le savons bien, seul l’amour, qui est l’identité même de Dieu, peut combler une existence et lui donner sens. Et c’est quand l’homme a pris conscience de l’exigence de l’amour qui est en lui, qu’il peut alors, et alors seulement, passer du QUE cherchez-vous à QUI cherchez-vous ? Et Jésus est celui qui se présente comme l’Envoyé de Dieu qui dévoile le vrai visage de Dieu Amour. Car dans l’évangile il ne pose pas seulement la question, il propose une réponse : « Venez et vous verrez. » et l’évangile d’ajouter : « Ils allèrent donc … et restèrent auprès de lui ce jour-là. ».

 

Nous arrivons là à un autre point commun à tous les récits de vocation, et cette fois sans exception, à savoir qu’ils ont tous une double dimension qui est à la fois intime et universelle. Intime car la diversité de ces récits montre à elle seule qu’il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de traduire en mots l’expérience mystique d’une rencontre personnelle avec Dieu. Ce que le Seigneur dit ou révèle au petit Samuel fait partie de son histoire intime, nous ne le savons pas et ne le saurons jamais ! De même, que s’est-il dit entre Jésus et ses futurs disciples qui « demeurèrent avec lui ce jour-là. » ? Nous ne le saurons pas davantage, mais ce que nous savons c’est que le premier est devenu prophète et les autres, de disciples sont devenus apôtres. L’évangéliste Mathieu a une formule pour dire cela lorsqu’il écrit, en Mt 10, 27 « Ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. » Intimité au départ et propagation ensuite.

 

Finalement, la mission de tous ceux qui sont appelés, dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, est de témoigner de ce qui donne sens à leur vie, à savoir la révélation d’un Dieu Amour. De témoigner de leur foi. Et c’est là, voyez-vous, que ces textes nous parlent et nous interpellent, nous, aujourd’hui. Car nous avons tous été appelés par le Seigneur à notre baptême et nous avons tous une même vocation qui est de témoigner de ce qui donne sens à notre vie. De témoigner de notre foi en ce Dieu Amour. Il n’y a pas de propagation de la foi sans témoignage de la foi ; ça, commence ici dans l’évangile de Jean avec Jean Baptiste qui conduit ses disciples vers Jésus et ça se poursuit avec André qui va chercher Simon Pierre, et ainsi de suite.

 

Le père Varillon disait : « La foi est en crise quand le témoignage est en crise. », voilà de quoi méditer pour notre époque ! Nous nous plaignons beaucoup de la déchristianisation de notre société qui se vérifie entre autres par la baisse rapide, au point d’être presque vertigineuse, des demandes de baptêmes, de mariages et même d’enterrements faites à l’Église. Nous vivons, du moins en Occident, dans un monde de plus en plus sécularisé. C’est un fait. Certes, on ne peut pas faire un bilan uniquement comptable de la foi, mais il y a là une réalité qu’on ne peut nier et qui ne peut nous laisser indifférents. Et sans culpabiliser personne car on n’est pas seuls responsables, on peut tout de même s’interroger sur la qualité de notre témoignage, savons-nous vraiment répondre à la question qui nous est posée aujourd’hui. Que cherchez-vous ? Amen.

 

Saint-Dié (Unité des chrétiens) – père Philippe Baldacini – 14 janvier 2018

 

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