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Évangile selon Jean 1 / 35-42 (1)
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texte : Évangile selon Jean, 1 / 35-42 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Genèse, 12 / 1-4 ; première épître aux Corinthiens, 1 / 18-25
chants : 43-09 et 44-11 (Alléluia)
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Jean. Le Baptiste. Celui qui attendait quelque chose, quelqu’un. Et qui, en attendant, prêchait la conversion, l’obéissance aux commandements. Le dernier, le sommet, le sens-même de l’ancienne alliance. Nous sommes tous auprès de lui, tant que la rencontre avec Jésus n’a pas eu lieu. Nous sommes des Juifs, ou plutôt des judéo-chrétiens, des Juifs qui suivons Jésus… de loin, qui suivons son enseignement, l’enseignement du meilleur des rabbins, du plus inspiré des prophètes. Nous tâchons d’observer les commandements. Pourtant nous n’y arrivons pas. Nous sommes loin, très loin, d’aimer Dieu par-dessus toute chose : nous avons tellement d’autres priorités, familiales, économiques, et même idéologiques, culturelles, d’autres « valeurs » … Et il s’en faut aussi de beaucoup que nous aimions nos prochains, que nous pardonnions « jusqu’à 70 fois 7 fois » (Matth. 18 / 22), que nous « tendions l’autre joue » (Matth. 5 / 39), et toute cette sorte de choses…
Dans cette religion-là, sommes-nous Juifs, à vouloir des miracles, des guérisons, des changements visibles, ou bien sommes-nous Grecs, à vouloir comprendre, connaître, posséder ? Nous n’avons ni les uns ni l’autre : ni miracles, ni connaissance. Nous n’avons pas même la satisfaction d’une religion : elle ne nous justifie en rien, si nous la regardons de manière un peu honnête sans faire d’anticatholicisme primaire. Elle nous condamne, simplement, que ce soit à cause de notre désobéissance ou de notre impuissance, à cause de nos illusions ou de nos mensonges. Elle nous amène vers le Baptiste, dans la repentance et dans l’attente d’autre chose. Mais certains abandonnent. À preuve ces bancs vides et nos difficultés financières, et surtout l’état de notre pays et de notre monde. L’Évangile sans Jésus, ça ne fonctionne pas.
Jean, l’Ancien Testament incarné, désigne le Nouveau, désigne Jésus : « Voici l’Agneau de Dieu », celui dont le sacrifice rachète les pécheurs et détruit le péché. Et les disciples de Jean qui suivent Jésus sont pris dans un jeu de questions, ou plutôt ils sont libérés, redéfinis par ce jeu de questions. « Que cherchez-vous ? », leur demande Jésus. Question évidente et évidemment difficile. Qu’est-ce que je cherche en étant chrétien, qu’est-ce que vous cherchez en venant ici, ou bien en lisant la Bible, ou encore en priant ? Quelle est votre vraie quête ? Vous voulez savoir qui est Jésus, où le trouver, quel est son lieu ? Mais « le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête… » (Matth. 8 / 20) Voir Jésus, le fantasme du chrétien selon le quatrième évangile… D’après vous, où Jésus demeure-t-il ? Ne répondez pas « à la droite du Père », cela nous le croyons, mais, pour chacun de nous existentiellement, qu’est-ce que ça veut dire ? Le prologue de l’évangile disait que « la lumière luit dans les ténèbres » (Jean 1 / 5). Jésus a-t-il donc son lieu dans les ténèbres – celles du monde, ou bien les miennes ?
Les deux disciples ont suivi Jésus, parce que Jean le leur avait désigné. Quand Jésus leur adresse la parole, ils l’appellent « maître », comme un enseignant, un rabbin. Et puis Jésus leur dit « venez », et désormais ce sont eux qui ont trouvé leur lieu, qui savent maintenant où ils sont, et donc sans doute qui ils sont. C’est l’heure de l’accomplissement des commandements : la 10ème heure comme il y a 10 commandements… Quand ils ont rejoint Jésus, la Torah, l’ancienne alliance, est accomplie. Ils ont quitté leur attente, ils n’attendent plus, ils ont trouvé. C’est le début de l’Évangile – non pas seulement le livre, mais bien la vie nouvelle. Il n’y a plus de retour possible, parce que, si ce n’est qu’un « maître », si ce n’est pas Jésus, alors ce n’est personne, et comme Paul l’écrira, « alors nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » (1 Cor. 15 / 19). Lorsque nous avons trouvé Jésus, quand même nous marchions dans les ténèbres, alors nous avons trouvé la lumière. N’est-ce pas ce que nous prêchons à Noël ? C’est la vérité de notre existence, c’est là qu’elle « demeure ».
Lorsque l’Évangile est enclenché, ça avance. Jean avait désigné Jésus à ses deux disciples, même si c’était d’une manière qu’ils n’avaient pas comprise. Et ainsi ils sont allés vers « Jésus, qui passait ». À son tour, André va désigner Jésus à quelqu’un d’autre, à son propre frère, et ça continuera ensuite de la même manière, même si je ne vous ai pas lu les versets suivants. La parole qui accompagne le disciple est ici plus claire : « nous avons trouvé le Messie » ! Est-ce vraiment plus clair ? Lorsque les disciples de Jésus, ou d’autres Juifs, le confesseront ainsi, dans les autres évangiles, Jésus leur dira de se taire, et lui-même ne se désigne pas par ce titre royal… Lorsque nous disons Jésus « Christ », que disons-nous ? Que croyons-nous dire pour nous-mêmes à son sujet, et qu’est-ce que les gens entendent ? Peut-être Simon a-t-il entendu ce qu’il attendait… Mais c’est André qui, après lui avoir dit cela, l’a amené vers Jésus. Il a été médiateur de cette rencontre, comme Jean l’avait été pour lui.
André et son compagnon anonyme ont changé de lieu, de « demeure ». Ils sont maintenant définis non plus par leur attente, mais par Jésus lui-même. Qui es-tu, que fais-tu, où es-tu ? « [Je] demeure auprès de Jésus » est la réponse. Comment cela va-t-il se manifester pour Simon ? Il va être nommé et renommé. Et renommé certes il le sera, lui le premier des apôtres, au point qu’on a presque oublié son vrai nom, celui par lequel Jésus continuera de l’appeler tout au long de sa vie : Simon. Jésus l’accueille en rappelant ce nom : « Simon », « celui qui entend »… Mais « Simon fils de Jonas », fils de la colombe, fils du baptême, noyé comme dans le grand poisson et rejeté vivant pour accomplir sa mission… Quand vous relirez le prophète Jonas, rappelez-vous que c’est de Simon Pierre que parle ce petit livre !
Mais Jésus ne s’en tient pas là. Comme d’habitude il ne s’en tient pas à l’Ancien Testament ! Simon va recevoir son nouveau nom, son surnom : « Céphas – ce qui se traduit Pierre ». Les autres évangiles expliquent par un jeu de mot ce surnom : « tu es Pierre, et sur ce roc… » etc., juste après que cet homme a confessé Jésus comme le Christ (Matth. 16 / 16-18). Oui, « Pierre » est lié à « Christ », à la confession que Jésus est celui qui a été oint pour régner, et c’est son baptême, c’est-à-dire sa mort, qui lui a conféré l’onction, comme Paul le rappelait avec d’autres mots dans son célèbre « hymne aux Philippiens » (Phil. 2 / 8-9). Et ceux qui le reconnaissent comme Christ constituent son royaume, son Église, « le troupeau de son pâturage » (Ps. 100 / 3). Le changement de nom de Simon en est le signe. Lorsque nous reconnaissons Jésus comme Christ, nous devenons Pierre, tout comme lorsque nous chantons les psaumes nous sommes David. Notre nom nous désigne : vous êtes Pierre !
Mais vous ne l’avez pas choisi, tout juste accepté, comme Simon qui a écouté et suivi son frère. Vous savez que dans les autres évangiles, c’est Jésus qui appelle des gens à le suivre, à devenir ses disciples. Le texte de ce matin rappelle qu’il y a une première étape : il y a toujours une médiation humaine, une autre voix, un autre témoignage, quelqu’un qui désigne Jésus en fonction évidemment de ce qu’il a compris, de ce qu’il sait, de ce qu’il expérimente à son sujet. Que personne ne s’attende donc à entendre une voix off de Jésus l’appeler à sa suite. Que personne ne s’attende à ce que son enfant, son parent, son voisin, son ami, son collègue, entende tout seul une voix off l’appelant à suivre Jésus. Dieu fait ce qu’il veut, mais le cheminement normal n’est pas celui-ci. C’est celui qui nous est montré ce matin. C’est le témoignage croyant qui amène l’incroyant à Jésus, et c’est la rencontre avec Jésus qui crée la foi et change l’homme ou la femme qui va « demeurer auprès de lui » désormais.
Je ne vous étonnerai pas en vous disant que cela nous concerne ! Si vous croyez ne pas avoir encore rencontré Jésus, alors approchez-vous de lui, à travers la prédication de votre serviteur ou d’autres, à travers le pain et le vin de la cène, à travers tout témoignage chrétien qui vous interpellera. Il faut sans doute sans arrêt y revenir, car nous nous éloignons sans cesse. Mais ne vous servez pas de ceci comme excuse… Car si vous avez maintenant rencontré le Christ, si cette rencontre vous a changé, serait-ce en petite part, alors il vous appartient d’amener aussi d’autres gens vers Jésus. Il ne vous appartient pas de leur donner la foi : ceci n’est pas possible, vous n’êtes pas Dieu ni moi non plus ! Mais il vous appartient de leur témoigner de la vôtre. Vous êtes Pierre. Ne cherchez pas à voir, ne cherchez pas à connaître. Témoignez de ce que vous savez, c’est-à-dire de ce que vous vivez avec le Christ Jésus, témoignez que vous êtes à lui !
Mais pour que ça se voie, et pour que vous puissiez en témoigner, il faut bien que vous « [vous] dépouilliez des œuvres des ténèbres » et que vous « revêtiez Christ » (Rom. 13 / 12-14). Car on ne témoigne pas de la lumière en vivant dans les ténèbres, mais seulement si nos ténèbres ont été illuminées par la lumière. Et c’est seulement à partir de ce lieu-ci qu’on peut témoigner. Non pas à partir de ce qui est encore enténébré, non pas à partir de ce qui toujours fut clair, mais seulement à partir de ce qui a changé, de ce qui est devenu lumineux grâce à Christ. On ne peut témoigner que de son changement de nom, de lieu. Pas des permanences. Évidemment, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : on n’est pas dans le « avant – après » des mauvaises publicités sur la perte de poids ou la repousse des cheveux !
Mais tout comme la foi de Christ s’enracine dans sa croix, elle ne s’exprime que dans ma faiblesse. Je ne suis chrétien que là où je suis faible, et dans la seule mesure de cette faiblesse. Je ne suis chrétien que là où le Christ seul est ma force, là où je ne tire mon nom, mon identité, que de lui. Là où je cache ma faiblesse, ou bien là où je suis fort par moi-même, de quoi témoignerais-je sinon de moi, et cela, quel intérêt ?! La foi est le contraire de l’auto-nomination, de l’auto-justification. La foi est d’être nommé par l’Autre, Dieu, le Christ. Tout comme le mariage, l’amour, c’est d’être nommé par l’autre. On divorce quand on ne veut pas ou plus de cette dépendance, ou quand l’autre ne veut plus l’assumer. Mais dans la foi, de l’autre on ne risque rien : il a donné sa vie pour ça, il a donné sa vie pour nous. Il ne nous abandonnera jamais, et personne ne nous ôtera de sa main, il l’a promis. À nous de nous y maintenir, à nous de laisser une place de plus en plus grande à la faiblesse, à l’absence de sagesse ! À nous de laisser la place en nous à la faiblesse de Dieu, à la folie de Dieu, c’est-à-dire à la croix de Jésus Christ.
Nous n’en avons pas la force, bien sûr, et même pas l’envie. Il nous faut donc demander à Dieu de le faire lui-même, d’envoyer en nous, dans nos corps, dans nos vies, l’Esprit saint qui nous libérera de nous-mêmes, comme il a commencé à le faire lorsqu’un autre nous a envoyé vers Jésus, et que nous avons suivi… Il faut nous rendre disponible, nous mettre à la disposition du Saint-Esprit, pour apprendre à renoncer à nous-mêmes. C’est à ce prix que nous témoignerons, parce qu’alors nous connaîtrons le vrai bonheur, et que celui qui est heureux ne peut pas s’empêcher d’en parler ! Amen.
Raon-l’Étape – David Mitrani – 16 juillet 2017