Évangile selon Matthieu 12 / 38-45

 

texte :  Évangile selon Matthieu, 12 / 38-45   (trad. d’après Bible à la colombe)

chants :  411  (Arc-en-ciel)

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« Génération mauvaise », c’est ainsi que Jésus appelle notre monde. Car certes il est question du monde qui ne le reçut pas. Mais cela a-t-il changé ? Le monde, notre pays, nos compatriotes, ont-ils plus reçu le Seigneur que les « scribes et Pharisiens » de Galilée ou de Judée il y a 2.000 ans ? Tout le monde s’attend au visible, au paraître, à ce qui brille, que ce soit pour l’élection présidentielle à venir ou pour toute autre chose. Les gens veulent « un signe » pour croire, comme si la foi était de l’ordre de la décision. Nous autres, luthériens et réformés, nous savons bien que la foi est un don, tout comme l’amour. La foi est confiance, elle se passe de signe, de preuve. Pourtant, un signe est donné, nous dit Jésus, un seul, mais il est ambigu et paradoxal : « le signe de Jonas le prophète ».

 

De quoi s’agit-il ? D’abord, bien sûr, de mort et de résurrection. C’est bien le sens clair de ce que Jésus dit ici de Jonas, l’histoire du poisson… Nous avons un Seigneur qui ne brille pas, qui n’exerce pas sa seigneurie selon le paraître cher à notre société et au monde médiatique et technologique. Il est Seigneur par sa mort et sa résurrection. Or la mort ne qualifie personne, elle disqualifie tout un chacun, pauvre ou riche. Et la résurrection est invisible et incompréhensible pour tous. Elle doit être crue. La mort et la résurrection de Jésus sont donc un contre-signe, qui invite plutôt à ne pas y croire. Ce qui sera un signe, ce sera alors la foi de ses disciples, une foi irrationnelle aux yeux des incroyants : comment se fait-il que des gens pourtant intelligents croient que ce mort d’il y a 2.000 ans est Dieu ? La foi chrétienne sera un signe de l’existence du Saint-Esprit, puisque c’est lui l’auteur de la foi. En tout cas le signe de l’existence d’un esprit qui fait croire en Jésus. Cet esprit est-il de sagesse ou de folie, c’est question de point de vue. (cf. 1 Cor. 1 / 18-29)

 

D’autant que cette foi se veut et se fait imitation de Jésus-Christ. « Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands abusent de leur pouvoir sur elles. Il n’en sera pas de même parmi nous. Mais quiconque veut être grand parmi vous sera votre serviteur, et quiconque veut être le premier parmi vous sera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Matth. 20 / 25-28) « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi. » (Jean 15 / 20) La mort et la résurrection sont donc la part des croyants, en communion avec leur Seigneur. La grandeur, le paraître, la puissance mondaine, ne conviennent pas aux croyants ni à l’Église. Là encore, c’est un contre-signe. Les croyants ne brillent en rien, en rien d’autre que la foi en leur Seigneur qui est mort pour eux et en qui ils vivent, bien que cela ne se voie pas.

 

L’histoire de Jonas telle qu’elle est très résumée par Jésus comporte un autre élément, qui, lui, peut faire signe. C’est la conversion – ou la repentance, traduisez comme vous voulez – des habitants de Ninive. Ces païens, ces méchants d’entre les méchants, ont entendu la prédication de Jonas, eux que tout destinait à la perdition, et ils se sont tournés vers Dieu. Tout comme, à l’époque de Paul, ce sont les Grecs qui ont reçu l’Évangile, de manière parfaitement fortuite et inattendue, et même scandaleuse aux yeux de certains croyants. Le signe qui est donné aux croyants incrédules, c’est que des incroyants se convertissent en entendant proclamer que Jésus-Christ est Seigneur, lui qui est mort et ressuscité. Le signe que le monde doit se convertir, c’est que le monde se convertit, à la surprise et malgré l’incompétence des croyants.

 

Mais cette foi doit être étayée. Sinon il arrive ce que Jésus annonce. Si l’Esprit de Dieu n’occupe pas la place, d’autres esprits s’en reviennent et c’est pire après qu’avant. N’est-ce pas hélas ce qui est arrivé à notre société ? Elle a été évangélisée pendant de nombreux siècles, nettoyée de ses démons, de son paganisme qui mêlait le monde des morts à celui des vivants et qui suivait les astres, un monde qui aspirait à la grandeur mais qui aimait le sang. L’Évangile s’est-il tu, a-t-il été empêché et rejeté, qu’aussitôt la barbarie est apparue, brune ou rouge, bien pire que ce qu’avait été l’ancien paganisme. Et les démons d’aujourd’hui ne semblent pas meilleurs que ceux du siècle passé… Notre société est malade à mourir, elle qui a oublié l’Évangile de son salut et de son bonheur. Le signe qui était donné, souvent mal, mais enfin, donné au monde, ne l’est plus. La mort gagne partout, qui n’est suivie d’aucune résurrection. Le pouvoir de l’argent, de la science, des media, tout comme la marchandisation des corps et l’islamisme, ont pris la place.

 

Mais c’est à travers la mort que le Seigneur choisit pour nous la vie. Et, pour nous chrétiens, la vie, ce n’est pas de fuir ce monde, comme Jonas la première fois que Dieu l’avait envoyé, mais d’y aller, selon l’ordre qu’il avait reçu, non pas pour nous y noyer, mais pour proclamer la parole du Dieu qui fait vivre. Notre témoignage dans le monde sera-t-il reçu comme un signe ? Non. Mais peu importe. Le signe, ce sera que des gens entendront l’Évangile et se tourneront vers Dieu. « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment entendront-ils parler de lui, sans prédicateurs ? Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés ? selon qu’il est écrit : Qu’ils sont beaux, Les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles. Mais tous n’ont pas obéi à la bonne nouvelle. Aussi Ésaïe dit-il : Seigneur, qui a cru à ce que nous avons fait entendre ? Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ. » (Rom. 10 / 13-17)

 

La mission de l’Église est là, notre mission à nous à Saint-Dié. Faire entendre la parole de Christ, afin que ceux auxquels nous ne nous attendons pas se convertissent et vivent, ce qui sera un signe donné à tous. Amen.

 

Saint-Dié (A.G.)  –  David Mitrani  –  12 mars 2017

 

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