Joël 2 / 12-19

 

texte :  Joël, 2 / 12-19   (trad. : Bible à la colombe)

première lecture :  Deuxième épître de Pierre, 1 / 2-11

chant :  33-33  (Alléluia)

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« Formez une sainte assemblée », dit le Seigneur à travers le prophète Joël. Mais certes ce n’est pas à cause de ce verset que j’ai choisi ces textes pour ce matin : ce sont ceux du mercredi des Cendres, début du Carême, dans la liste alsacienne que je suis ordinairement. Il n’empêche : notre assemblée générale sera sainte, si elle nous permet de suivre ce à quoi le prophète nous exhorte. Devrons-nous donc, comme d’autres sont censés le faire, nous abîmer en « des jeûnes, des pleurs et des lamentations » ? Je ne vous le propose pas ! Le prophète Joël non plus, d’ailleurs, lui qui rajoute aussitôt : « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements… » C’est donc bien d’un « jeûne » spirituel qu’il s’agit, et non pas de nous abstenir de nourriture ou d’autres choses.

 

Car la constatation de départ est la même, toutes proportions gardées, que celle que nous-mêmes pouvons faire aujourd’hui : notre peuple a abandonné le Seigneur, et notre Église elle-même, petit peuple au sein d’un plus grand, « petit troupeau », a oublié que le Seigneur « a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Luc 12 / 32). Nous pouvons nous plaindre sur l’état des troupes, ce que votre serviteur fera quelque peu tout à l’heure, mais ce sera un faux procès. Car la cause de notre malheur, ou à tout le moins de notre déréliction, viendrait plutôt, nous dit Joël, du Seigneur lui-même, qui nous appelle ainsi à repentance, à revenir à lui. C’est donc que nous regardons trop à nous-mêmes, à nos efforts, à nos stratégies, à nos échecs, au lieu de regarder à lui, à ce qu’il nous a offert, à ce qu’il peut faire encore avec nous.

 

Une conversion en appelle une autre. Si nous revenons au Seigneur, lui aussi reviendra vers nous. C’est manière de parler… Lui ne s’est pas désintéressé de nous, au contraire ! Comme un père qui corrige ses enfants qu’il aime – pédagogie que les réglementations européennes semblent vouloir oublier – il s’occupe de nous pour nous faire grandir. Et s’il revient de « sa colère », ce n’est pas pour nous laisser dans la culpabilité, mais dans « la bénédiction, des offrandes et des libations pour l’Éternel, [notre] Dieu ». Car ce que Dieu veut et suscite, c’est un peuple qui vit de et dans la louange, pas dans la peur ou dans le regret, pas dans l’échec ou dans la culpabilité. C’est un peuple nombreux, de tous âges et de toutes conditions. Un peuple innombrable, nous dit la Bible à longueur de pages.

 

Nous, nous pouvons nous compter, notre nombre sera même inscrit sur le compte-rendu de notre assemblée générale ! C’est donc que nous ne sommes pas tout le peuple, mais seulement ses prêtres. Car, vous le savez bien, la Réforme protestante a ainsi compris la Bible : tous les baptisés sont prêtres, qui confessent la foi au Christ Seigneur et Sauveur. C’est pour nous autres, ici présents, qu’il est écrit : « Qu’entre le portique et l’autel pleurent les prêtres, ceux qui sont au service de l’Éternel, et qu’ils disent : “Éternel, épargne ton peuple ! Ne livre pas ton héritage au déshonneur, pour qu’il soit la fable des nations ! Pourquoi dirait-on parmi les peuples : “Où est leur Dieu ?”” » Le portique, c’est l’endroit où déambulent les gens. L’autel, c’est la croix du Christ. Nous nous tenons entre les deux, solidaires des deux. Notre rôle, notre sacerdoce, c’est donc de prier pour notre peuple. Mais prier pour les gens, ce n’est pas prier pour leur santé, leur travail, leur confort. C’est prier pour leur foi, afin qu’elle puisse naître en eux, se raffermir, les faire tenir debout même s’ils sont malades, pauvres, inconfortables en tout le reste.

 

Car le monde rigole en regardant notre peuple, et même parfois notre Église : « Où est leur Dieu ? » Ce n’est pas d’hier, puisque déjà les psaumes et les prophètes entendaient cette moquerie. Un psaume répond même que « notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut ! » (Ps. 115 / 3) Mais les gens ne sont pas capables de regarder le ciel, c’est nous qu’ils regardent en se moquant, c’est nous qu’ils regardent en nous demandant « où est [notre] Dieu… » Voilà bien pourquoi notre prière pour les gens, pour notre peuple, doit aussi se faire prière d’humble repentance, lorsque notre témoignage n’est pas reçu. Parce que nos paroles et nos actes, personnels et ecclésiaux, sont ambigus et ne témoignent pas bien, ne parlent pas de notre Dieu aux gens qui nous entourent. Et ce n’est pas seulement parce qu’ils sont sourds et aveugles, nous y avons sans doute notre part de responsabilité…

 

Il nous faut donc rappeler à Dieu qu’il ne peut pas compter sur nous, qu’il faut qu’il vienne lui-même libérer nos bouches et nos membres, comme aussi ouvrir les yeux et les oreilles des gens. Autant dire que c’est à nous que notre prière doit le rappeler ! Car le prophète est clair sur les intentions du Seigneur : « L’Éternel s’est ému de jalousie pour son pays ; il a eu pitié de son peuple. L’Éternel a répondu : il a dit à son peuple : “Me voici !” » Et la seconde lettre de Pierre nous le confirme : « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu. » Et l’auteur de rajouter : « C’est pourquoi frères, efforcez-vous d’autant plus d’affermir votre vocation et votre élection : en le faisant, vous ne broncherez jamais. » Ce sont ces encouragements qu’il nous faut entendre aujourd’hui, et qui sont indissociables de l’appel à la prière entendu chez le prophète.

 

Notre vocation en effet n’est pas d’être des saints au sens catholique du terme. Ce n’est pas non plus de sauver le monde. Ce n’est pas même de convaincre ou de convertir les gens. Notre vocation est d’être disponible pour un Seigneur dont le titre n’est pas vain, et d’être disponible en son nom pour les gens qui ne le connaissent qu’à travers notre propre fidélité, notre propre disponibilité. Et sans cesse il nous faut nous tourner à nouveau vers lui, tant nous avons tendance à l’oublier, à oublier sa seigneurie, à oublier son amour, à oublier sa victoire, à oublier même combien il prend soin de nous autres malgré nos infidélités. Notre critère ne doit donc pas être la force ou la faiblesse de l’Église, mais celle de son Seigneur. Et le moyen qu’il nous donne, ce n’est pas non plus notre force aujourd’hui manquante, mais notre attachement à sa parole, entendue et reçue, et notre prière. Avec une promesse : « je ne vous livrerai plus au déshonneur parmi les nations. » C’est lui qui le fera, faites-lui confiance. Amen.

 

Senones (A.G.)  –  David Mitrani  –  5 mars 2017

 

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