Noël 2016 avec les enfants

 

texte :  saynète des enfants (à télécharger ici)

chants :  317, 311 et 359  (Arc-en-ciel)

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Un étranger arrive… Qui est l’étranger ? La saynète que les enfants viennent de nous présenter nous pose bien la question, car il y a plusieurs étrangers dans cette scène. Il y a les trois jeunes filles. Sont-elles les bergers, sont-elles les Mages ? Non : elles sont trois jeunes filles pauvres, venues d’on ne sait où… Je ne me risquerai pas à faire de la politique et à les désigner plus précisément, puisque le jeu des enfants ne l’a pas fait, avec raison me semble-t-il. Les bergers ne sont pas des étrangers, dans le texte de Noël selon Luc. Chez Matthieu, les Mages le sont, mais tellement moins depuis 2.000 ans que nous les connaissons… Les 3 sœurs, elles, le restent : étrangères parce qu’inconnues, presque tombées du ciel ! Et puis, pour elles, l’ange est aussi un étranger, un étrange, un autre qui tombe du ciel, qui leur fait peur tout en leur disant de ne pas avoir peur. L’étrangeté absolue : les ailes et l’auréole n’y changent rien, au contraire. Imaginez-vous à leur place… !

Et puis, dans la grange, une autre étrangeté, un autre étranger : un bébé dans une mangeoire à bétail. Ce bébé n’est certes pas un étranger pour l’ange, mais cela ne concerne pas les filles, n’est-ce pas ? Ce qui va se passer maintenant est également étrange. Entre cette famille momentanément sans domicile fixe, dans une situation de grande précarité, manifestement, et les trois quasi-mendiantes, il aurait pu y avoir comme une répulsion réciproque, chacun rejetant l’étranger et l’étrangeté rencontrée chez l’autre, rejetant cette vision en miroir où la pauvreté de l’autre me renvoie l’image de la mienne, où mon rejet de l’autre me renvoie l’image de mon propre sentiment d’être rejeté et même de devoir l’être. Peur de l’autre, peur de soi, peur de vivre et de mourir…

Mais si la peur avait été là face à l’ange, elle a disparu maintenant dans la grange. L’impossible rencontre entre ces gens fragilisés et apeurés se produit pourtant. Et cette rencontre se produit parce que l’émerveillement a remplacé la peur, chez les trois enfants, et parce que la famille qui est là dans cette grange se sent manifestement chez elle pour y accueillir ces enfants perdues. De deux pauvretés, on est passé à deux richesses, deux richesses qui s’offrent à l’autre : les enfants qui donnent, et la famille du nouveau-né qui reçoit, et cette réception est elle-même un don, le don d’un accueil qui ne demande rien, qui est sans conditions, tout comme les filles ont reçu le nouveau-né non pas comme un intrus dans leur recherche, mais comme une merveille. Ce qu’aucun État, aucune politique, aucune économie, ne peut faire, se produit ici dans une rencontre très personnelle : des filles qui découvrent un nouveau-né, un morceau de pain échangé, une joie qui rassure et redonne espoir…

Dans cette rencontre, les vieux mots perdent leur sens. Je parlais de donner et de recevoir, mais le don lui-même manifeste l’accueil, et l’accueil est lui-même un don. La rencontre continue de fonctionner comme un miroir, mais ce que j’y vois n’est plus ma propre peur, mais au contraire c’est ma propre dignité. Aucune morale pourtant dans ce texte : personne ne fait d’effort, personne ne se dit qu’il doit ou qu’il devrait faire ceci ou cela. Aucun projet politique dans lequel je chargerais l’État de faire ce dont humainement je ne suis pas capable moi-même. Aucune intention pédagogique. Juste un récit, le récit d’une rencontre qui change la vie, la vie concrète des 3 filles qui nous sont montrées ici.

Alors, bien sûr, ce récit interpelle, tout comme le chant que nous avons chanté auparavant, mais bien sur le mode personnel, par rapport à cette rencontre, et à ma propre étrangeté devant l’Enfant Jésus. Je ne suis pas un des bergers du pays, certes. Je ne suis pas non plus un riche astrologue d’un pays lointain. Je ne suis que moi, et parfois j’en suis fier, et parfois cela me pèse. Nous sommes tous ainsi, n’est-ce pas ? Quant au pasteur, lui, il n’a ni ailes ni auréole, alors, il peut bien parler… ! La vraie question, c’est juste de savoir si ma propre pauvreté va me pousser à franchir une porte au-delà de laquelle rien ne sera plus comme avant, parce que ma pauvreté va y rencontrer une autre pauvreté, mon altérité va y rencontrer une autre altérité. Et là, au lieu de chercher à avoir je vais spontanément offrir. Et là, au lieu d’être rejeté ou de devoir faire ma place, je vais spontanément être accueilli.

Qui est l’étranger ? L’ange, assurément, mais il n’est qu’un messager, il ne compte pas. Les 3 filles, oui. Le bébé et ses parents, oui. Qui accueille qui ? Qui donne à qui ? En tout cas, personne ne prend, personne n’exige, personne n’est placé plus haut que l’autre. « Reposez-vous, vous devez être fatiguées », dit Joseph à la fin de l’histoire. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos », dira Jésus un jour (Matt. 11 / 28). Quel que soit notre âge, notre statut social, notre engagement ecclésial, nous avons tous des fardeaux qui nous épuisent : des richesses, des manques, des solitudes, des solidarités. La découverte de l’Enfant Jésus, la rencontre avec « notre Sauveur », comme dit l’ange, c’est cela-même qui nous sauve, qui nous réconforte, qui nous donne une nouvelle maison. C’est là, dans cette rencontre, que nous pouvons déposer simplement tous nos fardeaux, et nous laisser accueillir tels que nous sommes.

Oui, il y a un étranger qui nous accueille et grâce à qui, chez lui, nous sommes chez nous. Joyeux Noël !

Saint-Dié (Noël avec les enfants)  –  David Mitrani  –  11 décembre 2016

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