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Première épître aux Thessaloniciens 3 / 12 – 4 / 10
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texte : Première épître aux Thessaloniciens, 3 / 12 – 4 / 10 (trad. Louis Segond)
premières lectures : Évangile selon Marc, 10 / 1-9 ; Genèse 8 / 15-22
chants : 425 et 634 (Arc-en-ciel)
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Quel rapport entre ces trois textes ? Vous pouvez légitimement vous le demander… Le thème n’est pas celui du couple, mais celui des commandements, sans doute. Mais comment comprendre la contradiction apparente entre Jésus qui oppose la radicalité du projet de Dieu au caractère relatif des commandements, et le texte de la Genèse dans lequel il semble que Dieu fasse son deuil de la pureté des sentiments humains ? Car si dans ce second texte Dieu promet de ne plus détruire le monde, ce n’est pas eu égard à un changement d’attitude de l’homme : « les pensées du cœur de l’homme sont mauvaises dès sa jeunesse » ! Nous, bien souvent, nous avons des idées et une pratique qui prennent le contre-pied de ces textes : nous éprouvons les commandements comme trop difficiles – en tout cas nous ne les mettons pas vraiment en pratique – et pourtant nous essayons de nous rendre dignes du salut que Dieu nous a offert en Jésus-Christ. Alors, ces commandements, trop lourds ou trop légers ? Et quelle pureté, quelle sainteté, pour les enfants de Dieu que nous sommes ? C’est à cela que veut répondre la lettre de Paul aux chrétiens de Thessalonique…
Ainsi la première chose à noter, et surtout à ne jamais oublier tout au long de nos jours, c’est que ces exhortations s’adressent à des chrétiens, à des gens qui « connaissent Dieu », qui se savent sauvés par Jésus-Christ du mal, du péché et de la mort. Il ne s’agit donc jamais, en aucune manière, de gagner ce salut, de mériter ce que Dieu fait pour nous. Sans Jésus, hors de la foi, nous sommes morts, « incapables par nous-mêmes d’aucun bien ». Et dans la foi, cette incapacité demeure, tout comme Noé s’avère incapable de penser sa relation avec Dieu autrement que sur le mode de la religion, du sacrifice, préfigurant ainsi l’Abraham qui va lier son fils (Gen. 22), Abraham qui nous est pourtant donné en exemple de la confiance en Dieu. C’est que, si Dieu regarde avec amour ceux qui essayent de s’approcher de lui, comme le « jeune homme riche » des évangiles (Marc 10 / 21), ce ne sont pas ces tentatives qui suscitent un tel amour, qui est paternel, donc gratuit : c’est un amour qui donne, qui se donne, pas une « convoitise » qui serait un amour qui prend…
Dieu est notre Père, c’est-à-dire qu’il est à l’origine de ce que nous sommes, à l’origine de notre vie, à l’origine de notre foi, à l’origine de notre amour. Car il faut aussi noter que, dans notre extrait de la lettre de Paul, ce qui est dit sur la sanctification prend place au cœur d’un passage plus vaste sur l’amour : celui de Paul et celui de ses paroissiens. Et cet amour est supposé déjà là, donné et augmenté par Dieu lui-même. « Que le Seigneur augmente de plus en plus parmi vous, et à l’égard de tous, cet amour que nous avons nous-mêmes pour vous… » « Vous avez vous-mêmes appris de Dieu à vous aimer les uns les autres… » Ainsi, rien de ce qui est dit dans notre texte ne concerne le salut, les mérites, le prix à payer, l’obligation d’obéir, etc. Car le prix a été payé une fois pour toutes par le Christ sur la croix. Et le fruit de ce « sacrifice unique et parfait », c’est précisément l’amour qui grandit en nous parce que, par la foi, l’amour que Dieu nous porte nous a atteints et transformés.
Il n’y a donc ici, et dans tout ce que nous pouvons considérer comme notre obéissance à Dieu, nulle dette, nul sacrifice au sens propre, nul paiement. Mais des progrès à faire, certainement : « nous vous prions et nous vous conjurons au nom du Seigneur Jésus de marcher à cet égard de progrès en progrès. » L’apôtre Paul décrit donc ici non pas une conversion à accomplir, mais une progression. En quelque sorte, il est plus optimiste que vous et moi, lorsque nous pensons qu’il nous faut toujours à nouveau nous convertir, revenir vers ce Dieu dont nous nous éloignons sans cesse. Oui, Paul est optimiste à notre égard. Il nous pense, il nous croit sur la bonne route ; et il espère seulement que nous n’allons pas nous arrêter en chemin et regarder en arrière, comme la femme de Lot au bord de la mer Morte (Gen. 19 / 26). Ce qu’il nous dit ici est donc bien à prendre comme des encouragements, et c’est bien le rôle d’un pasteur – non ? – que d’encourager ses paroissiens à tenir ferme (Éph. 6 / 14) !
Dieu veut donc, comme un Père aimant, que ses enfants soient saints, c’est-à-dire soient comme lui, vivants de sa vie à lui, et non pas pollués par toutes sortes de choses qui sont étrangères à leur identité d’enfants de Dieu. Et le mot qui est utilisé pour ces choses, c’est « πορνεια », « impudicité, adultère ». Comme Paul l’écrit ailleurs, « celui qui se livre à l’impudicité pèche contre son propre corps. » (1 Cor. 6 / 18) C’est-à-dire que c’est sa relation à lui-même et aux autres – ce que le « corps » désigne – qui est abîmée. Il s’agit donc bien d’identité, au-delà de l’image de sexualité ou de prostitution qui sert aussi dans la Bible à désigner l’idolâtrie. Ainsi, Paul ne nous prévient pas seulement contre l’adultère ou la pornographie, mais bien plus largement il nous dit qu’il y a encore dans nos vies des choses qui relèvent de l’idolâtrie, des choses qui nous définissent autrement que comme enfants de Dieu, des choses qui nous empêchent d’être réellement tournés vers Dieu. La suite du texte va d’ailleurs bien montrer qu’il n’est pas question seulement de débauche sexuelle, réelle ou fantasmée.
Qu’est-ce donc qui oblitère notre identité d’enfants de Dieu, saints parce qu’engendrés à cette identité nouvelle par lui, le Dieu saint, le Saint d’Israël ? Chacun de nous le sait ou pourrait le deviner pour lui-même, en se gardant de chercher à le faire pour les autres – merci pour eux ! C’est le but de nos confessions des péchés que de nous appeler à cet exercice de lucidité sur nous-mêmes. Par-delà des paroles simples et habituelles prononcées à haute voix lors des cultes, c’est bien à cette lucidité sur nous-mêmes que nous sommes appelés chacun personnellement, à cette reconnaissance de tout ce qui encombre nos vies et, plus que ça, de tout ce qui vient de nous et qui nous empêche de profiter pleinement de ce que nous sommes devant Dieu et les autres : des saints ! Le but : « que chacun de vous sache posséder son vase dans la sainteté et la dignité. » Car ce que nous sommes, nous le sommes parce qu’en nous, comme en des vases qui sont alors des temples, le Saint-Esprit est venu habiter (1 Cor. 6 / 19). Il nous faut donc prendre un soin particulier des « vases » en question, c’est-à-dire de notre corps. Mais pas au sens où notre société, toujours grecque, flatte les corps auxquels pourtant elle prétend ne pas attacher de valeur ! Non : au sens que je vous rappelais il y a quelques minutes, que nos corps sont synonymes de relations, et que c’est bien nos relations, et donc nous en tant qu’êtres relationnels, dont nous devons prendre soin.
Quand on est sale, soit on se cache, soit on s’exhibe – ce qui est une autre manière de se cacher –, soit enfin on se lave. L’apôtre Paul nous indique cette troisième solution qui est celle qui correspond à ce que Dieu veut pour nous. Se morfondre sur notre péché, sur notre incapacité, sur la responsabilité des uns et des autres, cela relève des deux premières solutions, selon comme on le fait. Ça ne mène à rien, à aucun changement, à aucune reconstruction. Notre société est malade d’un tel fonctionnement, où tout le monde cache ses propres responsabilités et exhibe ses excuses et la responsabilité des autres ou du système. Et nous-mêmes sommes individuellement malades de la même maladie lorsque nous pratiquons ainsi. Si ça n’est jamais de ma faute, pourquoi voulez-vous que je change ? L’hérédité, l’inconscient, la culture, la société, deviennent ainsi non pas des causes, mais des prétextes. Dieu n’en a cure. « Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification », pas vos excuses ni que vous baissiez les bras. Voilà les encouragements de l’apôtre Paul : allez-y !
Pour nous aider à mieux comprendre pour mieux « progresser », l’apôtre utilise un autre mot, celui de « convoitise », le reliant aux « nations », aux « païens », c’est-à-dire là encore à l’idolâtrie. Cela renvoie bien sûr au dixième commandement : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien qui soit à ton prochain. » (Ex. 20 / 17) C’est LE commandement auquel ma culpabilité ne peut pas échapper. Je puis toujours argumenter que je ne tue pas, je ne vole pas, etc. Je peux même chercher à faire croire que je n’ai pas d’autre dieu que Dieu. Mais ce dernier commandement invalide toutes mes prétentions : de convoiter, de chercher à avoir, je ne puis me disculper – même si je ne donne jamais suite… Or, comme Jésus le disait dans le « Sermon sur la montagne » : « Moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. » Nous avons là une manière peut-être moins moralisante qu’avec des idées de pureté et de saleté : de quels désirs suis-je esclave ? Quels désirs vont m’abaisser au lieu de me faire grandir, quels désirs vont me frustrer au lieu de m’accomplir ?
Car qui dit idolâtrie dit esclavage, la leçon biblique là-dessus est constante. Si j’ai d’autres dieux que Dieu, ils vont me rendre esclave. Seul le Dieu qui a donné sa vie pour moi est un Dieu qui libère, aujourd’hui comme autrefois. Il ne s’agit pas de se construire un veau d’or chez soi – encore que nous pourrions parfois évacuer de chez nous les images dont la présence-même est un contre-témoignage… Mais fraude et cupidité sont les deux exemples que prend l’apôtre Paul, bien loin du vocabulaire sexuel qu’il utilisait dans la phrase précédente : « que personne n’use envers son frère de fraude et de cupidité dans les affaires. » Ah, les affaires ! Il y a celles dont on nous rabat les oreilles à la télé pour nous convaincre que tous les politiques sont pourris puisque certains le sont. Mais il y a aussi « mes » affaires, celles dans lesquelles je suis embringué, celles où je me débats pour m’en sortir seul et mieux que si je m’étais laissé faire, et pour lesquelles je puis utiliser tous les moyens car alors ils sont tous bons pour y arriver… Voilà où se loge le diable !
En bien d’autres endroits, Paul exhorte les chrétiens à se sortir de toutes les combines qui finissent ou même qui commencent par les opposer les uns aux autres. Et ce n’est pas pour rien que le texte continue en parlant d’ « amour fraternel ». Ce dont l’apôtre nous a parlé tout du long, y compris avec les mots d’ « impudicité » et de « convoitise », c’est de ce qui peut nous opposer les uns aux autres. Car le corps qu’il s’agit de préserver et de soigner, c’est aussi l’Église. Je ne parle pas d’association cultuelle, n’est-ce pas… Nous sommes le corps du Christ, la manifestation de sa présence aujourd’hui là où nous sommes. Il convient donc que nous soyons de plus en plus transparents à cette présence, non pas en nous effaçant, mais en nous affirmant comme ses frères et sœurs. S’il s’agit de nous nettoyer – synonyme de « purifier » – alors c’est en enlevant de plus en plus ce qui nous rend opaques, ce qui ne renvoie qu’à nous au lieu de renvoyer à Jésus ceux qui nous regardent.
Vous vous en rendez compte, il ne s’agit donc pas de morale individuelle, mais des nécessités du témoignage, puisque – rappelez-vous – nous sommes là pour ça. D’où l’importance que Paul y attache. Ce qui m’occupe indûment, ce qui cache que je suis enfant de Dieu, toutes ces choses m’empêchent aussi de faire ce pour quoi Dieu m’a mis là où je suis, que ce soit famille, travail, engagement social, etc. Il ne m’y a pas mis pour que d’une manière ou d’une autre je gagne ma vie, mais parce que ma vie a été gagnée par Christ, et pour que ça se voie. Et ça ne se voit bien que si nos relations entre nous sont claires, nettoyées, lumineuses, sans idolâtrie de soi ou des autres, du corps ou des affaires, de ci ou de mi. Libres enfants d’un Dieu libre, ensemble. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 9 octobre 2016