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Épître aux Éphésiens 2 / 1-10
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texte : Épître aux Éphésiens, 2 / 1-10 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Deuxième livre de Samuel, 12 / 1-10. 13-15a ; Évangile selon Luc, 18 / 9-14
chants : 420 (Arc-en-ciel) et 45-24 (Alléluia)
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Chers amis, le cas de l’adultère de David avec Bath-shéba et du meurtre concomitant du mari de celle-ci, le général Urie le Hittite, est clair, nous le connaissons tous depuis l’école biblique… La condamnation de cet acte doublement contraire à la volonté de Dieu, condamnation rapportée par le prophète Nathan, est également claire. La repentance du roi David se manifestera par le psaume 51, qui a porté notre propre repentance tout à l’heure, au début de ce culte. Mais la faute de David n’en demeure pas moins, et ses conséquences ne pourront être effacées : le péché ne peut pas porter de bons fruits. Nombre de nos dirigeants, en France ou ailleurs, seraient bien inspirés de relire cette histoire, car pour Dieu la conquête et l’exercice du pouvoir n’autorisent pas n’importe quoi, n’importe quel moyen, n’importe quel droit ; et rien de bon ne peut être produit par un biais pervers. Il ne s’agit pas d’angélisme, mais Dieu – tout comme nous – Dieu exige de ceux qui ont des charges importantes et glorieuses à la fois l’humilité et l’honnêteté, mais aussi la responsabilité – et celle-ci devant lui ! Le mari, le patron, le délégué syndical, le politicien, etc., répondront devant Dieu de leurs abus de pouvoir, et ne doivent pas s’étonner de leurs échecs dès lors que leur pouvoir se fonde sur leurs propres œuvres mauvaises plutôt que sur leur soumission à Dieu et au service qu’ils doivent aux autres.
À la suite de cela, la parabole rapportée par Luc, qui n’en est pas vraiment une, est la simple constatation, un peu caricaturale sans doute, de ce qui se passe tous les jours pour « certaines personnes qui se persuadent d’être justes et qui méprisent les autres ». Le regard ne porte pas tant sur le péager, réputé malhonnête et qui le reconnaît devant Dieu, que sur l’autre personnage, qui est finalement comme David dans l’histoire précédente : il se croit honnête et fondé dans toutes ses actions, et n’a pas l’ombre de l’idée de devoir rendre des comptes à Dieu. C’est à la fois son aveuglement sur lui-même et son mépris des autres qui lui sont reprochés par Jésus. Il est, de plus, membre d’un parti religieux pour lequel la foi se vit 24 heures sur 24 dans l’obéissance aux commandements : croit-il donc qu’accomplir tout ce qui est écrit lui garantit la reconnaissance de Dieu et la légitimation de ses propres œuvres ?! Ce serait là l’aspect le plus caricatural de la religion, lorsqu’elle permet de se rendre gloire à soi-même en oubliant Dieu et le prochain… Mais à la fin de l’histoire, ce n’est pas sur lui qu’on s’arrêtera – tant pis pour son ego – mais sur l’autre, qui « descendit dans sa maison justifié ».
Car avec l’apôtre Paul, c’est bien de ce deuxième personnage qu’il est question lorsqu’il parle de nous autres ! Je laisserai de côté David tout-puissant ou le Pharisien qui s’autojustifie jusqu’à une future prédication, car aujourd’hui Paul nous dit : « Pour vous, vous étiez morts par vos fautes et par vos péchés, dans lesquels vous marchiez autrefois selon le cours de ce monde. » Il y a dans cette phrase au moins trois points importants qui nous concernent. D’abord, Paul s’adresse à nous ses lecteurs en tant que nous sommes fautifs et pécheurs – comme David le reconnaissait pour lui-même dans son psaume… La reconnaissance de cet état par chacun de nous est incontournable. Tout autre positionnement – comme celui du Pharisien par exemple – nous empêcherait d’entendre et de nous approprier ce qui est dit ensuite, et nous mettrait en porte-à-faux par rapport à la Parole que Dieu nous adresse, à nous pécheurs. C’est pourquoi le culte chrétien place quasiment au début de sa liturgie, après avoir rendu gloire à Dieu, ce moment qui s’appelle repentance, contrition, confession des péchés, ou de tout autre nom équivalent : c’est qu’il n’est pas possible de poursuivre notre culte sans passer par ce moment-là, sans nous reconnaître pécheur devant Dieu et devant nos frères et sœurs – qui sont dans le même état.
Car, au passage, cela nous remet sur un pied d’égalité que « le cours du monde », comme dit Paul, avait brisée. Car dans « le monde » il y a des hauts et des bas, des puissants et des opprimés, des riches et des pauvres, des parents et des enfants, et toutes sortes d’autres inégalités de nature ou de culture… Or, devant Dieu, nous sommes tous ses enfants. Ou pour le dire comme Paul, en Christ « il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni mâle ni femelle. » (Gal. 3 / 28) Et la première réalité existentielle qui fonde cette égalité, c’est précisément celle du péché, quoi qu’en ait pensé le Pharisien de la parabole ! Il y a une universalité du péché, et nous aussi, nous sommes concernés par cela. D’ailleurs, après avoir dit « vous », Paul rajoute « nous tous aussi », tout en reprécisant avec d’autres mots qu’il n’est pas forcément question d’être des criminels – même si ça peut y mener – mais simplement nous sommes pécheurs parce que « nous exécutons les volontés de notre chair et de nos pensées ». Bref, est pécheur tout être humain qui considère d’abord son propre intérêt tel qu’il le comprend, tout être humain qui considère que lui et les siens sont les gens prioritaires dans tous ses choix de vie.
Vous allez me dire qu’il le faut bien… Si David avait été un autre, il aurait pu répondre cela à Nathan, il aurait aussi pu le faire taire… C’est le péché d’Israël, dans l’Ancien Testament, que d’avoir préféré compter sur lui-même ou choisir ses protecteurs parmi les puissants, plutôt que de compter sur Dieu seul. C’est la nature humaine. Chez les animaux, on parlerait d’instinct de conservation… C’est le contraire de ce que Jésus a vécu, c’est le contraire de la confiance que Dieu nous demande d’avoir envers lui. Et l’humanité vit ainsi depuis les premiers jours du monde, nous dit la Bible – et nous en faisons partie. C’est ce que Paul appelle ailleurs « le vieil homme » (Éph. 4 / 22 ; Rom. 6 / 6). Le critère du péché, ce n’est pas le bien et le mal, c’est de nous octroyer le droit de décider ce qui est bien ou mal, ainsi que nos premiers parents mangeant « de l’arbre de la connaissance de bien et mal » (Gen. 2 / 17 ; 3 / 5-6). La plupart des pécheurs sont des personnes bonnes – vous en êtes, n’est-ce pas ? Et pourquoi croyez-vous que tant de personnes bonnes, un jour, deviennent capables de mal faire ?… La racine en est le péché, l’absence de confiance en Dieu.
Le second point important de la première phrase de notre texte, c’est que ces fautes, ce péché, sont synonymes pour nous de mort. Paul le répète dans ce texte. Il ne s’agit pas d’un écart que nous pourrions corriger. D’ailleurs, tant que nous cherchons à corriger nous-mêmes nos fautes par nos propres forces, nous ne faisons jamais que persévérer dans le péché, continuant à nous mettre en premier et à compter sur nous-mêmes. C’est le B-A-BA dans la guérison de l’alcoolisme, par exemple : tant qu’on croit pouvoir y arriver seul, ça ne marche pas ; il peut commencer à y avoir quelque chose qui se passe lorsqu’on renonce à s’en sortir seul, et qu’on s’en remet à d’autres… Se reconnaître « morts », c’est accepter cette incapacité à nous en sortir seuls, c’est même accepter notre incapacité à nous en sortir ensemble, car « ensemble » est un « seul » collectif, si j’ose dire ; c’est le même principe. Si nous sommes morts, c’est donc que nous avons besoin d’être ressuscités, nous avons besoin que quelqu’un d’autre nous redonne la vie. Et soit ce quelqu’un existe, soit « nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » (1 Cor. 15 / 17-19).
Le troisième point important, et en fait celui pour lequel tout ceci nous est rappelé, c’est donc bien que « Dieu est riche en miséricorde et, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos fautes, il nous a rendus à la vie avec le Christ. » Ce qui opère le passage de notre mort à notre vie en-dehors du péché, c’est-à-dire en communion avec Dieu, ce ne sont pas nos œuvres, quelles qu’elles soient, mais la résurrection de Jésus-Christ. C’est-à-dire un événement qui nous est totalement extérieur. Comme il est écrit ailleurs : « lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort pour des impies. » (Rom. 5 / 6) Sans force ! Ce n’est rien de le dire… 1.930 ans avant ma naissance, Christ est mort pour moi, et pour moi il a vaincu la mort. Avant que je le sache, avant que je sois capable de faire quoi que ce soit pour ou contre… Ce que le monde d’aujourd’hui est en train d’oublier, c’est qu’une naissance n’est pas le fruit d’un droit ou d’une transaction commerciale, mais le fruit d’un amour. Et Dieu, en Christ, a particulièrement vécu cette réalité pour moi : c’est son amour qui me fait naître à une vie nouvelle, c’est lui qui me fait vivre.
La logique d’une telle naissance, c’est donc qu’elle est passée : « c’est fait ! » (Apoc. 21 / 6) Et c’est bien pourquoi, à la différence de ce que je fais depuis le début de cette prédication, l’apôtre Paul mettait toutes ces phrases au passé : « vous étiez morts… » Frères et sœurs, il ne nous faut donc pas vivre comme des morts en sursis, soit que nous attendions la mort sans rien faire, soit au contraire que nous nous débattions avec cette existence-ci pour tenter de la justifier. Non. Nous sommes ressuscités, nous sommes « nés de nouveau » (Jean 3 / 3). Nous n’attendons rien d’autre que de voir ce qui est déjà là. Et ce qui est déjà là, c’est cette vie nouvelle, avec, comme Paul l’écrit, « des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions. » Je ne veux pas maintenant développer quelles sont ces œuvres, d’autres textes apostoliques en parlent plus directement.
Mais je veux terminer sur ce qui est au centre de l’extrait que je vous ai lu, et qui est au centre de cette foi protestante dont nous fêterons bientôt le demi-millénaire : « C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » Que ce soit le don, la grâce, de Dieu : je viens de vous le montrer : qui d’autre en effet pourrait redonner vie à un mort tel que moi ?… Mais le moyen par lequel cette grâce advient dans ma vie et opère ce pour quoi elle est faite, c’est la foi, c’est la confiance que j’accorde à ce Dieu si bon que son Fils a donné sa vie pour moi, pour que j’en vive. Cela ne s’opère pas, ne prend pas corps en moi, par magie ni par ma volonté, mais par confiance, « par la foi ». Ainsi procèdent toutes les formes d’amour, vous le savez bien. L’amour n’est pas affaire de contrat ni de preuves, mais de confiance. Il en est de même du salut, qui n’est qu’un autre nom de l’amour. Il a beau être inconditionnel, il ne peut se vivre que dans la confiance, et si celle-ci n’existe pas, il n’y a pas d’amour possible.
On aurait beau avoir toutes les « bonnes œuvres » imaginables, ou à l’inverse avoir besoin de tous les pardons possibles et impossibles, sans confiance, sans la foi, rien ne peut advenir, rien n’a de sens. Sans la foi, je reste mort pour toujours. Ainsi la question que Jésus posait à Marthe devant le tombeau de Lazare est-elle bien la question toujours actuelle et centrale pour nous : « crois-tu cela ? » (Jean 11 / 26) Non pas une adhésion intellectuelle, mais cette confiance totale que Jésus requiert : « crois-tu que je puisse te faire revivre et tout changer dans ta vie ? » Arrêtons de nous débattre, et laissons-le faire, avec confiance, avec foi. Laissons-le nous ressusciter, ici et maintenant. Car sans lui, nous sommes morts. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 7 août 2016