Épître aux Romains 6 / 3-14

 

texte :  Épître aux Romains, 6 / 3-14   (Trad. Œcuménique de la Bible)

autre lecture :  Actes des Apôtres, 2 / 1-8. 11b-18. 32-33. 36-39

chant :  36-24  (Alléluia)

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Rupture… Le baptême est rupture. Le Saint-Esprit fait rupture. Et ce culte, fera-t-il rupture dans votre vie ? Car, chers amis, c’est bien de ça qu’il s’agit. Pas d’un rite, pas d’une quelconque obligation religieuse. Dans notre société soi-disant sécularisée, quel sens cela aurait-il ?! Vous l’avez entendu sous différentes formes tout à l’heure, et très clairement dans le texte de Saint Paul que Samuel nous a lu : il y est question de mort et de résurrection, il y est question de vie nouvelle. Y a-t-il rupture plus importante ? Cela ne concerne pas une personne singulière il y a 20 siècles, mais tout un chacun mis en présence de cette personne-là, Jésus Christ. Cela concerne Florine, bien sûr, et ce sera le rôle de ses parents et de ses parrain et marraine que de le lui expliquer. Mais cela les concerne eux aussi, et vous, et moi. Il y a ici une rupture nécessaire à la vie, et elle a eu lieu, à notre profit et bénéfice.

 

C’est que la vie, notre vie, est… ce qu’elle est. Pour le dire comme la Bible, elle se place sous le signe de la Loi et du péché. Il s’agit de « gagner sa vie », que ce soit en salut (peut-être), en argent, en travail, en considération sociale, comme ailleurs ou autrefois en nombre de femmes, en nombre d’enfants, en nombre de troupeaux !… À vous, à chacun, de savoir de quoi sont constitués les troupeaux pour lesquels il fait passer tout le reste après, y compris lui-même. Notre vie est placée sous le règne de l’obligation, et donc de la révolte qui en est le pendant, l’équivalent. Il y a certes des obligations réelles, sans lesquelles toute vie commune serait impossible. Et puis il y a celles auxquelles on se soumet par notre propre volonté, ou par notre propre faute. Il y a dans cette existence tout ce qui fait que nous ne sommes pas nous-mêmes. Et n’étant pas nous-mêmes, trébuchant régulièrement à côté de nos chaussures, évidemment nos relations les uns avec les autres sont elles aussi tordues. Nous sommes et nous nous ressentons comme des esclaves : esclaves de la société, du destin, de l’âge, des autres, de notre propre psychologie, de notre corps, etc. Nous sommes en quelque sorte prisonniers de notre existence, qu’elle soit de soumission ou de révolte.

 

C’est exactement ce que la Bible appelle le péché, dès lors qu’elle nous dit que c’est comme ça parce que nous avons loupé l’appel de Dieu à la liberté. Et le Dieu de la Bible fait sans cesse retentir cet appel, à travers les pages de la Bible, mais encore faut-il les lire et se sentir concernés par la parole que nous y entendons. Malheureux serait celui ou celle qui lirait la Bible par souci historique : il n’en tirerait pas grand’ chose ! Car à travers la Bible, c’est vous, c’est moi, que Dieu appelle. Et il nous appelle non pas à l’obéissance, mais à la liberté. L’obéissance rend supportable pour tous l’esclavage de chacun. Mais ce n’est pas notre vocation. En mourant par amour pour nous, alors que rien ne l’y obligeait, en faisant de sa liberté un service d’amour envers tous les humains, Jésus Christ nous a révélé combien il était stupide de vivre et de mourir en esclaves ! Et comme autrefois sous la conduite de Moïse, Dieu nous appelle à traverser la mer infranchissable, à traverser la mort vers une Terre promise « où coulent le lait et le miel » (Exode 3 / 8 etc.). Mais comme autrefois sous la conduite de Moïse, il nous ouvre la mer afin que nous puissions traverser à pieds secs !

 

Ce que cette vieille histoire présentait, c’est ce que Jésus a réalisé pour nous par sa mort et sa résurrection : il a ouvert le seul passage possible, un passage qui sans lui n’existerait pas. Et il ne l’a pas ouvert pour le jour de notre mort, mais pour les jours de notre vie, pour que nous nous y engouffrions dès maintenant, faisant rupture d’avec l’existence précédente, inutile, malheureuse, mortelle en quelque sorte ! L’eau du baptême nous rappelle cette noyade qu’un seul homme a dû subir afin qu’elle nous soit épargnée. Mais si, pour les Hébreux, il était facile de suivre un chef qui les éloignait de l’oppression – du moins le croyons-nous, car la Bible nous montre que ce n’était pas si évident que ça ! – pour nous cela semble bien difficile, et nous n’avons aucune idée de comment faire. Dans la même lettre aux Romains écrite par l’apôtre Paul, à un moment il s’écrie : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » (Rom. 7 / 24)

 

C’est l’apôtre Pierre qui donne la réponse, qui l’explique à ses auditeurs le jour de la première Pentecôte. Ou plutôt, le discours de Pierre explicite ce que tout le monde a pu constater : c’est qu’il s’est passé pour ces hommes quelque chose qui les a fait traverser, quelque chose qui est offert à tous. Autrefois, le baptême était juste un geste pour montrer à Dieu qu’on renonçait à lui désobéir, et donc qu’on méritait son pardon. Vous en connaissez, vous, des bonnes résolutions qu’on a tenues ?… Sur des choses fondamentales, je veux dire… Le baptême chrétien dit autre chose, il se reçoit. C’est-à-dire que ce passage de l’esclavage à la liberté nous est offert, accompli par quelqu’un d’autre pour nous, pour moi. C’est ce qu’on appelle la grâce : Dieu nous fait cadeau d’une liberté impossible à atteindre, il nous adopte comme ses enfants alors que, bien sûr, nous ne le méritons pas, et n’avons même pas idée de ce que ça veut dire, tellement ça nous est étranger.

 

Mais une adoption, si elle est un acte juridique, est bien plus que ça : c’est un geste d’amour. Cet amour personnifié, c’est le Saint-Esprit. C’est lui qui est venu soulever les premiers disciples de Jésus qui se terraient chez eux, peut-être en croyant qu’ils étaient les seuls justes, les seuls bons, les seuls pieux, et en ayant peur des autres et du monde. Mais le Saint-Esprit est venu balayer leur peur et, bientôt, leurs fausses idées. Le Saint-Esprit n’est pas une idée, il n’est pas une religion : il est un souffle qui balaye tout sur son passage, il est un amour, je vous l’ai dit, il est l’amour de Dieu versé sur nous comme l’eau du baptême sur la tête d’un petit enfant ! Les apôtres de Jésus ont seulement alors mérité leur nom d’apôtres, c’est-à-dire d’envoyés. Ils ont été envoyés par le Saint-Esprit à la fois vers leur propre liberté et vers les autres, dans la rue. Non pas vers une nouvelle obéissance à une nouvelle Loi, mais la grâce de devenir grand avec les autres plutôt que de rester petit chez soi, la grâce de vivre de la vie de Jésus, une vie pleine, aimante, reçue et donnée.

 

Ce que le Saint-Esprit annonce, il le réalise. Et de même que, dans le baptême, nous sommes mouillés et pourtant retirés de l’eau vivants, de même le Saint-Esprit de Dieu réalise cela pour nous dans la foi. Il opère lui-même en nous la rupture qui nous est nécessaire pour vivre, tout comme un bébé doit bien sortir du liquide de sa vie fœtale pour la vie aérienne qui est la nôtre à tous. Mais hormis Kirikou dans son dessin animé (M. Ocelot : Kirikou et la sorcière), personne ne s’enfante lui-même ! Notre vie de soumission et de velléités est semblable à celle du fœtus gobant ce qu’on lui impose et donnant des coups de pied. L’Esprit de Dieu nous fait naître à la vie véritable, à la liberté d’enfants de Dieu, vivant de l’amour de leur Père. Il impose la rupture, les ruptures, dans notre existence. Le baptême n’est que la première des ruptures, certes la plus importante. Mais tout comme il ne suffit pas de naître pour grandir, de même dans la vie nouvelle il y a sans cesse des nourritures, mais aussi des ruptures qui permettent de grandir, et d’achever de se débarrasser de ce que Paul appelle « notre vieil homme ».

 

« Mettez-vous au service de Dieu. Car le péché n’aura plus d’empire sur vous, puisque vous n’êtes plus sous la Loi, mais sous la grâce », écrivait Paul. Dit autrement : laissez-vous faire lorsque Dieu – par son Esprit, par la Parole que vous pouvez entendre à travers la Bible, la prédication, le baptême, la communion – lorsque Dieu cherche à briser en vous les chaînes qui vous retiennent, les barreaux qui vous enferment. Faites-lui confiance : c’est ça, la foi. Finalement, la grande rupture est là : passer d’une existence où l’on croit être libre alors que tout et tout le monde décide pour vous, à une nouvelle existence où l’on se sait aimé et où on a envie que cet amour prenne toute la place et dirige notre vie. Laissez Dieu vous enfanter à la vie véritable, c’est aussi de cette manière que vous témoignerez de manière valable, par-delà les mots, que Jésus Christ est mort pour vous et qu’il est votre Seigneur. Oserai-je le dire ainsi : Dieu et Florine attendent cela de vous, de nous tous, de chacun de nous. Comment cette petite fille saurait-elle ce qu’est le bonheur véritable si personne n’en témoigne devant elle, si personne ne le vit avec elle ? Il en est de même de vos voisins et de vos amis : puisse le Saint-Esprit de Dieu vous faire sortir de vous-mêmes pour aller vivre l’amour de Dieu les uns avec les autres. Amen.

 

Raon-l’Étape (baptême)  –  David Mitrani  –  15 mai 2016

 

 

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