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Épître aux Colossiens 3 / 1-17
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texte : Épître aux Colossiens, 3 / 1-17 (trad. : Bible à la colombe)
premières lectures : Ésaïe, 12 / 1-6 ; Évangile selon Matthieu, 11 / 25-30
chants : 153 et 277 (Arc-en-ciel)
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« Vous êtes morts ! » Voilà une bien étrange manière de dire l’Évangile, la bonne nouvelle de notre salut en Christ ! « Vous êtes morts… » Bien sûr, ça ne faisait pas partie du texte de ce dimanche qui, dans la tradition, porte le nom de « Cantate », « Chantez ! », « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles… » (Ps. 98 / 1) C’est vrai que j’ai un peu allongé l’extrait des Colossiens qui était proposé. Pourtant, on pourrait aussi dire, et c’est bien ce que fait l’auteur de l’épître : « chantez, [car] vous êtes morts ! » Ainsi, chers amis, recevez bien ceci comme bonne, comme heureuse nouvelle : oui, en Christ, nous sommes morts, et nous trouvons là une vraie raison de chanter le Seigneur !
Car puisque nous sommes ressuscités, comme le dit l’apôtre, il faut bien que nous soyons morts d’abord ! Il n’y a pas de résurrection possible sans passer par la mort. Or Paul, ici, ne nous dit pas « vous serez ressuscités » ni « vous ressusciterez après votre mort ». Ça, il le dit ailleurs, plus ou moins (1 Thess. 4 / 14 ; 1 Cor. 15 / 16-23). Dans notre texte, il est clair que c’est fait, c’est notre état, dont les conséquences nous sont présentes : « vous êtes morts, et votre vie a été cachée… » Les conséquences aux yeux de Dieu. Mais qu’en est-il des conséquences à nos propres yeux et aux yeux des autres ? Comment manifesterons-nous que nous sommes morts, et que nous sommes ressuscités – même si ce second volet ne sera rendu visible que lors de la venue glorieuse du Christ ? Voilà tout le thème de ce chapitre, et voilà qui nous concerne très directement, très concrètement, dans la vie de tous les jours. Car la constatation que fait Paul, c’est que tout n’est pas réglé dans nos vies, loin de là.
Il passe donc du ciel à la terre, du regard de Dieu au regard humain, en passant de « vous êtes morts » à « faites donc mourir la partie qui est sur la terre… », même si en grec ce n’est pas le même verbe. C’est qu’il y a en nous – pas parmi nous, mais en nous, en chacun de nous – une partie qui n’est pas encore morte, ou bien qui s’agite encore, telle le corps d’un canard à qui on a pourtant coupé le cou ! C’est que nous sommes des deux côtés, comme déjà le prophète Élie le reprochait aux croyants de son temps, et aux lecteurs de son histoire : « jusqu’à quand clocherez-vous des deux côtés ? » (1 Rois 18 / 21) Nous n’avons pas à être surpris de cette constatation, que seul leur aveuglement pourrait cacher « aux sages et aux intelligents », mais que « les enfants » peuvent aisément faire, même si elle n’est pas agréable. Ainsi, si « vous êtes morts » est une bonne nouvelle, le fait que tout en nous ne l’est pas en est bien une mauvaise ! Même si cela ne compte plus aux yeux du Seigneur, ça nous empoisonne pourtant la vie au fil des jours, ça empoisonne nos relations y compris entre frères et sœurs, entre enfants du Père céleste. Ça nous empêche de chanter, et de le faire ensemble !
« La partie qui est sur la terre : l’inconduite, l’impureté, les passions, les mauvais désirs et la cupidité qui est une idolâtrie. » Quelle que soit la liste, nous la connaissons par cœur pour chacun de nous autres, consciemment et inconsciemment. Elle est bien sûr différente pour chacun : « vous marchiez ainsi autrefois, lorsque vous viviez dans ces péchés. » Ce n’est donc pas une liste opposable à qui que ce soit, soit à Dieu pour lui dire que nous ne nous y trouvons pas, soit aux autres pour les accuser comme s’ils étaient plus pécheurs, plus « terrestres » que nous-mêmes. Je le répète, à chacun la liste qui correspond à sa part « terrestre », coupée de Dieu, contraire à ses commandements. D’ailleurs Paul donne une seconde liste sensément synonyme, mais avec d’autres « péchés » : « colère, animosité, méchanceté, calomnie, paroles grossières qui sortiraient de votre bouche ; ne mentez pas les uns aux autres… » Bref, soyez réalistes, ayez chacun votre propre liste, et puis, « maintenant, vous aussi, rejetez tout cela. »
Car le but n’est pas la confession de notre péché. Celle-ci n‘est qu’un moyen, sans doute incontournable – mais notre texte n’en parle pas. Dresser sa liste – « les péchés » – n’est que le premier pas pour y reconnaître la manifestation de notre séparation d’avec Dieu – « le péché ». Or celui-ci est mort sur la croix avec le Christ, et si nous sommes ressuscités, c’est sans ce péché, puisque Dieu a comblé lui-même, en Christ, le fossé qui nous séparait de lui. Il n’y a donc plus que des manifestations du défunt péché, qu’il s’agit de faire disparaître, puisque leur fondement a été enlevé ! Il suffit de souffler dessus ! Notre souffle est-il trop court ? Nous avons celui de Dieu, son Esprit, pour nous y aider. Le lui avons-nous suffisamment demandé ? Je sais que non, quant à moi. Pour vous, c’est à vous de dire ; dans notre Église, personne ne saura à votre place… Chacun connaît son « vieil homme avec ses pratiques », comme l’écrivait Paul.
Le problème alors vient peut-être de ce que nous ne connaissons pas assez « le nouveau », c’est-à-dire le fait que nous soyons rendus conformes au Christ, en qui donc nous sommes morts et ressuscités. Car désormais, par la foi, « Christ est tout et en tous. » C’est comme un vêtement – c’est l’image utilisée par Paul. Ou plutôt, c’est comme un sac de couchage. Ceux qui ont campé en montagne ou en hiver savent bien que, pour avoir chaud dans un duvet, il ne faut pas y dormir tout habillé, car alors son pouvoir calorifique ne peut pas s’exercer. Il faut se dévêtir pour que le duvet soit efficace. Nous dont l’apôtre Pierre dit que nous sommes des « étrangers et voyageurs » (1 Pierre 2 / 11), nous qui campons ici-bas, sachons nous servir d’un bon duvet pour avoir chaud ! Et donc, quittons nos misérables habits terrestres, y compris nos identités qui constituent une troisième liste, finalement, car désormais nous ne sommes plus « ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni Barbare ni Scythe, ni esclave ni libre. » Là encore, adaptez cette liste à notre époque, mettez-y tout ce dont nous sommes fiers, toutes les étiquettes que nous nous collons sur le front et toutes celles dont nous affublons les autres. Déshabillons-nous de tout ça !
Le duvet qui nous est offert pour nous en revêtir et y avoir chaud, c’est « la grâce », mot qui revient sous plusieurs formes dans la deuxième partie du chapitre : « faites-vous grâce », « le Christ vous a fait grâce », « sous la grâce », « soyez reconnaissants » … Ce mot exprime tout ce qui est notre « homme nouveau », notre « nouvelle nature », l’œuvre de conformation au Christ qui est opérée en nous. C’est là que s’exerce notre foi, en tant qu’elle est la parole de Dieu en nous, réponse à la parole de Dieu sur nous. En hébreu, c’était un même mot, la « *hésèd », la grâce de Dieu qui fait le « *hasîd », le croyant, l’homme pieux. Pour reprendre l’image du vêtement, Dieu est l’habilleur, il nous habille, nous sommes habillés… Vous entendez bien que c’est tout un, mais que pour nous il y a un avant et un après. Simplement, cet après ne se manifeste pas en une seule fois, mais il est, à nos yeux, un mouvement plus ou moins continu !
L’auteur de l’épître nous exhorte à vivre déjà et de plus en plus dans cet « après », à profiter de plus en plus de la chaleur du duvet pour avoir de plus en plus chaud, pour vivre de mieux en mieux, pour voir nos relations avec Dieu, et avec les autres, et aussi avec nous-mêmes, se porter de mieux en mieux. Nous que « Dieu a choisis, qu’il s’est mis à part et qu’il aime », une nouvelle liste nous est proposée à vivre, qui n’a plus rien à voir avec les trois premières que nous abandonnons à l’inexistence. Dans cette liste, il n’y a pas vraiment de souci ni de piété, ni de ritualité, ni d’auto-analyse, ni de morale. En fait, il n’y a rien où nous devions mettre Dieu au centre, et rien où nous devions nous mettre nous-mêmes au centre. Pourquoi ne pas chercher à mettre Dieu au centre ? Parce qu’il s’y est mis lui-même : là, il n’y a qu’à ouvrir les yeux, c’est ça la foi ! Et pourquoi ne pas chercher à nous mettre nous-mêmes au centre, en cataloguant à nouveau tout ce qu’il nous faudrait changer ? Parce que faire ça, ne change rien ! C’est comme les bonnes résolutions le Jour de l’An…
Ce qui nous est montré au contraire, c’est que « l’homme nouveau » en nous, le Christ en nous, prend souci des autres, quels que soient les autres. L’apôtre ne nous demande pas de trouver les autres sympas, ni de ne nous occuper que de ceux que nous trouvons tels. Il nous rappelle qui nous sommes, je viens encore de vous le dire : « choisis, mis à part et aimés » de Dieu. Et l’habit neuf et qui tienne chaud qu’il nous présente, c’est de nous soucier du bien des autres : « ardente compassion, bonté, humilité, douceur, patience », se supporter et se pardonner, et « par-dessus tout, revêtez-vous de l’amour qui est le lien parfait ». « Le lien. » Oui, « l’homme nouveau » en nous est lié aux autres. Comme Christ. L’idéal de notre monde, c’est l’autonomie des personnes, le fait de pouvoir se débrouiller tout seul – même si pour ça on aime bien être subventionné ! L’idéal chrétien, c’est quasiment le contraire : c’est que les gens soient liés les uns aux autres non pas par intérêt commun, mais par amour. Comme il est écrit ailleurs d’une manière qui scandalise le monde : « soumettez-vous les uns aux autres » (Éph. 5 / 21), « regardez les autres comme étant supérieurs à vous-mêmes » (Phil. 2 / 3) …
Alors, nous dit l’apôtre, nous aurons la paix – celle du Christ, pas celle que nous voudrions construire… en vain. Nous serons au chaud, pour reprendre mon image de tout à l’heure. La grâce de Dieu sera partout en nous et dans le corps que nous formons ensemble. Et c’est cet ensemble qui forme spontanément chorale. Nous sommes quelques-uns à répéter la Cantate pour le jubilé de la Réforme avec les Spinaliens. Nous y peinons, mais c’est bien, ça vaudra cette peine. Chacun de nous serait évidemment incapable de la chanter seul : elle comporte plusieurs voix ! Concernant la vie chrétienne, c’est plus facile et tout aussi collectif : là où nous « sommes morts » à « la part [de nous-mêmes] qui est sur la terre », là où nous laissons s’exprimer dans nos vies « l’homme nouveau » qui nous vient « du ciel, d’auprès de Dieu » (Apoc. 21 / 10), alors, on ne peut même pas dire que « nous chantons », mais simplement que « ça chante ». Ça chante dans nos vies de ressuscités, ça chante autour de nous, ça chante dans le monde où Dieu nous a placés justement pour ça, pour que retentisse ce chant.
Certains d’entre nous pourraient penser : « mais je ne suis pas encore au point, il me manque telle qualité, telle vertu » ou bien que les circonstances ne s’y prêtent pas. Rappelez-vous seulement Saint Paul dans sa prison à Philippes : « vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les écoutaient. » (Actes 16 / 25) Que vous soyez en pleine nuit ou en prison, quelles que soient vos nuits et vos prisons, rappelez-vous que vous êtes ressuscités avec le Christ, et qu’en tant que tels votre vie chante. Comme nous le rappelait notre chef de chœur hier : ouvrez la bouche et articulez ! Car il y a des « prisonniers [qui vous] écoutent… » « Quoi que vous fassiez », laissez chanter en vous, laissez-vous chanter ensemble, le Seigneur Jésus : c’est dans son Nom, c’est en lui, que vous vous tenez, c’est parce que vous êtes en lui, c’est lorsque vous êtes en lui, que votre vie « chante les louanges de Dieu ». Puisse notre Église laisser elle aussi monter ce chant jusqu’aux oreilles de ceux qui en seront réjouis et libérés à cause de Jésus. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 24 avril 2016