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Épître aux Romains 13 / 8. 11-14
Partage
texte : Épître aux Romains, 13 / 8. 11-14 (trad. : Bible à la colombe)
première lecture : Jérémie, 33 / 14-17
chant : 633 (Arc-en-ciel)
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« Parole de bonheur… » « Aimez-vous les uns les autres… » Les textes que je viens de vous lire s’ouvrent par ces mots, qui, bien que rabâchés, sonnent heureusement à nos oreilles en ces temps difficiles marqués par la violence terroriste contre notre pays, mais aussi par un chômage qui ne faiblit pas, une situation économique pénible pour bien des entreprises, le délitement des structures familiales et de solidarité, une crise climatique qui s’annonce et une crise migratoire qui est déjà là. Quoi qu’en disent certains, ces éléments de notre actualité ne sont pas forcément liés, pas forcément inattendus non plus, mais leur conjonction fait d’autant plus peur que, pour la plupart d’entre nous ici, la vie n’était pas si pénible jusque-là… Et la peur, vous le savez, est mauvaise conseillère… Elle augmente les problèmes, elle ne les résout jamais.
Il est donc temps de se réveiller. Notre pays depuis 15 jours se donne l’impression qu’il le fait. Mais n’est-ce pas seulement une impression, justement ? Car personne ne sait trop en quoi doit consister ce réveil… Selon les options politiques, selon la conception qu’on a de la morale individuelle, familiale et sociale, de l’éducation, etc., j’imagine bien que nous n’envisageons pas tous ce réveil, s’il doit se faire, de la même façon. Le peu de drapeaux aux fenêtres avant-hier dans St-Dié le montrait assez. Mais est-il bien raisonnable de parler, sinon de parier, sur le réveil de notre communauté nationale, comme si nous étions spectateurs ? Car nous en faisons partie, et une autre belle évidence est que le réveil en question doit être le nôtre, et pas seulement celui du voisin, qu’il soit chrétien, juif, musulman ou autre chose, qu’il soit dit « de souche » ou bien « issu de l’immigration », ou quelle que soit l’étiquette plus ou moins sympathique que nous lui collons sur le front.
Ainsi, comme l’écrivait l’apôtre Paul aux chrétiens de Rome, « c’est l’heure de vous réveiller enfin du sommeil ». Et si la promesse de Dieu est une promesse de bonheur se réalisant dans un monde de malheurs, nous n’avons pourtant pas l’habitude d’entendre un appel à nous « réveiller ». À « veiller », oui, ça nous le savons : « veillez et priez » (Matt. 26 / 41) ! Nous ne le faisons pas forcément, mais nous le savons. C’est une parole adressée à des gens réveillés, et qui vaquent à des tas de choses. C’est un appel au shabbat : cesser de nous laisser distraire par les contingences de la vie. Comme Paul le dit aussi : « ne vous mettez pas en souci de la chair pour en satisfaire les convoitises » ; autre manière de dire la même chose, d’appeler à veiller. Mais pour cet Avent qui s’ouvre aujourd’hui, je vous le disais, il n’est pas question de veille, mais de réveil. Non pas de rester éveillés, mais de cesser d’être endormis. C’est un peu plus dynamique, si vous voulez ! Ou plus réaliste…
Pourquoi se réveiller maintenant ? Pour quel salut ? Paul ne parle pas de pays, de nation, de civilisation. Il parle de relation à Dieu, au Christ. Mais son argumentation est ironique : « maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru » ! Le contraire serait étonnant. Disant cela, Paul ne dit rien, il se moque seulement de ceux qui crient à la fin du monde : bien sûr, je suis plus près de demain que je ne l’étais il y a cinq minutes. Et alors ? Non, c’est bien pour une journée normale que nous avons besoin de nous réveiller. C’est le matin, oui. Pas le matin du Dernier Jour, pas le matin du Jugement. Et vous savez pourquoi ? Parce que le Jugement, il a déjà eu lieu : ceux qui ont « revêtu le Christ » (Gal. 3 / 27) vivent déjà après. L’évangéliste Jean nous l’avait déjà dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » (Jean 3 / 16-18)
Alors, pourquoi se réveiller ? Mais pour aller travailler, bien sûr ! Pas à notre salut, puisque ça, c’est fait, je viens de vous le rappeler. Mais si Dieu nous a laissés dans ce monde, c’est-à-dire aussi dans ce pays, dans cette ville, dans notre voisinage d’habitation ou de travail, c’est parce qu’il attend de nous quelque chose. Paul le dit à sa manière dans notre texte de ce matin. C’est que nous ayons une manière de vivre qui reflète que nous sommes à Jésus-Christ. Nous « ne devons rien à personne » à cause de ça, Paul nous le rappelait d’entrée. Mais à cause de ça aussi, nous nous devons les uns aux autres, et nous nous devons aux autres, ceux qui ne connaissent pas le Christ, ceux qui restent enfermés dans leurs peurs et qui y réagissent mal – et comment feraient-ils autrement ? Nous avons un témoignage à rendre ! C’est qu’il est possible de vivre sans se soucier de soi, en se souciant des autres, en se souciant de ce qui est juste, c’est-à-dire ce qui permet à chacun de bien vivre dans un monde que Dieu a créé précisément dans ce but.
« L’Éternel notre justice », annonçait Jérémie, en pensant peut-être au nouveau roi qui s’appelait « L’Éternel est juste », Sédécias. Mais Sédécias ne fut pas juste, il fut rebelle et le prix en fut énorme : la destruction de Jérusalem et de son Temple. 600 ans plus tard, Jésus est venu comme la justice du Père, une justice qui rend juste et propre celui qui est sale et pécheur. Et le prix en fut énorme là encore : la mort du Fils unique de Dieu. J’ai été rendu juste par la mort de celui qui est le seul Juste. Et c’est de cette justice-là que je peux et dois être témoin maintenant. C’est pour cette tâche que Paul et tout cet Avent que nous célébrons nous appellent à nous réveiller de notre sommeil. Le sommeil permet de reconstituer ses forces. Nous n’en avons plus besoin : l’Esprit du Christ est notre force ! Le sommeil est de l’autoconsommation : nous n’en avons plus besoin : Christ est notre nourriture. Nous n’avons plus besoin de nous gaver du monde ni d’en baver d’envie : c’est ce que font les gens qui n’ont pas de confiance ni d’espérance. Nous, nous avons Jésus-Christ, et il faut montrer que cela nous suffit, et que rien ni personne ne pourra nous prendre cette identité-là.
Nous réveiller ? Déjà nous regarder dans la glace, comme n’importe quel matin, pour constater nous-mêmes de visu que le Christ nous suffit. Et puis sortir et le montrer aux autres, comme n’importe quel matin. Ne pas rester chez nous, entre nous, mais porter sur la place publique ce que nous sommes de par Dieu. Les gens nous regardent, comme tout le monde regarde tout le monde tout le temps. Saurons-nous susciter autre chose que le mépris, l’indifférence, la haine, voire l’admiration ? Car ce n’est pas nous qu’ils doivent regarder, mais celui que nous avons revêtu sans faire semblant, et qui nous suffit : le Christ, celui qui vient pour eux aussi. « Parole de bonheur. » Amen.
Saint-Dié (journée de l’Avent) – David Mitrani – 29 novembre 2015